Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Les ailes d'Oraguon " a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les conventions d'occupation temporaire pour le stationnement de onze péniches d'animation dans les canaux de la ville de Paris, autorisé conformément à la délibération n° 2017 DVD 106 du Conseil de Paris en date des 11, 12 et 13 décembre 2017, à titre subsidiaire, d'annuler la décision par laquelle le maire de Paris a rejeté son offre de stationnement, et d'enjoindre au maire de Paris de reprendre la procédure d'instruction de son dossier de candidature et de se prononcer dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1802683 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2020 et un mémoire enregistré le 6 mars 2020, l'association " Les ailes d'Oraguon ", représentée par Me Scanvic, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802683 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les contrats d'occupation objets de l'autorisation donnée par la délibération du conseil de Paris, n° 2017 DVD 106 du Conseil de Paris en date des 11, 12 et 13 décembre 2017 et, à titre subsidiaire les décisions de les signer ;
3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de lui attribuer une convention d'occupation ou de reprendre l'examen de son dossier ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande est recevable, dès lors que rien dans l'appel à candidature ne contraignait les candidats à présenter leurs offres pour un emplacement déterminé ;
- l'appréciation de la lésion de ses intérêts doit donc se faire en prenant en compte le fait que, malgré son souhait purement indicatif, elle candidatait sur un emplacement sur les canaux parisiens et était donc recevable à invoquer les vices affectant les candidatures des projets s'étant vu attribuer des emplacements autres que celui qu'elle sollicitait ;
- la procédure suivie pour les conclure a été viciée par l'avis d'un " jury " constitué de façon illégale, qu'aucun texte réglementaire applicable n'a institué, et alors que la Ville de Paris s'est sentie liée par les choix de ce jury ;
- les projets retenus ne remplissent pas les conditions de fond posées par l'appel à projet ;
- le jury a retenu un critère d'ancrage local dans l'arrondissement qui ne figurait pas dans le règlement.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2020, la Ville de Paris, représentée par Me Falala conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 2 000 euros à la charge de l'association requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le tiers à une convention d'occupation du domaine public qui entend la contester doit justifier être susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses ; or, dans le cadre de l'appel à candidatures pour l'attribution des emplacements le long des canaux parisiens, l'association requérante ne s'est portée candidate que pour l'attribution de l'emplacement numéroté BV6, et elle ne peut donc prétendre qu'elle avait droit à l'attribution d'autres emplacements que celui sollicité ; dès lors, qu'elle ne s'est pas portée candidate sur les emplacements autre que le BV6, elle ne peut exciper de sa seule qualité de candidate évincée pour prétendre disposer d'un intérêt à agir contre ces autres conventions ;
- lorsque le tiers à un contrat est un candidat évincé, il ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ; or, elle ne démontre pas que, à supposer que l'un ou plusieurs des projets concurrents qu'elle critique auraient dû être écartés, elle aurait pu se voir attribuer un emplacement, alors que les appréciations portées sur son projet étaient largement négatives ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 26 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 décembre 2020 à 12 heures
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- les observations de Me Scanvic, avocat de l'association " Les ailes d'Oraguon ",
- et les observations de Me Gorse, substituant Me Falala, avocat de la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La Ville de Paris a, le 1er février 2017, publié un appel à candidature pour le stationnement et l'exploitation de péniches d'animation sur le domaine public fluvial des canaux parisiens, en vue de l'attribution de douze emplacements dont dix à Paris et deux à Pantin, se répartissant sur les bassins de la Villette et la Villette élargie, le parc de la Villette et le bassin de Pantin, pour une durée maximale de dix ans. Par une décision non datée, reçue en juillet 2017, les services de la ville de Paris ont informé l'association " Les ailes d'Oraguon " propriétaire d'une péniche à bord de laquelle elle organise des activités culturelles, et titulaire, depuis 2007, d'une autorisation annuelle d'occupation du domaine public fluvial sur le canal de la Villette dans le XIXème arrondissement de Paris, de ce que le jury n'avait pas choisi de retenir son projet qui concernait l'emplacement, référencé BV 6, en rive droite du bassin de la Villette. Par une délibération n° 2017 DVD 106, le Conseil de Paris a, lors de sa séance des 11, 12 et 13 décembre 2017, autorisé la maire de Paris à signer avec M. H..., pour la future péniche relative au projet dit " La Bougeotte " sur l'emplacement BV3, l'association " Compagnie d'expression musicale d'opéra vivant - Péniche Opéra " pour la péniche " La POP " sur l'emplacement BV5, l'" association Recherche communication artistique " dite " ARCA " pour la péniche Adelaïde sur l'emplacement BV6, l'association " Abricadabra " pour la péniche " Antidope " sur l'emplacement BV7, M. C... pour la péniche " L'improviste ", relative au projet dit " Articanal " sur l'emplacement BVE2, M. F... dit Dahan pour la péniche " Le nez rouge " sur l'emplacement BVE5, M. E... pour la péniche " L'eau et les rêves " sur l'emplacement BVE6, M. A..., pour la péniche " Six Huit " future " La Grande fantaisie " sur l'emplacement BVE8, M. B... D... pour la péniche Logan, relative au projet dit " Lili Bouh " sur l'emplacement PV1, l'association " Villette Makerz by WoMa " pour la future péniche " L'Ourcq blanc ", relative au projet dit " Fablab " sur l'emplacement BP1, et
Mme G... pour la future péniche relative au projet dit "L'île flottante" sur l'emplacement BP2, onze conventions d'occupation du domaine public fluvial ayant pour objet d'autoriser le stationnement et l'exploitation d'un bateau d'animations sur le réseau fluvial de la ville de Paris pour une durée comprise entre le 3 janvier 2018 et le 31 décembre 2027.
