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25/02/2022 | FRANCE | N°20PA00108

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 25 février 2022, 20PA00108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds interprofessionnel de la formation des professionnels libéraux (FIF-PL) a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle la ministre du travail lui a ordonné de reverser au Trésor public la somme totale de 7 015 536 euros ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision et, d'autre part, d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail lui a ordonné de reverser au Trésor

public la somme totale de 7 015 536 euros.

Par un jugement nos 1807842/...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds interprofessionnel de la formation des professionnels libéraux (FIF-PL) a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle la ministre du travail lui a ordonné de reverser au Trésor public la somme totale de 7 015 536 euros ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision et, d'autre part, d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail lui a ordonné de reverser au Trésor public la somme totale de 7 015 536 euros.

Par un jugement nos 1807842/3-3, 1823371/3-3 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2017 et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 janvier 2020 et 10 juin 2020, le FIF-PL, représenté par Me Denkiewicz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du 12 décembre 2017 et du 19 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure contradictoire n'a pas été respectée s'agissant des sommes qui lui sont demandées au titre de l'année 2015 ; l'avis de contrôle et le rapport ne mentionnaient que les années 2013 et 2014 ;

- l'administration ne pouvait légalement faire application des dispositions des articles R. 6332-55 et R. 6332-56 du code du travail, dès lors qu'elles ont été abrogées au 1er janvier 2015 par le décret du 24 octobre 2014 ; les seules dispositions des articles L. 6363-5, L. 6362-10 et L. 6362-12 du code du travail ne sauraient suffire à fonder la décision de rejet des dépenses ;

- les frais mentionnés aux 2°, 3° et 4° du I de l'article R. 6332-36 du code du travail, qui constituent la part variable des frais de gestion et d'information, ne peuvent être limités, faute de fixation d'un plafond par une convention d'objectifs et de moyens ; ces frais ne sont limités par aucun plafond dès lors que l'obligation de conclure une telle convention ne concerne que les organismes paritaires collecteurs agréés, et non les fonds d'assurance formation ;

- la ministre du travail a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 6362-10 du code du travail ;

- l'article L. 6363-5 du code du travail ne prévoit pas le reversement au Trésor public ;

- les décisions des 12 décembre 2017 et 19 octobre 2019 ne pouvaient être fondées sur les dispositions de l'article L. 6362-12 du code du travail dès lors que les articles auxquels elles renvoient n'étaient pas susceptibles de lui être appliqués ;

- il a respecté les obligations réglementaires énumérées à l'article R. 6332-63 du code du travail ;

- il a justifié du rattachement et du bien-fondé des dépenses litigieuses ;

- les versements contestés par l'administration ont été opérés au titre du 4° de l'article R. 6332-36 du code du travail.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 13 mai 2020 et 25 juin 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 décembre 2017 sont irrecevables dès lors que la décision du 19 octobre 2018 s'y est substituée ;

- les moyens soulevés par le FIF-PL ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 23 septembre 2020.

Vu :

- le code du travail,

- l'arrêté NOR: ETSD1123444A du 20 septembre 2011 relatif au plafonnement des frais de gestion et d'information, d'études et de recherches des fonds d'assurance formation de non-salariés pris en application de l'article R. 6332-64 du code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Denkiewicz, représentant le FIF-PL.

Considérant ce qui suit :

