Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 1905707, Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours vers un pays dans lequel elle est légalement admissible, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1905707 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 21 mai 2021 et 25 janvier 2022, Mme C..., représentée par Me Aslanian, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905707 du 5 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 24 avril 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui interdisant le retour pour une durée de deux ans ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen au motif que le préfet n'a pas examiné sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° dudit code ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaît les dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2020 rectifiée le 17 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante géorgienne née le 29 juin 1981, est entrée sur le territoire français irrégulièrement le 26 avril 2011 pour y demander l'asile qui lui a été refusé le 31 mai 2013, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 janvier 2014. Elle a consécutivement fait l'objet d'une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter le territoire le 11 septembre 2014 qu'elle n'a pas exécutée. Puis, le 3 octobre 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 avril 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance de ce titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours vers un pays dans lequel elle est légalement admissible et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Mme C... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme C... soutient que le jugement est entaché d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur de fait. Ces moyens, qui relèvent du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constituent pas des moyens touchant à sa régularité. En tout état de cause, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme C... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur de fait pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour
3. En premier lieu, Mme C... fait valoir que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas examiné sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, faute pour la requérante de rapporter la preuve qu'elle avait également sollicité un titre sur le fondement de l'article L. 313-11 7° dudit code, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et actualisé de sa demande. Par suite le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, la décision n'est entachée d'aucune erreur de fait.
5. En troisième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit concernant le fondement de sa demande que Mme C... ne peut utilement exciper de la méconnaissance de l'article L. 313- 11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme C... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A ce titre, elle ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges. En outre, la circonstance que le fils aîné A... la requérante, majeur, s'est vu délivrer, postérieurement à la date de la décision attaquée, un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", est sans incidence sur ce qui précède.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, du fait de l'illégalité de cette dernière.
9. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquences de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour et de celle de la décision l'obligeant à quitter le territoire, du fait de l'illégalité de ces dernières.
11. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger./Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.(...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
12. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
13. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Par ailleurs, elle doit faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
14. L'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prononcée à l'encontre de Mme C... est motivée par la circonstance que son compagnon est en situation irrégulière en France, la possibilité pour ses enfants de poursuivre leur scolarité en Géorgie et l'absence de liens forts et anciens et d'insertion en France et le fait qu'elle s'est déjà soustraite à une précédente mesure d'éloignement. Cette décision ainsi suffisamment motivée, n'est pas, en outre, au seul motif qu'elle ne précise pas que l'intéressée présente une menace pour l'ordre public, entachée d'une insuffisance de motivation.
15. En dernier lieu, eu égard aux motifs, rappelés au point précédent, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ni dans son principe ni dans sa durée.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressée aux fins d'annulation, et par voie de conséquences, celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02786 2