Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a déclaré immédiatement cessible à la Société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) l'immeuble sis 19 rue Caillié, Paris (18ème arrondissement).
Par un jugement n° 1802317/4-1 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020 et des mémoires en réplique enregistrés les 26 mai et 14 juin 2021, M. B..., représenté par Me Gaschignard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1802317/4-1 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le jugement est mal-fondé dès lors que :
. l'arrêté du 16 octobre 2017 est insuffisamment motivé ;
. aucun programme détaillé des travaux ne lui a été communiqué, en méconnaissance des dispositions des articles L. 313-4-2, R. 313-24, R. 313-27 et R. 313-28 du code de l'urbanisme, dès lors qu'aucune notification ne lui a été faite et que le courrier du 21 janvier 2015 ne peut être ainsi interprété, le programme détaillé ne pouvant se confondre avec le programme global établi au moment de la DUP et aucun détail n'étant apporté sur les travaux demandés ;
. les délais qui lui ont été laissés étaient impossibles à respecter du fait de leur brièveté, du comportement de la Ville de Paris et de circonstances extérieures ;
. l'expropriation porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 mai, 10 juin et 30 juin 2021, la Société de requalification des quartiers anciens représentée par la SCP Foussard-Froget, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 janvier 2022, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- les observations de Me Loiseau, représentant M. B...,
- et les observations de Me Moscardini, représentant la Société de requalification des quartiers anciens.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est propriétaire d'un ensemble immobilier situé aux numéros 19 et 21 de la rue Caillié à Paris (18ème arrondissement). Dans le cadre d'une procédure de restauration immobilière décidée par délibération du conseil de Paris des 16 et 17 octobre 2006, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a déclaré d'utilité publique les travaux de restauration immobilière portant sur l'immeuble situé 19 rue Caillié, au profit de la Société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris, par arrêté du 4 octobre 2007. A la suite de cet arrêté, M. B... et cette société ont conclu un protocole d'accord portant sur les travaux de réhabilitation de l'immeuble et la rétrocession du lot situé au numéro 21 de la même rue. Les travaux de réhabilitation n'ayant pas été entrepris en dépit d'injonctions en ce sens, le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, a, par arrêté du 23 octobre 2014, déclaré d'utilité publique, au profit de la Société de requalification des quartiers anciens, les travaux de réhabilitation portant sur cet immeuble. En son article 2, l'arrêté précisait les délais dont disposait le propriétaire pour déposer et obtenir un permis de construire portant sur ces travaux ainsi que les délais pour les engager et les réaliser. L'article 3 disposait qu'en cas de non-respect des délais, la Société de requalification des quartiers anciens procéderait à l'acquisition de l'immeuble à l'amiable ou par expropriation afin de réaliser les travaux d'utilité publique. Un permis de construire a été accordé à M. B... par la ville de Paris par arrêté du 23 décembre 2015. Les travaux n'ayant pas été engagés, le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris a, par arrêté du 16 octobre 2017, déclaré cessible au profit de la Société de requalification des quartiers anciens l'immeuble situé 19 rue Caillié. M. B... relève appel du jugement n°1802317/4-1 du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, dont le requérant a entendu se prévaloir en mentionnant par erreur l'article R. 741-2 : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article
R. 741-7 du code de justice administrative auraient été méconnues manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. La décision en litige, qui vise notamment les articles R. 132-1 et R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ainsi que le traité de concession d'aménagement du
7 juillet 2010 modifié conclu entre la Ville de Paris et la Société de requalification des quartiers anciens portant notamment sur l'immeuble situé 19 rue Caillié, la délibération du conseil d'administration de cette dernière du 13 février 2014 autorisant la mise en œuvre de la procédure de déclaration d'utilité publique au titre d'une opération de restauration immobilière concernant cet immeuble, l'arrêté du 23 octobre 2014 déclarant d'utilité publique les travaux de restauration sur l'immeuble dont s'agit, et qui relève que les travaux que le propriétaire aurait dû réaliser ne sont toujours pas engagés et qu'en conséquence la Société de requalification des quartiers anciens entend poursuivre la procédure au titre de la non réalisation de ces travaux, est, en tout état de cause, suffisamment motivée.
4. Aux termes de l'article L. 313-4-2 du code de l'urbanisme : " Après le prononcé de la déclaration d'utilité publique, la personne qui en a pris l'initiative arrête, pour chaque immeuble à restaurer, le programme des travaux à réaliser dans un délai qu'elle fixe. / Lors de l'enquête parcellaire, elle notifie à chaque propriétaire le programme des travaux qui lui incombent. Lorsque le programme de travaux concerne des bâtiments soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le programme portant sur les parties communes est également notifié au syndicat des copropriétaires, pris en la personne du syndic. Si un propriétaire fait connaître son intention de réaliser les travaux dont le détail lui a été notifié, ou d'en confier la réalisation à l'organisme chargé de la restauration, son immeuble n'est pas compris dans l'arrêté de cessibilité. ". Aux termes de l'article R. 313-27 du même code : " L'autorité expropriante qui a pris l'initiative de la déclaration d'utilité publique de l'opération notifie à chaque propriétaire, ou copropriétaire, le programme détaillé des travaux à réaliser sur le bâtiment et son terrain d'assiette. / La notification prévue à l'alinéa précédent est effectuée à l'occasion de la notification individuelle du dépôt en mairie du dossier de l'enquête parcellaire prévue par l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle comporte l'indication du délai dans lequel doivent être réalisés les travaux. ".
