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18/03/2022 | FRANCE | N°20PA01686

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 18 mars 2022, 20PA01686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) EGC Consulting a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution des cotisations d'impôts sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1703869 du 8 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés le 10 juillet 2020, le 13 novembre 2020 et

le 21 janvier 2022, l'EURL EGC Consulting, représentée par Me Angotti, avocate, demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) EGC Consulting a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution des cotisations d'impôts sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1703869 du 8 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés le 10 juillet 2020, le 13 novembre 2020 et le 21 janvier 2022, l'EURL EGC Consulting, représentée par Me Angotti, avocate, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703869 du 8 avril 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution des cotisations d'impôts sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 209, I du code général des impôts et des stipulations de la convention fiscale franco-slovaque ;

- sur le terrain de la loi, elle ne disposait en France d'aucun établissement, d'aucun représentant et n'y réalisait aucun cycle commercial complet, au sens du I de l'article 209 du code général des impôts, tandis qu'elle disposait en Slovaquie d'un établissement au sens de ces dispositions, doté de moyens matériels et d'autonomie, au travers duquel elle exerçait en totalité son activité par l'intermédiaire de son gérant M. A... au cours de la période du 8 mai 2013 au 31 janvier 2015, sans qu'y fassent obstacle l'absence de comptabilité distincte, l'envoi des factures de France, le paiement des prestations sur les comptes bancaires français et le fait que son gérant réalisait lui-même les prestations ;

- M. A... doit être regardé comme son représentant permanent, en raison de la durée d'activité de 20 mois sur ce territoire pour la société slovaque U-Shin, et de trois mois de prospections après la fin du contrat avec cette entreprise ;

- un cycle complet d'activité avait lieu en Slovaquie ;

- sur le terrain de la doctrine (§ 50 et 110 du BOI-IS-CHAMP-60-10-10 et BOI-IS-CHAMP-60-10-102.4, réponse ministérielle du 22 septembre 1980 à M. le député B... au JOAN Q p. 4019), l'absence de comptabilité distincte ne saurait être retenue ;

- sur le terrain conventionnel, elle disposait d'un établissement stable au sens des stipulations de l'article 5, 2. c) de la convention fiscale franco-tchécoslovaque.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 octobre 2020 et le 24 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-tchécoslovaque, signée le 1er juin 1973, maintenue par l'accord entre la France et la Slovaquie signé les 24 juin et 7 août 1996 et publié par décret n° 98-845 du 16 septembre 1998 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- les observations de Me Cros, avocate, pour l'EURL EGC Consulting.

Considérant ce qui suit :

1. Par réclamation du 8 décembre 2016, l'EURL EGC Consulting a demandé la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos le 30 juin 2014 et le 30 juin 2015. Cette demande ayant été rejetée par l'administration le 4 janvier 2017, elle a saisi le tribunal administratif de Paris. Celui-ci a rejeté sa demande en restitution par un jugement du 8 avril 2020, dont elle relève appel.

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens dirigés contre les impositions en litige.

Sur l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les bénéfices que l'EURL EGC Consulting a réalisés au cours des exercices clos en 2014 et 2015 proviennent exclusivement de son activité de conseil auprès de la filiale slovaque de la société U-Shin dont le siège se trouve à Kosice. Pour autant, il est constant que non seulement elle avait à Paris, au domicile de son associé gérant, M. A..., son siège social, mais qu'elle y exerçait son activité de siège, ainsi qu'il résulte de l'établissement des factures adressées à sa cliente slovaque et de la tenue de sa comptabilité unique. De plus, les paiements de cette cliente étaient effectués sur les comptes bancaires de l'entreprise en France. D'ailleurs, l'EURL EGC Consulting n'établit ni n'allègue avoir déclaré de bénéfices, ni acquitté des impôts en Slovaquie au titre de son activité dans ce pays. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne disposait d'aucun établissement en France et ne pouvait dès lors être regardée comme une entreprise exploitée en France.