1. Le FIF-PL, organisme privé habilité par un arrêté du 17 mars 1993 de la ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à percevoir la participation obligatoire des professionnels libéraux à leur formation professionnelle continue, a fait l'objet en 2016 d'un contrôle administratif et financier mené conjointement par les services des ministères de l'économie et du travail. Un rapport de contrôle daté du 27 décembre 2016, et portant sur les années 2013, 2014 et 2015, a ensuite été notifié au FIF-PL. Celui-ci a été reçu par les services du ministère du travail le 21 février 2017, dans le cadre de la procédure contradictoire, et il a adressé des observations écrites le 10 mars 2017. Par une décision du 12 décembre 2017, la ministre du travail a ordonné au FIF-PL de reverser au Trésor public la somme totale de 7 015 536 euros au titre des rejets de dépenses et de la détermination des frais de gestion. Le FIF-PL a formé un recours administratif préalable obligatoire le 2 février 2018, qui a d'abord été implicitement rejeté. Par une décision expresse du 19 octobre 2018, la ministre du travail a confirmé sa décision du 12 décembre 2017. Le FIF-PL demande à la cour d'annuler le jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 décembre 2017 et a rejeté la demande du requérant tendant à l'annulation de la décision du 19 octobre 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 6362-6 du code du travail : " L'intéressé qui entend contester la décision administrative qui lui a été notifiée en application de l'article R. 6362-4, saisit d'une réclamation, préalablement à tout recours pour excès de pouvoir, l'autorité qui a pris la décision. / Le rejet total ou partiel de la réclamation fait l'objet d'une décision motivée notifiée à l'intéressé. ".

3. Les conclusions du FIF-PL dirigées contre la décision de la ministre du travail du 2 avril 2018, qui est née du silence gardé par celle-ci sur le recours administratif préalable obligatoire dont il l'a saisie contre la décision du 12 décembre 2017, à laquelle elle s'est substituée, doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision expresse du 19 octobre 2018, qui s'est elle-même substituée à cette décision tacite. Le tribunal administratif de Paris n'a dès lors pas entaché le jugement contesté d'irrégularité en estimant qu'il n'y avait lieu de statuer que sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la ministre du travail du 19 octobre 2018.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 6331-48 du code du travail : " Les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et des professions non salariées, y compris ceux n'employant aucun salarié, consacrent chaque année au financement des actions définies à l'article L. 6331-1 une contribution qui ne peut être inférieure à 0,25 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale. (...) ". Aux termes de l'article L. 6361-1 du même code : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue instituée par l'article L. 6331-1 et sur les actions prévues aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent, financées par l'Etat, les collectivités territoriales, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue. ". Aux termes de l'article L. 6361-2 de ce code, dans sa version applicable au litige : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur : / 1° Les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par : / a) Les organismes collecteurs paritaires agréés ; / b) Les organismes habilités à percevoir la contribution de financement mentionnée aux articles L. 6331-48 et L. 6331-54 ; (...) ". L'article L. 6361-3 dudit code prévoit : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en œuvre pour la formation professionnelle continue. / Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. ". Aux termes de l'article L. 6362-5 de ce code : " Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 : / 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue ; / 2° De justifier le rattachement et le bien-fondé de ces dépenses à leurs activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces activités. / A défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses considérées, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10. ". Cet article L. 6362-10 dispose : " Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent livre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée. ". Enfin, aux termes de l'article L. 6362-12 du code du travail : " Le recouvrement des versements exigibles au titre des contrôles réalisés en application des articles L. 6361-1 à L. 6361-3 est établi et poursuivi selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. ".

