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17/03/2022 | FRANCE | N°20PA03358

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mars 2022, 20PA03358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la région Ile-de-France, d'une part, à lui verser la somme de 120 000 euros pour l'avoir fait travailler comme une personne valide et la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral qu'il estime avoir subi et des sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet, avec les intérêts de droit et la capitalisation des intérêts et, d'autre part, à lui restituer les retenues effectuées sur son salaire du fait de son exclusion temporai

re de fonctions les 25, 28 et 29 juin 2018.

Par un jugement n° 1816831 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la région Ile-de-France, d'une part, à lui verser la somme de 120 000 euros pour l'avoir fait travailler comme une personne valide et la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral qu'il estime avoir subi et des sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet, avec les intérêts de droit et la capitalisation des intérêts et, d'autre part, à lui restituer les retenues effectuées sur son salaire du fait de son exclusion temporaire de fonctions les 25, 28 et 29 juin 2018.

Par un jugement n° 1816831 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris, à qui la demande de M. A... a été transmise par ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil, a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Akuesson, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1816831 du 15 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la région Ile-de-France à lui verser une somme de 120 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation formée le 25 juin 2018 auprès de la région Ile-de-France, avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette date, pour l'avoir fait travailler comme une personne valide ;

3°) de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 30 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation formée le 25 juin 2018 auprès de la région Ile-de-France, avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette date, en raison du harcèlement moral subi de la part de ses supérieurs hiérarchiques et du fait des sanctions disciplinaires injustifiées ;

4°) de condamner la région Ile-de-France à lui restituer les retenues effectuées sur son salaire du fait de son exclusion temporaire de fonctions les 25, 28 et 29 juin 2018 en raison du caractère injustifié de la sanction disciplinaire ;

5°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité de la région Ile-de-France doit être engagée dès lors qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires, alors que les faits qu'il a subis sont constitutifs d'un harcèlement moral et d'agissements discriminatoires ;

- son employeur a manqué à son obligation de protection des agents contre les agissements constitutifs de harcèlement ;

- les fautes de la région Ile-de-France lui ont causé un préjudice moral lié au harcèlement que lui ont fait subir ses supérieurs et aux sanctions disciplinaires injustifiées qu'il a subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2021, la région Ile-de-France, représentée par la SELARL Parme avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint technique territorial principal de 2ème classe des établissements d'enseignement, affecté successivement aux lycées Descartes d'Anthony, Boulle, Camille Sée et Paul Valéry de Paris, a été reconnu travailleur handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pour une période allant du 15 février 2014 au 14 février 2019. Par décision du 15 mai 2018, il s'est vu infliger la sanction de l'exclusion temporaire de trois jours pour manquement à l'obligation d'obéissance hiérarchique, refus délibéré d'obéir aux ordres reçus, refus d'exécution de tâche, attitude incorrecte à l'égard d'un supérieur et non-respect des horaires. Estimant avoir subi des agissements constitutifs de harcèlement moral et de discrimination à raison de son handicap, M. A... a demandé au tribunal de condamner la région Ile-de-France à lui verser une indemnité de 150 000 euros au titre des préjudices subis et à lui restituer les retenues effectuées sur son traitement du fait de son exclusion temporaire les 25, 28 et 29 juin. M. A... relève appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Le préjudice résultant de tels agissements pour l'agent victime doit être intégralement réparé.

4. M. A... fait valoir que les nombreux rapports dont il a fait l'objet en 2017 et 2018 illustrent le harcèlement moral dont il a été victime de la part de sa hiérarchie. Il résulte toutefois de l'instruction que le nombre de ces rapports résulte non pas d'une volonté de celle-ci de dénigrer systématiquement ses capacités professionnelles, de l'atteindre psychologiquement et de l'isoler sur son lieu de travail, mais du nombre important des manquements constatés par l'encadrement à ses obligations d'obéissance hiérarchique, d'exécution des tâches qui lui sont confiées, de présence et de ponctualité, dont témoignent notamment ses notations ainsi que les rapports d'incidents établis par le proviseur, le gestionnaire et la secrétaire d'intendance du lycée Camille Sée respectivement les 11 janvier, 2 février et 15 mars 2018. En outre, la circonstance que M. A... se soit vu infliger la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours par décision du 15 mai 2018, pour les manquements évoqués ci-dessus, ne permet pas davantage de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, d'autant que le requérant ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Si M. A... tente de justifier son comportement inapproprié par le caractère pénible des tâches qui lui étaient confiées et par le refus de sa hiérarchie d'adapter son poste de travail à son handicap, il ne résulte pas de l'instruction que les missions qui lui ont été confiées pendant la période en litige ne seraient pas conformes à son statut et en adéquation avec ses capacités physiques, et en particulier qu'elles ne respecteraient pas les recommandations émises tant par le comité médical départemental, dans son avis du 27 mai 2010, que par le médecin du service de médecine professionnelle, qui ont préconisé un allègement de la charge et du rythme de travail, ainsi que l'exemption de tâches impliquant le port de charges supérieures à 10 kg, de tout travail pénible et du travail de plonge. Alors que l'administration fait valoir en défense que la situation médicale de M. A... a été prise en compte et qu'il a ainsi été exempté de tout travail de plonge et affecté à des tâches simples comme le nettoyage des salles de classe et des escaliers, M. A... n'apporte aucune précision à l'appui de ses allégations. Enfin, un harcèlement moral ne saurait résulter de la dernière notation attribuée au requérant, au sujet de laquelle il ne donne aucune précision.

5. M. A... ne soumettant ainsi au juge aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, il ne peut prétendre à la condamnation de la région Ile-de-France à lui verser une indemnité à ce titre ni, en tout état de cause, à la restitution des retenues effectuées sur son salaire du fait de son exclusion temporaire de fonctions les 25, 28 et 29 juin 2018.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de (...) leur handicap (...) ".

7. Ainsi qu'il vient d'être dit au point 4, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait refusé d'adapter le poste de M. A... à son handicap. Par suite, M. A..., qui ne soumet au juge aucun élément de fait susceptible de faire présumer de la discrimination qu'il allègue, n'est pas fondé à soutenir qu'il a fait l'objet d'une discrimination en raison de son handicap et à solliciter la condamnation de la région Ile-de-France à lui verser une indemnité à ce titre.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".

9. En l'absence de comportement susceptible de révéler des agissements discriminatoires ou constitutifs de harcèlement moral, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 7 et, en tout état de cause, en l'absence de demande de protection fonctionnelle de sa part, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la région Ile-de-France aurait failli à son obligation de protection en application des dispositions citées au point 8.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Ile-de-France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que la région Ile-de-France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la région Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mars 2022.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03358
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : AKUESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-17;20pa03358 ?
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