Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite, par limite d'âge, à compter du 23 septembre 2018.
Par un mémoire distinct, enregistré le 16 août 2018, M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris de transmettre au Conseil d'État, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public.
Par un jugement n° 1814971 du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 août 2020 et le 1er mai 2021, M. B..., représenté par Me Balguy-Gallois, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1814971 du 3 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 8 juin 2018 du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères ;
3°) de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les critères de transmission au Conseil d'État de la question prioritaire de constitutionalité sont réunis, dès lors que celle-ci n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne vise pas les dispositions législatives dont elle fait application ;
- elle est entachée d'un vice de procédure ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors que l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 sera déclaré contraire à la Constitution.
Par un mémoire distinct, enregistré le 3 mai 2020, M. B..., représenté par Me Balguy-Gallois, demande à la Cour de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public.
Il soutient que les dispositions de l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 précitées créent une rupture d'égalité entre les agents contractuels de droit public et les salariés de droit privé, en ce qui concerne la limite d'âge de départ à la retraite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères conclut au rejet de la requête et de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, l'imprécision des allégations du requérant devant conduire à regarder la requête comme ne comprenant l'exposé d'aucun moyen ;
- les conclusions par lesquelles le requérant conteste le refus du tribunal administratif de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public sont irrecevables, faute d'avoir été présentées par un mémoire distinct ;
- la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux ;
- aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Par une ordonnance n° 20PA02155-QPC du 9 août 2021, le président de la 5ème chambre de la Cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 2011-754 du 28 juin 2011 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté en contrat à durée indéterminée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, à compter du 1er septembre 2007, en tant que chargé de mission au sein de l'administration centrale. Par arrêté du 8 juin 2018, notifié le 19 juin 2018, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite, par limite d'âge, à compter du 23 septembre 2018. M. B... relève appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce que le tribunal transmette au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2018 du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
2. Aux termes de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale : " L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du présent code, à l'article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l'article L. 24 et au 1° de l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955. / Cet âge est fixé par décret dans la limite de l'âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1955 et, pour ceux nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1954, de manière croissante : (...) / 2° A raison de cinq mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954. " Aux termes de l'article D. 161-2-1-9 du même code : " L'âge prévu au second alinéa de l'article
L. 161-17-2 est fixé à (...) / 3° Soixante ans et neuf mois pour les assurés nés en 1952 ; (...) ". Aux termes de son article L. 351-8 : " Bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires : / 1° Les assurés qui atteignent l'âge prévu à l'article L. 161-17-2 augmenté de cinq années ; (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes des dispositions du I de l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, issues de l'article 115 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 : " Sous réserve des exceptions légalement prévues par des dispositions spéciales, la limite d'âge des agents contractuels employés par les administrations de l'Etat, (...) est fixée à soixante-sept ans. ". Selon le II de l'article 115 de la loi n° 2012 -347 du 12 mars 2012 : " II. - La limite d'âge mentionnée au I de l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l'article 28 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. " Le décret n° 2011-754 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, pris en application de du II de l'article 28 de la loi du 9 novembre 2010 fixe ces limites d'âge, qui vont de 65 ans pour les fonctionnaires et agents contractuels nés avant le 1er juillet 1951 à 66 ans et 8 mois pour ceux nés en 1955. Et aux termes des dispositions du III de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 : " Après application, le cas échéant, du II du présent article, les agents contractuels dont la durée d'assurance tous régimes est inférieure à celle définie à l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites peuvent sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique et sans préjudice des règles applicables en matière de recrutement, de renouvellement et de fin de contrat, être maintenus en activité. Cette prolongation d'activité ne peut avoir pour effet de maintenir l'agent concerné en activité au-delà de la durée d'assurance définie au même article 5, ni au-delà d'une durée de dix trimestres. "
4. En premier lieu, si M. B... entend soulever le " moyen d'illégalité externe " tiré du défaut de base légale de la décision attaquée, qui résulterait selon lui de ce que les dispositions de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 seraient contraires au principe d'égalité reconnu par la Constitution, sa demande de transmission au Conseil d'Etat de cette question prioritaire de constitutionnalité a été rejetée par l'ordonnance 20PA02155-QPC du 9 août 2021 visée ci-dessus. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions précitées, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'à la date du 23 septembre 2018, M. B..., né le 23 décembre 1952, avait été atteint par la limite d'âge et pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein en application des dispositions précitées de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale. Par suite, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères était tenu de mettre fin au contrat de M. B.... C'est donc sans erreur de droit qu'il a admis celui-ci à faire valoir ses droits à la retraite à compter de cette date.
6. En dernier lieu, dès lors que le ministre se trouvait en situation de compétence liée ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, les autres moyens de la requête, tirés de l'existence d'un vice de procédure et de l'absence de motivation de la décision attaquée, sont inopérants.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non- recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête opposée par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
La rapporteure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02155 2