Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 2 juillet 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2012155/4-2 du 3 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2020.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire enregistrés les 11 et 26 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Monconduit, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2012155/4-2 du 3 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article R. 5221-36 du code du travail, seules dispositions qui pouvaient faire l'objet d'une substitution de base légale par les premiers juges, les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ne s'appliquant pas aux demandes de renouvellement de titre de séjour en qualité de salarié mais uniquement aux premières demandes de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par ordonnance du 13 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain, né le 15 août 1980 et entré en France régulièrement le 22 novembre 2012 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité de salarié. Par un arrêté du 2 juillet 2020, le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger :/ 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-36 du code du travail : " Le premier renouvellement peut également être refusé lorsque le contrat de travail a été rompu dans les douze mois suivant l'embauche sauf en cas de privation involontaire d'emploi ".
3. D'une part, il résulte des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-marocain que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les dispositions du code du travail ne s'appliquent que dans l'hypothèse où la situation du ressortissant marocain ne relève pas d'un point traité par l'accord. Les dispositions de l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoyant la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, le préfet de police ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour apprécier le droit au séjour sur le territoire français d'un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité salariée, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. En outre, si le requérant fait valoir que seules les dispositions de l'article R. 5221-36 du code du travail pouvaient être substituées à celles de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ne sont pas applicables à l'hypothèse d'un renouvellement d'un titre de séjour mais régissent uniquement le cas d'une première demande titre de séjour, il résulte des stipulations de l'article 9, ainsi qu'il a déjà été dit, que les dispositions de l'article R. 5221-36 du code du travail, au regard desquelles la situation de l'intéressé a au demeurant été examinée, ainsi qu'il ressort des termes de la décision contestée, ne s'appliquent qu'en conséquence de l'article 3 de l'accord précité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont procédé à la substitution de base légale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté dans sa première branche.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (DIRECCTE) ont émis le 18 octobre 2018 un avis favorable à la demande d'autorisation de travail sollicitée par la société Pain d'Ormesson et qu'un titre de séjour en qualité de salarié valable du 18 octobre 2018 au 17 octobre 2019 a ainsi été délivré à M. A.... Il ressort également des pièces du dossier que le préfet de police, pour lui refuser le renouvellement de son titre de séjour, a considéré que le contrat de travail présenté par la société Pain d'Ormesson, située à Epinay-sur-Seine, et pour lequel l'autorisation de travail avait été délivrée, avait été rompu dans les douze mois suivant l'embauche, l'intéressé ayant uniquement fourni à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er janvier 2019 avec la société La Bonne Pâte, située à Aubervilliers, ainsi que des bulletins de salaire établis par cette société. Devant la Cour, M. A... soutient que le préfet de police ne pouvait refuser de renouveler son titre de séjour sans méconnaître les dispositions de l'article R. 5221-36 du code du travail dès lors qu'il a été privé involontairement de son emploi. Il fait valoir qu'à la suite de l'avis favorable de la DIRECCTE, le contrat à durée indéterminée conclu, selon l'intéressé, le 19 octobre 2018 avec la société Pain d'Ormesson n'a pu être entériné en raison des difficultés économiques rencontrées par son employeur et qu'il a fait l'objet d'un licenciement oral pour lequel il ne dispose d'aucune attestation ni d'aucun témoignage. Si M. A... verse au dossier des extraits des informations légales attestant que la société Pain d'Ormesson a été placée en cessation de paiement le
2 janvier 2019, a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 2 juillet 2020 et d'une clôture pour insuffisance d'actif le 31 décembre 2020, ces seuls éléments ne sont pas suffisants pour établir que M. A... aurait été involontairement privé de son emploi à une date qui au demeurant, n'est pas connue. En outre, s'il soutient qu'il bénéficie depuis le 1er janvier 2019 d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps complet avec la société La Bonne Pâte, les dispositions de l'article R. 5221-36 du code du travail ne permettent pas de compenser la rupture du contrat de travail initial par le salarié par la signature d'un nouveau contrat. Dans ces conditions, le préfet de police pouvait, au seul motif que le contrat de travail avec la société Pain d'Ormesson avait été rompu dans les douze mois suivant l'embauche, refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté dans sa deuxième branche.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... fait valoir que le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il réside sur le territoire français depuis le
21 novembre 2012 et qu'il justifie d'une insertion sociale et professionnelle dans la société française. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont la présence habituelle sur le territoire français est établie à compter de septembre 2013, a exercé une activité professionnelle en qualité de boulanger du 25 mai 2016 au 31 mai 2017 au sein de la société " Les Trois Baguettes " et depuis le 18 juillet 2017 au sein de la société " La Bonne Pâte " auprès de laquelle il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée à temps complet depuis 1er janvier 2019. Toutefois, ces seules circonstances ne sont pas suffisantes pour établir que le préfet de police aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il est constant que l'intéressé, qui ne justifie pas entretenir de relation particulière avec sa sœur, résidant régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident de dix années, est célibataire et sans charge de famille en France alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 33 ans et où résident, selon les déclarations de l'intéressé et les mentions non contestées de la décision en litige, son épouse, ses parents ainsi que ses quatre frères. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6 du présent arrêt, le moyen tiré de que le préfet de police, en refusant de lui renouveler son titre de séjour, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
En qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi :
8. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet de police, en obligeant M. A... à quitter le territoire français et en fixant le Maroc ou tout autre pays où l'intéressé est admissible comme pays de renvoi, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet de police, en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant le Maroc ou tout autre pays où l'intéressé est admissible comme pays de renvoi, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, rapporteur,
- Mme Larsonnier, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI FAT Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA00149