5. M. B... soutient que le programme détaillé des travaux à réaliser ne lui a pas été notifié par le courrier du 21 janvier 2015 et qu'en tout état de cause, à supposer que ces travaux soient ceux déjà prescrits par les arrêtés du 4 octobre 2007 et du 23 octobre 2014, ils n'étaient pas détaillés.
6. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 21 janvier 2015 qui lui a été notifié le lendemain, M. B... a été informé de la réalisation d'une enquête parcellaire prévue du 4 au 20 février 2015 et de ce qu'il disposait d'un délai d'un mois pour confirmer son intention de réaliser les travaux prescrits tels qu'annexés par ce courrier. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des prescriptions générales de travaux annexé à l'arrêté du 23 octobre 2014 précité comporte d'une part des prescriptions générales et d'autre part des prescriptions particulières telles que la " vérification des garde-corps et [le] remplacement des éléments défectueux ", la " dépose des conduits de ventilation inutilisés ", la " création d'un châssis de désenfumage dans les cages d'escalier " ou encore la " mise aux normes de la sécurité incendie " qui, par leur degré de précision, constituent le programme détaillé de travaux au sens des dispositions précitées.
7. M. B... soutient également que les délais prescrits pas le courrier du 21 janvier 2015 étaient impossibles à respecter du fait de leur brièveté, du comportement de la Ville de Paris et de circonstances extérieures.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a pu déposer une demande de permis de construire correspondant aux travaux exigés dès le 3 février 2015 et qu'il a obtenu des délais supplémentaires pour lui permettre de préciser son projet et pour communiquer des documents, ainsi qu'il ressort de courriers de la SOREQA du 13 octobre 2015 et du 25 mars 2016. La circonstance que par un arrêté du 17 juin 2013, le préfet de police a interdit l'accès à l'immeuble pour un motif de sécurité, n'était pas de nature à faire obstacle à ce que M. B... puisse y pénétrer aux fins de réaliser les travaux, ainsi qu'il résulte de l'autorisation donnée le 6 février 2015 de procéder à une visite préalable à l'ouverture du chantier, aucun élément ne démontrant, en outre, que l'utilisation par la Société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris du rez-de-chaussée du n° 21 l'aurait empêché d'accéder au n°19. La cessation d'activité de la société que M. B... avait choisie, qui n'a eu lieu qu'en 2017 laquelle ne l'empêchait en tout état de cause pas de démarcher un autre prestataire, n'était pas de nature à rendre impossible le respect des délais prescrits, non plus que la circonstance que M. B... a été, au cours de cette période, placé en situation d'arrêt de travail du fait de son état de santé. Or à la date de l'arrêté contesté, aucun de ces travaux n'avait été engagé par M. B..., alors que la plus tardive des dates qui lui avait été impartie pour ce faire était dépassée depuis plus d'un an, et que ce dernier, qui n'a jamais contesté les délais qui lui avaient été impartis ni demandé leur prolongation, était titulaire depuis le 23 décembre 2015 d'un permis de construire.
9. Aux termes du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Compte tenu de l'état fortement dégradé de l'immeuble, lequel a notamment fait l'objet d'arrêtés préfectoraux du 22 juillet 2011 et du 17 juin 2013 en interdisant l'accès et l'occupation et d'une évacuation de ses habitants le 28 juillet 2011 avec le concours de la force publique, le caractère d'intérêt général des travaux était établi lorsque le préfet a déclaré d'utilité publique les travaux le 23 octobre 2014. A supposer que M. B... ait entendu exciper de l'illégalité de cet arrêté du 23 octobre 2014, en faisant valoir qu'il n'y avait aucune utilité publique à ce que les travaux soient réalisés par la SOREQA alors que lui-même disposait d'un permis de construire et qu'il allait mener son projet à bien, ces circonstances, postérieures à la décision dont s'agit, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher la légalité ledit arrêté, ni à porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'intéressé dès lors que, ainsi qu'il a été dit, la nécessité de réaliser les travaux était connue de lui depuis de nombreuses années, que la décision a été prise après la réalisation de plusieurs enquêtes publiques au cours desquelles il a pu faire valoir ses observations et qu'il s'est abstenu d'engager les travaux prévus. Le moyen tiré de la méconnaissance du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement à la Société de requalification des quartiers anciens d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la Société de requalification des quartiers anciens une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la Société de requalification des quartiers anciens.
Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.
Le rapporteur,
JF. GOBEILLLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et les relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N° 21PA00349