2. L'association " Les ailes d'Oraguon " a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces conventions et de la décision par laquelle la maire de Paris a rejeté son offre de stationnement. Cette demande a été rejetée par un jugement du 19 décembre 2019 dont l'association relève appel devant la Cour.
3. Les articles L. 2111-7 et L. 2111-10 du code général code général de la propriété des personnes publiques disposent que les canaux appartenant à une collectivité territoriale font partie de son domaine public fluvial artificiel. Aux termes de l'article L. 2122-1 du même
code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 2122-1-1 dudit code, introduites par l'ordonnance par l'article 3 de l'ordonnance du 19 avril 2017 susvisée : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. (...) ". En vertu de l'article 15 de cette même ordonnance, ces dernières dispositions sont applicables aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017.
4. Tout tiers à une convention d'occupation du domaine public, susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, est recevable à former, devant le juge du contrat, un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité du choix du cocontractant ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un tel recours, exercé dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées.
5. Il résulte de l'instruction que l'association requérante a présenté une candidature concernant uniquement l'emplacement n° 6 du bassin de la Villette qu'elle occupait précédemment. Par suite, et alors qu'elle ne formule aucune critique à l'encontre du contrat d'occupation correspondant à cet emplacement ou de son attributaire, la Ville de Paris est fondée à soutenir que la requérante ne justifie pas être lésée de façon directe et certaine par la passation des conventions conclues avec les autres attributaires et pour lesquelles elle ne s'est pas portée candidate. Il s'ensuit que les conclusions de la requête ne sont recevables qu'en tant qu'elles sont dirigées contre la convention passée avec l'" association Recherche communication artistique " dite " ARCA " pour la péniche Adelaïde sur l'emplacement BV6.
6. En premier lieu, l'association requérante soutient que la procédure suivie pour conclure les conventions litigieuses a été viciée par l'avis d'un " jury " constitué de façon illégale, qu'aucun texte réglementaire applicable n'a institué, et alors que la Ville de Paris s'est sentie liée par les choix de ce jury.
7. Il résulte de l'instruction que la délibération en date des 11, 12 et 13 décembre 2017 du conseil de Paris autorisant son maire à signer, notamment, la convention d'occupation temporaires du domaine public fluvial en litige s'est fondée sur l'avis d'un jury, émis le 15 mai 2017. Le point 7.1 de l'appel à candidature publié le 1er février 2017, relative aux critères de recevabilité, indiquait que " les candidatures seront examinées dans le cadre d'une commission dédiée (...) composée d'élus, de techniciens de l'administration et d'experts qualifiés de la voie d'eau ". Si l'association requérante fait valoir que le choix des attributaires en litige est entaché d'irrégularité dès lors que ce jury n'a pas été institué par un texte réglementaire, il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article L. 2122-1-1 du code général code général de la propriété des personnes publiques, que la Ville de Paris pouvait organiser librement la procédure de sélection préalable et en préciser les modalités dans l'appel à candidatures, sans que l'édiction d'un texte réglementaire fût nécessaire à cette fin. L'association requérante n'invoque en l'espèce aucun manquement aux garanties d'impartialité et de transparence de cette procédure de la part du jury, et ce alors que la diffusion de l'appel à candidature lui a permis de présenter sa candidature. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de sélection doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'association requérante soutient que les projets retenus ne remplissent pas les conditions de fond posées par l'appel à projet.
9. Comme il a été dit au point 5, l'association requérante ne peut utilement contester, dans le cadre du présent litige, que la seule convention passée avec l'" association Recherche communication artistique " dite " ARCA " pour la péniche Adelaïde sur l'emplacement BV6. Or, le moyen évoqué au point précédent, tel qu'il est articulé, ne comporte aucune précision propre à démontrer son bien-fondé à l'égard de ladite convention. Il doit donc être écarté.
10. En troisième lieu, l'association requérante soutient que le jury a retenu un critère d'ancrage local dans l'arrondissement qui ne figurait pas au nombre des critères de sélection exposés dans l'appel à candidatures.
11. Il ressort toutefois du relevé de décisions du jury réuni le 15 mai 2017 que ce dernier a apprécié cet aspect des dossiers au regard du critère plus général, mentionné dans l'appel à candidature, relatif à " l'intégration du projet dans son environnement urbain et par rapport au plan d'eau ", et alors qu'il résulte de l'instruction que la requérante dispose d'un emplacement sur le bassin de la Villette depuis 2007. En outre, le point 7.2 de l'appel à candidatures prévoyait que " la Ville de Paris privilégiera les candidatures qui mettent en valeur les canaux parisiens et qui sont porteuses : [...] d'une activité respectueuse du cadre de vie local et qui soit ouverte sur le quartier ". Ainsi, et en tout état de cause, le jury a pu légalement retenir comme élément d'appréciation au regard de ce critère plus général tel qu'énoncé ci-dessus, la circonstance que les candidats retenus justifiaient de partenariats avec des acteurs locaux et la prise en compte par le projet de la population locale et de l'environnement local. Le moyen doit donc être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Les ailes d'Oraguon " n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation des conventions mentionnées au point 1. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de ces conventions doivent donc être rejetées.
Sur les frais du litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association " Les ailes d'Oraguon ", qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge la somme réclamée par la Ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association " Les ailes d'Oraguon " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Les ailes d'Oraguon " et à la Ville de Paris.
Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA000588