5. D'autre part, selon l'article R. 6332-63 du code du travail applicable du 25 septembre 2010 au 1er janvier 2015 : " Sont applicables aux fonds d'assurance formation de non-salariés habilités au titre de la présente-section, y compris aux fonds d'assurance-formation de non salariés des employeurs et travailleurs indépendants de la pêche maritime et des cultures marines, les articles suivants : / 1° R. 6332-20, relatif à la dévolution des biens des organismes collecteurs paritaires agréés qui cessent leur activité ; / 2° R. 6332-22, relatif aux biens nécessaires au fonctionnement des organismes collecteurs paritaires agréés ; / 3° R. 6332-23, premier alinéa, à R. 6332-25, relatifs aux conditions de prise en charge et de paiement des frais de formation ; / 4° R. 6332-52 à R. 6332-54, relatifs aux disponibilités dont un organisme collecteur agréé au titre du plan de formation peut disposer ; / 5° R. 6332-30 à R. 6332-34, relatifs à la transmission de documents par les organismes collecteurs paritaires agréés ; / 6° R. 6332-39 à R. 6332-41, relatifs à la comptabilité et au contrôle des comptes des organismes collecteurs paritaires agréés ; / 7° R. 6332-42, relatif aux ressources des organismes collecteurs paritaires agréés ; / 8° R. 6332-55 et R. 6332-56, relatifs au contrôle. ". Aux termes de cet article R. 6332-55, alors en vigueur : " Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 sont habilités à exercer le contrôle des recettes et des dépenses des organismes collecteurs paritaires agréés au titre du plan de formation. ", et aux termes de cet article R. 6332-56, alors en vigueur : " Donnent lieu à un reversement de même montant par l'organisme collecteur paritaire agréé au titre du plan de formation au Trésor public les emplois de fonds qui ne sont pas conformes aux articles suivants : / 1° R. 6332-23, relatif à la liste des priorités, des critères et des conditions de prise en charge des demandes présentées par les employeurs ; / 2° R. 6332-42, relatif aux modalités de conservation et de dépôt des ressources des organismes collecteurs paritaires agréés ; / 3° R. 6332-50, R. 6332-37-2 et R. 6332-37-4, relatifs aux dépenses de ces organismes. ". Si l'article 21 du décret n° 2014-1240 du 24 octobre 2014 a abrogé les articles R. 6332-55 et R. 6332-56 du code du travail, l'article 39 du même décret dispose : " Les dispositions du présent décret entrent en vigueur au 1er janvier 2015, sous réserve des dispositions du V de l'article 11 de la loi du 5 mars 2014 susvisée. Elles s'appliquent à la collecte des contributions dues au titre de l'année 2015. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 6332-64 du code du travail : " Un fonds d'assurance formation de non-salariés est destiné à recevoir la contribution des travailleurs indépendants, membres des professions libérales et professions non salariées prévue à l'article R. 6331-47. / Ce fonds a pour objet exclusif de financer la formation des personnes intéressées. / Les ressources du fonds sont destinées : / 1° Au financement des frais de fonctionnement des actions de formation mentionnées aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 et des frais de transport, d'hébergement et d'indemnisation de la perte de ressources des stagiaires ; / 2° Au financement d'études ou de recherches intéressant la formation ; / 3° Au financement des dépenses d'information et de conseil des non-salariés ; / 4° Au financement des frais de gestion du fonds d'assurance formation. / Les dépenses mentionnées au 2° à 4° ne peuvent excéder un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle. ". L'article 2 de l'arrêté susvisé du 20 septembre 2011 relatif au plafonnement des frais de gestion et d'information, d'études et de recherches des fonds d'assurance formation de non-salariés pris en application de l'article R. 6332-64 du code du travail dispose : " Les dépenses d'information et de conseil des non-salariés mentionnées au 3 de l'article R. 6332-64 ne peuvent excéder 5,7 % du montant de la collecte comptabilisée au cours de l'exercice. ", et son article 3 dispose : " Les dépenses de gestion du fonds d'assurance formation mentionnées au 4° de l'article R. 6332-64 ne peuvent excéder 4 % du montant des décaissements de l'exercice. Les décaissements s'entendent des charges de l'exercice comptabilisées au compte 6561 (plan de formation), compte non tenu des dépenses d'information et de conseil mentionnées à l'article 2. " ; selon l'article 5 du même arrêté : " Les dispositions qui précèdent sont applicables à compter du 1er janvier 2012. ".

6. Enfin, aux termes de l'article R. 6362-6 du code du travail, applicable jusqu'au 1er janvier 2019 : " L'intéressé qui entend contester la décision administrative qui lui a été notifiée en application de l'article R. 6362-4, saisit d'une réclamation, préalablement à tout recours pour excès de pouvoir, l'autorité qui a pris la décision. / Le rejet total ou partiel de la réclamation fait l'objet d'une décision motivée notifiée à l'intéressé. ".

7. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 6362-10 du code du travail que, si les décisions de rejet de dépenses et de versement prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir sans qu'une procédure contradictoire ait été respectée, la mise en œuvre de celle-ci n'est imposée qu'après la notification des résultats du contrôle. La légalité de la décision de rejet ou de versement prise n'est ainsi pas subordonnée au respect d'une telle procédure durant la conduite des opérations de contrôle. Par suite, dès lors que le rapport de contrôle du 27 décembre 2016 expliquait les motifs des sommes amenées à être rejetées au titre de l'année 2015, notamment en ses pages 17 et 18, le FIF-PL, qui a présenté ses observations sur ce rapport le 10 mars 2017, ne peut utilement soutenir que la décision attaquée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière en ce que l'avis de contrôle transmis en mai 2016 ne mentionnait que les années 2013 et 2014, et non l'année 2015.