5. En deuxième lieu, l'EURL EGC Consulting fait valoir, pour soutenir qu'elle possédait un établissement jouissant d'une autonomie en Slovaquie, que M. A... a travaillé dans ce pays de manière continue et régulière durant 23 mois. A ce titre, pendant 20 mois, il était chargé de réorganiser la chaîne de production et la logistique de l'usine de Kosice, à l'occasion de missions sur place, et bénéficiait de la mise à disposition, par la société cliente, d'un bureau dans cette usine, d'un téléphone portable et d'un véhicule. La requérante se prévaut en outre d'un certificat de la société de droit slovaque Mortreux Partners en date du 25 mars 2015 qui corroborerait la poursuite de l'établissement stable pendant trois mois en Slovaquie. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction que les prestations confiées à M. A... étaient définies dans un document de la société Valeo, partenaire de la société U-Shin, et exercées sous la responsabilité d'un cadre de la société Valeo, il ne résulte pas des éléments invoqués par l'EURL EGC Consulting qu'elle aurait exercé, au travers de l'installation dont disposait M. A... en Slovaquie, d'ailleurs dépourvue de personnel, des fonctions ou responsabilités susceptibles de conférer à cette installation une autonomie permettant de la regarder comme un établissement pour l'application des dispositions précitées. En particulier, les documents comptables afférents à l'EURL EGC Consulting ne retracent aucune activité autre que celle poursuivie par M. A... en qualité de consultant en Slovaquie. En outre, comme il a été dit au point 4 ci-dessus, la gestion administrative et financière de l'EURL EGC Consulting, relative à l'activité de M. A... en Slovaquie, était assurée en France. Dans ces conditions, l'EURL EGC Consulting ne peut, alors même lorsqu'elle disposait de moyens matériels mis à disposition par la société U-Shin, être regardée comme ayant eu en Slovaquie un établissement pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts.

6. En troisième lieu, étant l'associé gérant de l'EURL EGC Consulting, M. A... exerçait de ce fait, sur les instructions de Valeo, des fonctions exclusives de celles de représentant permanent non indépendant de la requérante.

7. En dernier lieu, l'EURL EGC Consulting soutient que ses opérations en Slovaquie au cours des exercices en litige constituaient un cycle commercial complet. Toutefois, ne peuvent s'apparenter à un tel cycle les prestations de service de M. A..., dans les conditions décrites plus haut, prestations qui n'apparaissent en rien détachables de l'exploitation de l'entreprise en France.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

8. Aux termes l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

9. Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre au contribuable qui a appliqué la loi fiscale lors de sa déclaration de demander la restitution de l'impôt acquitté au motif que l'interprétation admise par l'administration à l'époque des opérations en cause aurait pu lui permettre d'en réduire le montant. Par suite, l'EURL EGC Consulting, qui a été imposée conformément à ses déclarations, ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa demande de restitution, de la réponse ministérielle à M. B..., député, publiée au Journal Officiel de l'Assemblée nationale le 22 septembre 1980, des paragraphes 50 et 110 des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-IS-CHAMP-60-10-10, ni de ceux publiés sous la référence

BOI-IS-CHAMP-60-10-102.4.

Sur la convention franco-tchécoslovaque :

10. Aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-tchécoslovaque tendant à éviter les doubles impositions, signée le 1er juin 1973 et maintenue par un accord entre la France et la Slovaquie signé les 24 juin et 7 août 1996, assorti de deux annexes et publié par décret du 16 septembre 1998 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : (...) c). Un bureau ; (...) ". Selon le 1 de l'article 7 : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ".

11. Alors même que l'article 5 du modèle OCDE dont est inspirée la convention

franco-tchécoslovaque précise que l'établissement stable peut aussi se trouver dans les locaux d'une autre entreprise, l'activité de l'EURL EGC Consulting en Slovaquie pendant les exercices en litige ne s'apparente pas, au vu des modalités propres d'exploitation de cette entreprise déjà décrites au paragraphe 5 du présent arrêt, à une installation fixe d'affaires. Par suite, l'EURL EGC Consulting n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de la convention mentionnée

ci-dessus feraient obstacle à l'imposition en France des bénéfices réalisés en Slovaquie.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL EGC Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en restitution des cotisations d'impôts sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2014 et 2015. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL EGC Consulting est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) EGC Consulting et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 18 mars 2022.

Le rapporteur,

J.-E. SOYEZ La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 20PA01686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01686
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL JTBB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-18;20pa01686 ?
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