La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2022 | FRANCE | N°21PA00243

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA00243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TF1 Publicité a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que des frais d'assiette qui lui ont été réclamés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1913947/1 du 3 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 décembre 2020, 26 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TF1 Publicité a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que des frais d'assiette qui lui ont été réclamés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1913947/1 du 3 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 décembre 2020, 26 avril 2021 et 29 mai 2021, la société TF1 Publicité, représentée par Me Philippe Rolland, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1913947/1 du 3 décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la position prise lors d'une vérification de comptabilité ayant porté sur les exercices 2002 et 2003 par l'administration, qui a admis la possibilité de déduire de la valeur ajoutée, pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, les taxes figurant dans le livre premier du code général des impôts, notamment la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision codifiée à l'article 302 bis KD de ce code ;

- les conditions d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales sont remplies, dès lors que la contribution économique territoriale a la même nature que la taxe professionnelle, que la législation relative à la détermination des taxes déductibles de la valeur ajoutée, et plus généralement de la définition de la valeur ajoutée, est toujours en vigueur, et que les rectifications sont motivées par référence à la jurisprudence rendue en matière de taxe professionnelle ;

- la position de l'administration est contraire aux principes de loyauté, de sécurité juridique, d'égalité des armes et d'équilibre des droits des parties.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 avril et 20 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société TF1 Publicité ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société TF1 Publicité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des propositions de rectification du 18 décembre 2017 et du 23 mars 2018 lui ont été notifiées. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation ainsi qu'à des frais d'assiette, assortis des intérêts de retard, au titre des années 2014, 2015 et 2016, mis en recouvrement le 16 octobre 2018. La société TF1 Publicité relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 1586 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : -des autres produits de gestion courante à l'exception, d'une part, de ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires et, d'autre part, des quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; -de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée (...) -des subventions d'exploitation ; -de la variation positive des stocks ; -des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ; -des rentrées sur créances amorties lorsqu'elles se rapportent au résultat d'exploitation ; b) Et, d'autre part : -les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; -diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; -la variation négative des stocks ; -les services extérieurs diminués des rabais (...) -les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes (...) ". Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent, éclairées par les travaux préparatoires, que la notion de " taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées " désigne, non les taxes qui figurent au titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, mais la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes qui, en application des normes comptables, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise. En fixant ce critère de déduction pour le calcul de la valeur ajoutée, le législateur a fondé son appréciation de la capacité contributive des entreprises sur un critère objectif et rationnel.

4. D'autre part, aux termes de l'article 302 bis KD du code général des impôts alors en vigueur : " 1. Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision. 2. La taxe est assise sur les sommes, hors commission d'agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies pour l'émission et la diffusion de leurs messages publicitaires à partir du territoire français (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la société TF1 Publicité est soumise, à raison de son activité, à la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision régie par l'article 302 bis KD du code général des impôts. L'administration fiscale a réintégré cette taxe dans la valeur ajoutée servant d'assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la société requérante l'ayant initialement déduite en se prévalant de ce qu'elle entrait dans la catégorie des impositions assimilées aux taxes sur le chiffre d'affaires prévue au b) du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts. La société TF1 Publicité ne conteste plus en appel que la taxe précitée n'est pas une taxe qui, en application des normes comptables, grève le prix des biens et des services vendus par l'entreprise. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a regardé cette taxe comme n'entrant pas dans le champ des dispositions du b) du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

7. La société TF1 Publicité se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation formellement admise par l'administration de la notion de taxes assimilées aux taxes déductibles du chiffre d'affaires, dans le cadre d'une réponse aux observations du contribuable du 28 février 2006 qui faisait suite à une vérification de comptabilité ayant porté sur les années 2002 et 2003 en matière de cotisation minimale de taxe professionnelle, interprétation selon laquelle les taxes figurant dans le titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts intitulé " Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilés " seraient déductibles de la valeur ajoutée.

8. La société TF1 Publicité fait ainsi valoir que la contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, a la même nature que la taxe professionnelle, que la détermination des taxes déductibles de la valeur ajoutée n'a pas été modifiée par le législateur dans le cadre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et que la motivation des rectifications repose sur la jurisprudence rendue en matière de taxe professionnelle, reprise pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Toutefois, la taxe professionnelle et la contribution économique territoriale n'ont pas la même nature et ne peuvent être regardées comme s'étant succédées dans le temps dans le même champ d'application et sur la même assiette et comme des impositions pour lesquelles les textes interprétés ont été maintenus ou repris sans changement dans le nouveau régime. Au demeurant, il résulte de la réponse aux observations du contribuable du 28 février 2006 que l'interprétation dont se prévaut la société TF1 Publicité faisait suite à des observations de cette société par laquelle elle invoquait l'instruction administrative 6 E-4332, l'administration s'étant bornée à répondre, conformément à ce que prévoyait alors cette instruction, qu'il était possible de déduire de la valeur ajoutée, à compter de 2003, la taxe prévue à l'article 302 bis KD du code général des impôts compte tenu de sa codification au livre 1er de ce code. Or, il est constant que cette doctrine n'a pas été reprise au bulletin officiel des impôts de 2012 et qu'elle n'était ainsi pas opposable au titre des années ici en litige.

9. Dans ces conditions, la société TF1 Publicité n'est pas fondée à se prévaloir de la garantie accordée par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. A cet égard, en l'absence de toute interprétation formelle admise par l'administration ou que celle-ci aurait fait connaître par une instruction qui n'aurait pas été rapportée à la date des opérations, la société TF1 Publicité n'est pas plus fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les principes de loyauté, de sécurité juridique, d'égalité des armes et d'équilibre des droits des parties, en refusant la déduction de la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision régie par l'article 302 bis KD du code général des impôts de la valeur ajoutée servant d'assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société TF1 Publicité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société TF1 Publicité demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société TF1 Publicité est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société TF1 Publicité et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00243
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : HPML AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa00243 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award