8. En deuxième lieu, le FIF-PL soutient que la décision attaquée est dépourvue de base légale et qu'aucune disposition ne prévoit que la ministre puisse lui ordonner de reverser des sommes au Trésor public. Toutefois, les dispositions des articles L. 6361-1, L. 6361-2,

L. 6361-3, L. 6362-5, L. 6362-10 et L. 6361-12 du code du travail, citées au point 4 du présent arrêt, organisent précisément le contrôle par les services de l'État portant sur la gestion et l'utilisation des fonds destinés à la formation professionnelle, notamment par les fonds d'assurance formation, organismes habilités à percevoir la contribution de financement mentionnée à l'article L. 6331-48 du code du travail. Les dispositions citées au point 4 mentionnent en outre les justifications que ces organismes doivent apporter aux agents chargés du contrôle, ainsi que les conditions d'intervention, le cas échéant, d'une décision de rejet de dépenses et de versement. Les dispositions de l'article L. 6362-12 du code du travail prévoient enfin le recouvrement des versements exigibles au titre de ces contrôles. Le moyen doit par suite être écarté en toutes ses branches ; est à cet égard sans incidence la circonstance que les articles R. 6332-55 et R. 6332-56 précités du code du travail, visés par la décision en cause et qui étaient applicables aux organismes collecteurs paritaires agréés mais également aux fonds d'assurance formation comme le FIF-PL, en application du renvoi opéré par les dispositions précitées du 8° de l'article R. 6332-63 du même code, ont été abrogés à compter du 1er janvier 2015.

9. En troisième lieu, par la décision du 19 octobre 2018, la ministre du travail a d'abord ordonné le reversement au Trésor public de sommes prélevées par le FIF-PL au titre des frais de gestion, à hauteur de 1 215 685 euros en ce qui concerne l'année 2013, de 1 108 548 euros en ce qui concerne l'année 2014, et de 1 733 460 euros en ce qui concerne l'année 2015, au motif que ces sommes excèdent le plafond autorisé par voie réglementaire, en application des dispositions citées au point 5 du présent arrêt. Le FIF-PL soutient que la part variable de ces frais de gestion ne peut être limitée, faute de fixation d'un plafond par une convention d'objectifs et de moyens, l'obligation de conclure une telle convention ne concernant que les organismes paritaires collecteurs agréés, et non les fonds d'assurance formation. Toutefois, il résulte du dernier alinéa des dispositions précitées de l'article R. 6332-64 du code du travail que les dépenses exposées au titre des frais de gestion par les fonds d'assurance formation, dont l'administration n'est par essence pas paritaire, ne peuvent excéder un plafond fixé par un arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle. Or, l'article 3 de l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif au plafonnement des frais de gestion et d'information, d'études et de recherches des fonds d'assurance formation de non-salariés limite lesdites dépenses à 4 % du montant des décaissements de l'exercice concerné. La ministre du travail n'a donc pas commis d'erreur de droit en appliquant aux fonds contrôlés le plafond ainsi défini. Si, comme le fait valoir le requérant, l'article R. 6332-63 du code du travail renvoie à l'article R. 6332-56 du même code, qui lui-même renvoie à l'article R. 6332-50 citant les frais de gestion mentionnés au 2° de l'article R. 6332-36, cette dernière référence n'est relative à la définition des frais de gestion qu'en ce qui concerne les organismes collecteurs paritaires agréés et ne saurait donc être applicable aux fonds d'assurance formation, auquel l'article R. 6332-63, fixant limitativement les dispositions du code du travail auxquels ils sont soumis, ne renvoie pas directement. Le

