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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA01792

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA01792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant d'une mise en demeure valant commandement de payer du 15 juin 2015, émise par le comptable en charge du service des impôts des particuliers de Paris-7ème arrondissement en vue du paiement du solde, en droits et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1996 et 1999, ainsi que de frais de poursuite, pour un montant total de 3 404 749,62 euros.

Par un j

ugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant d'une mise en demeure valant commandement de payer du 15 juin 2015, émise par le comptable en charge du service des impôts des particuliers de Paris-7ème arrondissement en vue du paiement du solde, en droits et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1996 et 1999, ainsi que de frais de poursuite, pour un montant total de 3 404 749,62 euros.

Par un jugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18PA01611 du 5 juillet 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement, déchargé M. A... de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure valant commandement de payer du 15 juin 2015 et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 433989 du 2 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt de la Cour du 5 juillet 2019 et renvoyé l'affaire devant ladite Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 mai 2018, 22 février 2019, 14 juin 2021 et 15 février 2022, M. A..., représenté par Me Maxime de Guillenchmidt et Me Matthieu Ragot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est recevable et fondé à se prévaloir de la prescription prévue à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, en l'absence d'actes de poursuite régulièrement notifiés antérieurs à la mise en demeure en litige ;

- l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales ne fait pas obstacle à ce que soit invoquée la prescription ;

- l'absence de communication au contentieux des preuves de l'existence d'actes valablement interruptifs de prescription viole le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales est contraire à la loi fiscale, porte atteinte à l'égalité des armes et au droit au recours effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et viole le droit au recours effectif prévu à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 août 2018, 12 juin 2019, 21 avril 2021 et 22 juin 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de M. A..., qui relèvent du contentieux de l'assiette, sont irrecevables ;

- le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement est irrecevable, dès lors qu'il n'a pas été invoqué dans la réclamation préalable ni à l'encontre du premier acte qui le permettait ;

- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique ;

- et les observations de Me de Guillenchmidt, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une mise en demeure valant commandement de payer du 15 juin 2015, notifiée le 8 mars 2016 par l'administration fiscale britannique à l'adresse de M. A... à Londres, le comptable en charge du service des impôts des particuliers de Paris-7ème arrondissement a réclamé à l'intéressé le paiement du solde, en droits et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1996 et 1999, ainsi que de frais de poursuite, pour un montant total de 3 404 749,62 euros. Son opposition à poursuites ayant été rejetée, M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de l'obligation de payer résultant de cette mise en demeure. Par un jugement du 13 mars 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 5 juillet 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement, déchargé M. A... de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure valant commandement de payer du 15 juin 2015 et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une décision du 2 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt de la Cour du 5 juillet 2019 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la prescription de l'action en recouvrement :

2. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ". Aux termes de l'article L. 281-1 du même livre dans sa rédaction applicable : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites (...) ". Aux termes de l'article R. 281-1 de ce livre dans sa rédaction applicable : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite (...) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre dans sa rédaction applicable au litige : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas, au directeur départemental des finances publiques, au responsable du service à compétence nationale ou au directeur régional des douanes et droits indirects dans un délai de deux mois à partir de la notification : a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif ".

3. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. La prescription de l'action en recouvrement doit, en application du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir. Lorsqu'une réclamation a été présentée à l'administration à l'encontre de ce premier acte de poursuite sans invoquer un tel motif, le contribuable, s'il conteste devant le juge le rejet de cette réclamation, peut néanmoins invoquer devant ce juge, eu égard au premier alinéa de l'article R. 281-5 du même livre, la prescription de l'action en recouvrement à la condition que celle-ci n'implique l'appréciation d'aucune autre pièce justificative ou circonstance de fait que celles qu'il a produites ou exposées dans sa réclamation.

