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11/03/2022 | FRANCE | N°21PA03037

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 mars 2022, 21PA03037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n° 2006060, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le préfet du

Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 2006060 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. A..., représenté par Me Cohn, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n° 2006060, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le préfet du

Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 2006060 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. A..., représenté par Me Cohn, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006060 du 29 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 7 juillet 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- la décision est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 19 févier 1994 à Chartres, qui est entré en France, selon ses déclarations, en 2014, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 7 juillet 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... fait régulièrement appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions attaquées :

2. Par un arrêté n° 2020/474 en date du 17 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Val-de-Marne a donné à Mme Mireille Larrède, secrétaire générale de la préfecture, délégation " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Val-de-Marne ", à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions contestées. Si l'exercice de la compétence ainsi déléguée à Mme B... est subordonné à l'absence ou à l'empêchement du préfet du Val-de-Marne, M. A..., sur qui pèse la charge de la preuve et qui se borne à solliciter l'agenda de Mme B... pour la journée du 7 juillet 2020, n'établit que cette condition n'était pas remplie en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... serait entré en France en 2014, où résident son père et sa fratrie avec laquelle il entretient des liens intenses et qu'il est célibataire et sans enfant à charge. Cependant, outre ce cercle familial, M. A... ne justifie pas, notamment par les témoignages produits, rédigés de manière peu circonstanciée et en termes similaires, d'une insertion particulière dans la société française. Il ressort toutefois également des pièces du dossier que l'intéressé, qui est entré puis s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français, n'est pas en mesure de justifier, par des éléments suffisamment probants, de la continuité de son séjour en France avant l'année 2018. Par ailleurs, malgré le décès de sa mère, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. Enfin, si M. A... fait valoir qu'il s'occupe de son père malade, il ne démontre pas que l'état de santé de ce dernier rendrait indispensable sa présence à ses côtés ni que l'aide qui lui est nécessaire ne pourrait être apportée par une tierce personne. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Les éléments et circonstances exposés au point 4 du présent arrêt, à les supposer même établis, ne constituent pas des circonstances humanitaires ou, à eux seuls, des motifs exceptionnels de nature à justifier l'admission du requérant au séjour à titre exceptionnel sur le fondement de ces dispositions. Par suite, et pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire

7. En premier lieu, M. A... reprend en appel les moyens qu'il avait soulevés en première instance tirés de l'insuffisance de motivation de la décision, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

8. En deuxième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union européenne. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

9. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de rendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Dans le cas prévu au 3° du I de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. En effet, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

10. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou d'en présenter des nouvelles, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français ayant été prise concomitamment à la décision refusant son admission au séjour, le requérant n'a pas été privé de son droit à être entendu.

En ce qui concerne la décision fixant pays de renvoi :

11. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen qu'il avait soulevé en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de la décision. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 4, 6 et 9 du présent arrêt, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation, et du droit d'être entendu.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions aux fins d'annulation, celles aux fins d'injonction sous astreinte, ainsi que celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 7 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 mars 2022.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA03037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03037
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : COHN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-11;21pa03037 ?
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