Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... A... E..., Mme B... G..., épouse A... E..., M. I... E... C... et Mme F... D..., épouse E... C... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 23 avril 2018 par laquelle le maire de la commune de Vincennes a décidé d'exercer le droit de préemption sur le terrain situé 2 rue Félix Faure.
Par un jugement n° 1804629 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2021, M. et Mme A... E... et M. et Mme E... C..., représentés par Me Aumont, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804629 du tribunal administratif de Melun en date du 12 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 23 avril 2018 par laquelle le maire de la commune de Vincennes a décidé d'exercer le droit de préemption sur le terrain situé 2 rue Félix Faure ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vincennes une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ont été méconnus, la décision de préemption ne répondant pas à un but d'intérêt général mais à un intérêt purement privé ;
- la préemption n'était pas nécessaire pour la réalisation de l'opération visée ; elle est justifiée par un " nouveau choix " de la ville qui est étranger à un intérêt général dès lors qu'elle disposait déjà de stationnements pour les logements privés qu'elle avait décidé de construire ; le but poursuivi est le confort des acquéreurs des logements ; les emplacements préemptés ne sont d'ailleurs pas utilisés ;
- il n'est pas justifié que la réalisation de logements privés était nécessaire à l'opération de construction de logements sociaux ; un tel financement serait contraire au principe d'universalité budgétaire ;
- la commune ne fait pas valoir un projet précis ; elle ne justifie pas de la mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2021, la commune de Vincennes, représentée par Me Chaussade, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les époux A... E... et E... C... se sont portés acquéreurs d'un bien immobilier situé 2 rue Félix Faure à Vincennes, mis en vente par l'association foncière urbaine libre du domaine du bois de Vincennes, correspondant au volume 5 du lot n° 1 de ce lotissement et consistant en une surface de sous-sol à usage d'aire de lavage pour les véhicules automobiles. Une déclaration d'intention d'aliéner a été transmise à la commune de Vincennes, réceptionnée par celle-ci le 12 mars 2018. Par une décision du 23 avril 2018, le maire a exercé le droit de préemption de la commune sur ce bien. Les époux A... E... et E... C... font appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 de ce code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération et au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
4. La décision du maire de Vincennes du 23 avril 2018 mentionne que le droit de préemption urbain est exercé sur le bien immobilier en cause, en vue de la réalisation de places de stationnement afin de permettre la réalisation d'un programme de construction au 111, rue Defrance, comprenant douze logements dont sept sociaux, en dérogeant à l'obligation de prévoir sur l'assiette du terrain la réalisation de places de stationnement, et de contribuer ainsi à la mise en œuvre de la politique de mixité sociale dans l'habitat menée par la commune.
5. En premier lieu, quand bien même l'exercice du droit de préemption ne porte en l'espèce que sur un lot de copropriété, il participe à la réalisation d'un programme de construction de douze logements qui constitue une opération d'aménagement. En outre, la réalisation de logements sociaux a, par nature, pour objet la mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat. Par suite, alors même que la décision du 23 avril 2018 ne vise aucune délibération définissant la politique locale de l'habitat de la commune de Vincennes et quand bien même l'opération en cause, ne prévoyant la construction que de sept logements sociaux, est d'ampleur modeste, elle constitue une opération d'aménagement répondant à un objet mentionné à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et susceptible de justifier l'exercice du droit de préemption.
6. En second lieu, les requérants font valoir que la décision de préemption en litige n'est pas nécessaire à la réalisation de logements sociaux au 111, rue Defrance, dès lors, d'une part, que l'obligation de prévoir des places de stationnement est liée à la seule construction de logements privés destinés à la vente. Ils font valoir en outre qu'un permis de construire a été accordé, par un arrêté du 29 septembre 2017, à la société d'économie mixte VINCEM afin de créer 12 logements sociaux et que, le 20 mars 2018, une demande de permis de construire modificatif a été déposée portant sur la création de sept logements sociaux et cinq autres logements en accession à la propriété, en prévoyant la création de neuf places de stationnement dans un parc de stationnement public exploité par la société Indigo, situé 16 rue du Commandant Mowat, soit à 700 mètres du projet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'immeuble situé 2 rue Félix Faure à Vincennes est à 230 mètres seulement du terrain d'assiette du projet et que sa préemption permettait d'éviter une révision du contrat de concession conclu avec la société Indigo. Il en ressort en outre que la construction de logements destinés à la vente participe au financement de l'opération de création de logements sociaux. Dans ces conditions, si l'exercice du droit de préemption sur le bien immobilier en cause n'était pas nécessaire à la création des logements sociaux en cause compte tenu de la solution tenant à l'utilisation possible d'autres places de stationnement et s'il n'est pas justifié que la création concomitante de logements destinés à la vente était indispensable au montage financier de l'opération d'aménagement en cause, cet exercice participait à la réalisation de logements sociaux et répondait à un intérêt général suffisant. La circonstance, postérieure à la décision contestée, que le permis de construire modificatif délivré le 29 janvier 2019 prévoit des stationnements situés 16 rue du Commandant Mowat est sans incidence sur sa légalité, dès lors que la réalité du projet exposé par la décision de préemption à la date de son édiction est établie.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de préemption du 23 avril 2018.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vincennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par les requérants au titre des frais liés à l'instance qu'ils ont exposés. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge une somme 1 500 euros à verser à la commune de Vincennes, en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... E... et de M. et Mme E... C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A... E... et M. et Mme E... C... verseront à la commune de Vincennes une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... E..., à Mme B... G..., épouse A... E..., à M. I... E... C... et à Mme F... D..., épouse E... C... et à la commune de Vincennes.
Copie en sera adressée à l'association foncière urbaine libre du domaine du bois de Vincennes.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03913
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