4. Il résulte de l'instruction que, par une réclamation du 16 novembre 2012, M. A..., par l'intermédiaire de son avocat, a reconnu avoir été destinataire d'avis à tiers détenteur adressés à la société Interhold et à la caisse de retraite Abelio en vue du paiement, en droits et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1996 et 1999, ainsi que l'attestait le bordereau de situation et les extraits de rôles remis au conseil du contribuable le 17 octobre 2012 évoqués dans cette réclamation. Ainsi que le mentionne la décision de rejet de la réclamation du 27 novembre 2012, ces actes correspondent d'une part, à un avis à tiers détenteur émis le 24 juillet 2012 entre les mains de la caisse de retraite Abelio pour un montant de 3 742 329,81 euros et, d'autre part, à un avis à tiers détenteur émis le 20 septembre 2012 entre les mains de la société Interhold pour un montant de 3 741 455,27 euros, en vue du paiement des impositions précitées. Cette décision de rejet de la réclamation, qui précisait les voies et délais de recours, a été régulièrement notifiée le 28 novembre 2012 au conseil de M. A.... Ainsi, à supposer que le comptable n'ait pas régulièrement notifié des actes de poursuite interruptifs de prescription au cours des quatre années précédant la date à laquelle M. A... a eu connaissance de l'avis à tiers détenteur du 24 juillet 2012, cet avis à tiers détenteur constituait le premier acte permettant d'invoquer la prescription de l'action en recouvrement, aucune nouvelle période de quatre ans n'étant par ailleurs intervenue entre la date de la connaissance acquise de cet acte, le 16 novembre 2012, et la date de notification de la mise en demeure valant commandement de payer du 15 juin 2015, le 8 mars 2016, la connaissance acquise ayant fait courir une nouvelle période de quatre ans en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. En application des dispositions du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, le moyen tiré de la prescription n'est par suite pas recevable à l'encontre de cette mise en demeure.

5. A cet égard, si, pour contester l'irrecevabilité du moyen résultant de l'application du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, M. A... soutient que ces dispositions sont contraires à l'article L. 281 du même livre, ce moyen doit être écarté, dès lors que l'article L. 281 du livre des procédures fiscales répartit la compétence entre les deux ordres de juridiction, civiles ou administratives, suivant la cause de l'opposition, et que l'article R. 281-3-1 du même livre fixe les dispositions de la procédure contentieuse à suivre devant ces juridictions, sans créer de régime contentieux distinct qui ne serait pas prévu par la loi, ces dispositions de procédure relevant de la compétence réglementaire. Par ailleurs, si M. A... fait valoir que le c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales est insuffisamment précis en tant qu'il vise " tout autre motif ", ce moyen doit être écarté, dès lors que ces dispositions visent les règles de procédure contentieuse applicables aux motifs autres que ceux expressément mentionnés au a) et au b) de cet article.

6. Par ailleurs, M. A... conteste également l'irrecevabilité du moyen au motif que le c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales porte atteinte à l'égalité des armes et au droit au recours effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et viole le droit au recours effectif garanti par le 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, les dispositions du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que le contribuable puisse se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement à chaque période de quatre ans qu'aurait laissé passer le comptable sans acte de poursuite, en lui ouvrant la possibilité, au titre de chacune de ces périodes successives de quatre ans, de se prévaloir ou de renoncer à se prévaloir de la prescription. Contrairement à ce que soutient M. A..., la renonciation à se prévaloir de la prescription, comme c'est le cas en l'espèce à l'encontre de l'avis à tiers détenteur du 24 juillet 2012 dont il a eu connaissance, ne saurait dès lors caractériser une violation des dispositions constitutionnelles et des stipulations conventionnelles dont il se prévaut.

7. Enfin, si M. A... a soutenu que l'absence de communication des preuves de l'existence d'actes interruptifs de prescription viole le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen doit en tout état de cause être écarté, dès lors que les pièces relatives à la connaissance acquise de l'avis à tiers détenteur du 24 juillet 2012 ont été produites.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre à la requête, que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge de l'obligation de payer en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01792
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : RAGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa01792 ?
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