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02/03/2022 | FRANCE | N°21PA00313

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 02 mars 2022, 21PA00313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 5 juillet 2018 par laquelle le directeur de l'Ecole normale supérieure a rejeté sa demande de mise en œuvre de la protection fonctionnelle et d'indemnisation au titre des préjudices subis, d'autre part de condamner l'Ecole normale supérieure à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral, de santé, de carrière et financier, majorée au taux légal à compter du 11 mai 2018, ainsi que la

somme de 6 120 euros relative aux frais de justice exposés, et, enfin, d'enj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 5 juillet 2018 par laquelle le directeur de l'Ecole normale supérieure a rejeté sa demande de mise en œuvre de la protection fonctionnelle et d'indemnisation au titre des préjudices subis, d'autre part de condamner l'Ecole normale supérieure à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral, de santé, de carrière et financier, majorée au taux légal à compter du 11 mai 2018, ainsi que la somme de 6 120 euros relative aux frais de justice exposés, et, enfin, d'enjoindre au directeur de l'Ecole normale supérieure de mettre en œuvre a posteriori la protection fonctionnelle à son égard, de restaurer ses horaires de travail tels que validés en septembre 2017 pour les années 2018-2019 et suivantes et de mettre un bureau à sa disposition ou, à défaut, d'instaurer un télétravail, sous astreinte de 500 euros par semaine de retard.

Par un jugement n° 1815881/5-3 du 18 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 19 janvier 2021, 29 mars 2021 et 29 août 2021, M. B..., représenté par Me Weiss, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1815881/5-3 du 18 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Ecole normale supérieure le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens des parties ;

- il a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière faute de communication régulière des mémoires des parties ;

- la décision de refus de protection fonctionnelle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

- il a été victime d'un harcèlement moral, qui ne s'apprécie pas en fonction d'un élément intentionnel ;

- il a subi une altération de sa santé ;

- ce harcèlement ouvrant droit à la protection fonctionnelle, le refus illégal de la lui accorder engage la responsabilité de l'Ecole normale supérieure ;

- le comportement de sa hiérarchie caractérise un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2021, l'Ecole normale supérieure, représentée par la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 septembre 2021.

M. B... a produit un mémoire le 10 janvier 2022, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2006-1732 du 23 décembre 2006 portant dispositions statutaires relatives au corps des attachés d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- les observations de Me Weiss, avocat de M. B...,

- et les observations de Me Coudray, avocat de l'Ecole normale supérieure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., attaché principal d'administration de l'Etat en poste au sein de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Paris depuis 2006, a été affecté à compter du 1er juin 2015 sur le poste de responsable des pôles administratif, financier et hébergement du service logistique de cet établissement. Par une décision en date du 5 juillet 2018, le directeur de l'ENS a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices qu'il estimait subir du fait d'une situation de harcèlement moral. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet de sa demande de protection fonctionnelle, à la condamnation de l'ENS à lui verser une indemnité en réparation de ses préjudices et à ce qu'il lui soit enjoint, sous astreinte, de restaurer ses conditions de travail.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens des parties est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien fondé. Il ne peut dès lors qu'être écarté.

3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que, contrairement à ce que soutient M. B..., l'intégralité des mémoires produits par les parties en première instance a fait l'objet d'une communication régulière, le mémoire produit par l'ENS, enregistré par erreur le 23 juillet 2020 dans la cadre de l'instance n°1815881/5-3, étant relatif à une autre instance.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Il résulte des termes du courrier adressé le 5 mai 2018 par M. B... à la directrice adjointe du service des ressources humaines que si celui-ci faisait état de ses appréhensions à côtoyer seul un de ses collègues, cette seule mention, dépourvue de toute autre demande de mesure de protection ou d'accompagnement dans une procédure contentieuse, ne constituait pas, ainsi que le relève l'ENS, une demande de mise en œuvre de la protection fonctionnelle prévue au bénéfice des fonctionnaires par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

5. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation d'une décision de refus de protection fonctionnelle qui lui aurait été opposée dans la réponse à cette demande en date du 5 juillet 2018 étaient irrecevables, faute d'existence d'une telle décision, et ne pouvaient dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

8. Pour soutenir qu'il fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie depuis l'arrivée d'un nouveau chef du service logistique en novembre 2017, M. B... fait valoir qu'il n'a pas été destinataire de la fiche descriptive de son poste pendant plus de deux ans, qu'il lui a été demandé sans motif légitime de restituer son téléphone de service, qu'il a fait l'objet de reproches infondés et vexatoires sur sa manière de servir, que de nouveaux horaires de travail plus contraignants lui ont été imposés, qu'il s'est vu retirer une partie de ses responsabilités relatives au pôle administratif, qu'il lui a été imposé de déménager dans un bureau collectif recevant du public après avoir occupé un bureau individuel, qu'il a fait l'objet d'une affectation en octobre 2019 à un poste d'archiviste le privant de tout encadrement d'agent et qu'il a été exclu de la liste de diffusion des courriers électroniques destinés aux cadres.

9. S'il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait fait l'objet de reproches infondés et vexatoires sur sa manière de servir, les autres agissements dont le requérant se plaint, qui ne sont pas contestés dans leur matérialité, constituent des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. L'ENS soutient toutefois à cet égard, sans être sérieusement contestée, que M. B... a finalement été autorisé à conserver son téléphone de service, que le rétablissement d'horaires de travail plus compatibles avec le bon fonctionnement du service relève de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique du nouveau chef du service logistique, qu'une fiche descriptive de son poste a été fournie à M. B... quand il en a fait la demande en mai 2018, et enfin que le changement de bureau de M. B... était imposé par la reprise, par le chef du service, de la responsabilité du pôle administratif auparavant dévolue à M. B..., auquel il a été proposé plusieurs solutions de réaménagement de son nouveau bureau, sans qu'il en choisisse aucune. Ces modifications dans le périmètre des responsabilités et dans l'organisation du travail de M. B... répondaient aux nécessités de bon fonctionnement de la nouvelle organisation du service logistique à compter de la fin de l'année 2017, n'excédaient pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et n'ont pas porté atteinte à ses droits et à sa dignité, ni altéré sa santé physique ou mentale ni enfin compromis son avenir professionnel

10. Par ailleurs, si en appel M. B... fait valoir qu'il a été affecté, en octobre 2019, sur un poste de responsable du service des archives administratives de l'ENS, dont il n'est pas contesté qu'il n'était auparavant pas occupé et qu'il n'implique l'encadrement d'aucun agent, alors que dans ses fonctions précédentes M. B... en encadrait cinq, et qu'en outre il a été exclu de la liste de diffusion des messages destinés aux cadres, ces faits sont en tout état de cause à l'origine d'un préjudice distinct de ceux dont la réparation a été vainement demandée par M. B... dans sa demande préalable puis devant les premiers juges, à défaut de harcèlement moral ainsi qu'il a été dit précédemment. Par suite, M. B... ne peut utilement invoquer ces faits à l'appui de sa requête d'appel.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ENS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande à ce titre. Par ailleurs il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ENS sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Ecole normale supérieure présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Ecole normale supérieure.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00313
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : WEISS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-02;21pa00313 ?
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