FIF-PL ne peut donc utilement invoquer les dispositions de cet article R. 6332-36 du code du travail pour soutenir qu'aucun plafond ne saurait lui être imposé ; il ne peut davantage utilement invoquer sur ce point les dispositions de l'article R. 6332-37-2 du même code, relatives à la conclusion d'une convention d'objectifs et de moyens s'agissant de la part variable des frais de gestion des organismes collecteurs paritaires agréés, dès lors que l'article R. 6332-63 du même code n'y renvoie pas.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions du rapport de contrôle du 27 décembre 2016, que le FIF-PL n'a pas appliqué, au titre des années 2013, 2014 et 2015, le plafonnement des frais de gestion fixé par l'article 3 de l'arrêté précité du 20 septembre 2011, entré en vigueur à compter du 1er janvier 2012, mais a continué à mettre en œuvre le taux de 4 % majoré d'un point, soit 5 %, prévu par un précédent arrêté du 4 janvier 1996. La ministre du travail a donc fait une exacte application des dispositions citées au point 5 du présent arrêt en lui ordonnant de reverser au Trésor public les sommes correspondant à la différence entre le montant plafonné desdits frais et le montant qu'il a retenu au titre des années 2013, 2014 et 2015.

11. En cinquième lieu, le FIF-PL conteste le rejet par l'administration de dépenses relatives à l'affectation d'une partie de ses ressources à l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) et aux syndicats adhérents, soit 2 % de la collecte aux seconds au titre des frais que ceux-ci engagent pour le FIF-PL, et 0,5 % de la collecte à l'UNAPL au titre de frais d'information et de conseil ainsi que de frais d'études et de recherches. Le requérant soutient que les articles R. 6332-43 et R. 6332-44 du code du travail permettaient ces versements. Toutefois, les dispositions qu'ils énoncent sont applicables aux seuls organismes collecteurs paritaires agréés, dont l'organisation est paritaire, et l'article R. 6332-63 cité au point 5 du présent arrêt, fixant limitativement la liste des dispositions également applicables aux fonds d'assurance formation, n'y renvoie pas. Par ailleurs, l'article R. 6332-64 précité énumère les différentes affectations possibles des ressources d'un fonds d'assurance formation, destinées au financement des frais de fonctionnement des actions de formation, des frais de transport, d'hébergement et d'indemnisation de la perte de ressources des stagiaires, au financement d'études ou de recherches intéressant la formation, au financement des dépenses d'information et de conseil des non-salariés, enfin au financement des frais de gestion du fonds. Or, le FIF-PL ne justifie pas du rattachement des dépenses litigieuses à l'une des affectations ainsi définies, alors que la ministre du travail a motivé la décision attaquée par la circonstance que les sommes versées aux syndicats adhérents sont d'un montant prédéterminé et correspondent au poids relatif de ces syndicats, qui en bénéficient de manière systématique. En ce qui concerne la part de 0,5 % de la collecte reversée par le FIF-PL à l'UNAPL, il ressort des pièces du dossier qu'elle correspond en partie à des frais d'information et de conseils, alors qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 20 septembre 2011, cité au point 5 du présent arrêt, ce type de dépenses ne peut excéder 5,7 % du montant de la collecte d'un exercice. Les dépenses effectuées par ailleurs par le FIF-PL à ce titre atteignant déjà ce plafond, la ministre du travail a pu légalement ordonner au requérant de reverser au Trésor public les sommes dépensées au-delà du plafond réglementaire. Quant à l'autre partie des sommes versées à l'UNAPL, au titre de frais d'étude ou de recherches intéressant la formation, la ministre du travail fait valoir qu'elle correspond à des prestations réalisées pour le compte de l'UNAPL, dans le cadre notamment d'opérations de lobbying, et non de formation professionnelle. Le FIF-PL, qui se borne à faire état de la réalisation d'un état des lieux des professions libérales et de leur évolution, ne remet pas sérieusement en cause cette appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le FIF-PL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le FIF-PL au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du FIF-PL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds interprofessionnel de la formation des professionnels libéraux et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2022.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00108
Date de la décision : 25/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-09-01-02 Travail et emploi. - Formation professionnelle. - Institutions et planification de la formation professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-25;20pa00108 ?
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