La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2022 | FRANCE | N°20PA03161

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 20PA03161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1818052/1-1 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge demandée et accordé aux requérants une somme de 1 000 euros en appl

ication de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1818052/1-1 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge demandée et accordé aux requérants une somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 30 octobre 2020, 27 avril 2021 et 15 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour d'annuler ce jugement n° 1818052/1-1 du 10 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris et de rétablir M. et Mme B... aux rôles de l'impôt sur le revenu, des contributions sociales et de la CEHR de l'année 2012, à hauteur des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée en première instance.

Il soutient que :

- le jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 11 avril 2018 ne contient aucune constatation de fait revêtue de l'autorité de la chose jugée de nature à remettre en cause le bien-fondé des rectifications litigieuses ;

- M. B... avait procuration sur le compte bancaire de la société ENEV ;

- il était porteur de parts d'une société égyptienne assimilable à une société en participation, régie en France par les dispositions de l'article 206 4 du code général des impôts ;

- lors de ses premières comparutions devant le magistrat instructeur les 27 juin et 2 juillet 2014, il a confirmé l'existence de cette structure, qualifiée d'" association de fait " ou de " participation de fait ", et expliqué qu'elle reposait sur un accord verbal ;

- il a admis que les bénéfices de cette structure étaient distribués par l'intermédiaire du compte bancaire de la société ENEV et a admis participer aux bénéfices de la structure en cause à hauteur de 33 % ;

- M. B... apportait de la clientèle à ladite structure ;

- l'article 120 3° du code général des impôts est dès lors applicable ;

- la Cour d'appel a reconnu l'existence d'une société en participation ;

- la qualification de société de fait dans l'arrêt de la Cour d'appel n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ;

- la Cour d'appel a condamné M. B... pour un délit différent.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 mars, 28 mai et 30 juin 2021, M. et

Mme B..., représentés par Me Antoine Gabizon, concluent au rejet du recours du ministre et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gabizon, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue duquel l'administration a estimé que M. B... était associé d'une société située en Egypte, assimilable à une société en participation, créée en 1999 pour exercer une activité de croisières sur le Nil. L'administration a considéré que des sommes en provenance de la société ENEV, encaissées sur un compte bancaire ouvert en France au nom d'un tiers et sur lequel M. B... avait tous pouvoirs, avaient été prélevées pour le compte de ce dernier, et les a imposées à l'impôt sur le revenu, au nom du foyer fiscal, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application des dispositions du 3° de l'article 120 du code général des impôts. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement n°1818052/1-1 du 10 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ainsi mis à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2012 et a accordé aux intéressés une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par le juge pénal s'imposent au juge de l'impôt. En revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité, notamment sur la nature des opérations effectuées. Par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui. En l'espèce, il ressort du dispositif du jugement de relaxe du 11 avril 2018, qui n'était en outre pas définitif et qui a été infirmé par la Cour d'appel, que le juge pénal avait relaxé M. B... au seul motif que les éléments produits devant lui ne constituaient pas des charges suffisantes. L'autorité de la chose jugée ne pouvant s'attacher à ce motif, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de ce que le jugement susmentionné serait revêtu à cet égard d'une telle autorité. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle.

3. D'une part, aux termes de l'article 120 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : 1° Les dividendes, intérêts, arrérages et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateur des sociétés, compagnies ou entreprises financières, industrielles, commerciales, civiles et généralement quelconques dont le siège social est situé à l'étranger quelle que soit l'époque de leur création ;/ (...)/ 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission. Une répartition n'est réputée présenter le caractère d'un remboursement d'apport ou de prime que si tous les bénéfices ou réserves ont été auparavant répartis. Les dispositions prévues à la deuxième phrase ne s'appliquent pas lorsque la répartition est effectuée au titre du rachat par la société émettrice de ses propres titres "

4. D'autre part, aux termes de l'article 1832 du code civil : " La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. / Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne. /Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ". Aux termes de l'article 1871 du même code : " Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens ".

5. Pour établir l'existence de la société en participation dont elle se prévaut, qui serait taxable à l'impôt sur les sociétés en vertu du 4 de l'article 206 du code général des impôts et dont les répartitions faites à ses associés seraient imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions précitées du 3° de l'article 120 du même code, l'administration fiscale se borne à se référer à des déclarations de M. B... contenues dans des procès-verbaux d'interrogatoires qui, par leur caractère flou et imprécis, ne révèlent par eux- mêmes aucune volonté de sa part d'affecter à une entreprise commune des biens ou une industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter, ni aucun engagement à contribuer aux pertes, l'intéressé n'ayant expressément admis que la participation à une société en participation de son fils, imposé séparément (PV 303), et ayant indiqué avoir cédé avant l'année 2004 ses parts dans la société ENEV (PV 452), aucun autre document joint au dossier et mentionné par l'administration ne comportant une reconnaissance effective par l'intéressé de sa participation à une société en participation. Si l'administration invoque également des procès-verbaux d'interrogatoire de tiers, les déclarations de ces derniers, alors même qu'elles affirmeraient l'existence d'une telle volonté et d'un tel engagement, ne sauraient être opposées à M. B... en l'absence de pièces probantes de nature à en étayer le contenu. La seule circonstance que M. B... ait disposé d'une procuration sur un compte bancaire ouvert au nom d'un tiers sur lequel étaient versées des sommes en provenance d'une société égyptienne et qu'il ait fait usage de cette procuration à son bénéfice ne saurait non plus révéler l'existence d'une société en participation. La circonstance que la Cour d'appel de Paris a, dans son arrêt du 24 novembre 2020, indiqué que l'existence d'une société de fait était démontrée " en accord avec les thèses de l'administration fiscale ", ne saurait être regardée comme une constatation de fait revêtue de la chose jugée permettant d'en déduire l'existence d'une société en participation, la qualification de société de fait devant d'ailleurs être regardée comme une qualification juridique et non comme une constatation de fait opposable au juge de l'impôt. Aucun des éléments de fait sur lesquels s'appuie cet arrêt ne permet de relever l'existence d'une participation de M. B... à une société en participation. Il suit de là que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'établit pas que M. B... devait être regardé comme associé d'une société en participation. A supposer même que l'administration ait entendu se prévaloir de l'existence d'une société de fait constituée entre M. B... et des partenaires pour l'exercice d'une activité en Egypte, les pièces produites ne permettent pas de constater l'existence d'apports de sa part, non plus que sa participation à la direction et au contrôle de cette société ainsi qu'à ses bénéfices et à ses pertes.

6. Au surplus, aucun document relatif au montant des bénéfices réalisés au cours des années en litige et aux modalités de leur répartition n'est produit permettant de qualifier les dépenses effectuées par M. B... à partir du compte bancaire en cause de répartition faite à un associé d'une société en participation à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission au sens des dispositions précitées du 3° de l'article 120 du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M. et Mme B... devant le tribunal et devant la Cour, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2012. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA03161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03161
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET FIELDFISHER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;20pa03161 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award