Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2022059/1-1 du 14 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 avril 2021, M. A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2022059/1-1 du 14 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le préfet de police aurait dû soumettre son dossier à la commission de titre de séjour, en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il établit résider habituellement en France depuis plus de dix ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 11 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jardin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
1. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1979, était en France le 30 décembre 2009, date à laquelle le préfet de police a saisi les autorités espagnoles d'une demande de reprise en charge de sa demande d'asile. Il n'est pas établi qu'il a fait l'objet d'un transfert vers l'Espagne puisqu'il a bénéficié de soins en France à plusieurs reprises au cours de l'année 2010 et a obtenu l'aide médicale d'Etat à partir du 4 janvier 2011. Il a saisi l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile le 27 octobre 2011, après avoir été reçu au centre de réception des demandeurs d'asile de la préfecture de police le 19 juillet 2011. Il a été entendu par l'Office le 19 janvier 2012 et sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 29 février 2012 du directeur général de l'Office. Il a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 4 avril 2012 en vue de saisir la Cour nationale du droit d'asile, a obtenu cette aide le 2 mai 2012. Cette juridiction a rejeté sa demande par une décision du 20 juin 2013, après une audience publique du 30 mai 2013 au cours de laquelle il a présenté ses explications. Le préfet de police, par un arrêté du 2 septembre 2013, lui a fait obligation de quitter le territoire français mais cette mesure d'éloignement n'a pas été exécutée. M. A... s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire national au cours des années 2014 et 2015, comme le révèlent en particulier les mouvements intervenus sur son livret A, comportant des versements en espèces et des retraits par carte bancaire. A la suite d'un contrôle d'identité le 10 mars 2016 à Paris, il a fait l'objet d'une deuxième obligation de quitter le territoire français qui n'a pas davantage été exécutée que la première, en dépit d'un placement en rétention dont la prolongation a été autorisée par le juge des libertés et de la détention. Il a obtenu l'aide médicale d'Etat à partir du 30 août 2016, a continué à utiliser son livret A tout au long de l'année 2017, en y versant des espèces et en effectuant des retraits par carte bancaire. Au cours de l'année 2018, il s'est présenté à la préfecture de police pour déposer une demande de régularisation qui a été rejetée par un arrêté du préfet de police du 9 avril 2019, assorti d'une troisième obligation de quitter le territoire français, demeurée inexécutée comme les deux précédentes. Dans ces conditions, il justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision. Il est par suite fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet de police le 3 décembre 2020, à la suite d'une demande de régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'un vice de procédure, faute de consultation de la commission du titre de séjour, et à en demander l'annulation pour ce motif ainsi par voie de conséquence que celle des autres décisions contenues dans l'arrêté à l'origine du litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
3. Le motif d'annulation retenu implique seulement pour l'exécution du présent arrêt que le préfet de police saisisse la commission du titre de séjour de la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par M. A... et réexamine sa demande de titre de séjour. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de saisir cette commission de la demande de M. A..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de réexaminer sa demande de titre séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
4. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sangue, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Sangue.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2022059/1-1 du 14 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 3 décembre 2020 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de saisir la commission du titre de séjour de la demande de M. A..., dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de réexaminer sa demande de titre de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Sangue, avocat de M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Sangue, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2022.
L'assesseure la plus ancienne,
P. HAMON
Le président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02000 2