Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête, enregistrée sous le n° 1823838, M. E... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de reprise d'ancienneté du service accompli en qualité de militaire de la marine nationale en vue de son reclassement dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reprendre l'ancienneté du service accompli en qualité de militaire de la marine nationale en vue de son reclassement dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1823838 du 12 novembre 2020 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 11 janvier et 18 février 2021 M. C..., représenté par Me Denakpo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1823838 du 12 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Police du 25 octobre 2018 lui refusant la reprise d'ancienneté du service accompli en qualité de militaire de la marine nationale en vue de son reclassement dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reprendre l'ancienneté du service accompli en qualité de militaire de la marine nationale en vue de son reclassement dans le cadre d'encadrement et d'application de la police nationale sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionalité tirées de la méconnaissance par les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense des principes d'égalité de traitement et d'intangibilité des droits acquis ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision est dépourvue de base légale en raison de la méconnaissance par l'article L. 4139-3 du code de la défense des principes d'égalité de traitement et d'intangibilité des droits acquis ;
- la décision méconnaît le droit à l'information prévu par l'article 27 de la loi du 13 juillet 1983 et l'article L. 300-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les questions prioritaires de constitutionnalité ne sont pas recevables, faute d'avoir été déposées dans un mémoire distinct ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance en date du 2 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été reportée au 9septembre 2021.
Le préfet de police a produit deux mémoires qui ont été enregistrés le 3 février 2021, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un rapport du 3 août 2018, M. C..., gardien de la paix titularisé en 2017, rayé des contrôles de la Marine nationale en 2013, a demandé au préfet de police la reprise des années accomplies en qualité de militaire dans le corps de la marine nationale, en vue de son reclassement dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Par une décision du 25 octobre 2018, le préfet de police a rejeté sa demande. M. C... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 25 octobre 2018 précitée. M. C... relève régulièrement appel du jugement du 12 novembre 2020 qui a rejeté ses demandes.
Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :
2. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". Et aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".
3. Si M. C... soutient que les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense méconnaissent le principe d'égalité et le principe d'intangibilité des droits acquis, compris comme visant à garantir la sécurité juridique des normes au travers de leur intelligibilité et de leur accessibilité, en l'absence de la production d'un mémoire distinct à la date de clôture de l'instruction, ces moyens sont irrecevables, comme le fait valoir en défense le ministre de l'intérieur, et ne peuvent qu'être écartés. En tout état de cause, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un ou l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Or, les militaires lauréats d'un concours de l'une des fonctions publiques civiles ou d'accès à la magistrature, qui ne sont pas placés en situation de détachement, notamment, comme en l'espèce, parce qu'ils ont été radiés des contrôles, ne sont pas dans la même situation que les militaires, lauréats du même concours, qui ont sollicité ce détachement et remplissent les conditions pour l'obtenir.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté par adoption de motifs retenus à bon droit par le Tribunal au point 2 du jugement attaqué, dès lors que le requérant reprend, sans y apporter d'élément nouveau ou déterminant, l'argumentation soumise aux premiers juges. En outre, la délégation de signature consentie à Mme D... A..., adjointe au chef du bureau de la gestion des carrières des gradés, gardiens de la paix et adjoints de sécurité de la préfecture de police, par l'arrêté du n° 2018-00637 du 19 septembre 2018, est suffisamment précise.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 27 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont le devoir de satisfaire aux demandes d'information du public dans le respect des règles mentionnées à l'article 26 de la présente loi. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par les dispositions des titres Ier, III et IV du présent livre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs. "
6. Si M. C... se fonde sur les dispositions de ces deux articles pour soutenir que l'administration serait soumises à une obligation générale d'information et qu'en conséquence, l'administration ne lui aurait pas permis de décider en toute connaissance cause, ces dispositions, non plus qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire, n'imposent à l'administration une obligation générale d'information individuelle des administrés sur l'étendue de leurs droits, en l'absence de toute demande en ce sens. En tout état de cause, le requérant ne fait état d'aucune demande en ce sens de sa part au cours de sa carrière militaire ou après sa radiation des cadres, lors notamment du suivi des formations qui lui ont été dispensées.
7. En dernier lieu, aucun principe de valeur législative n'interdit au législateur de remettre en cause des situations existantes, en dehors du cas de la loi répressive plus sévère. Par suite, M. C... ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du principe d'intangibilité des droits acquis.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00128