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24/02/2022 | FRANCE | N°20PA02563

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 24 février 2022, 20PA02563


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... ayant sollicité du tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 24 mai 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à su

bstituer à son nom celui de " B... ", ainsi que la décision du 30 juillet 2018 rejetant son recours gracieux, cett...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... ayant sollicité du tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 24 mai 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom celui de " B... ", ainsi que la décision du 30 juillet 2018 rejetant son recours gracieux, cette juridiction a rejeté sa demande par un jugement du 18 juin 2020 dont l'intéressé relève appel devant la Cour.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 61 du code civil : " " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ".

3. Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

4. M. D... soutient que le nom B... était antérieurement porté par son grand-père paternel, d'origine yézidie, qui a été contraint d'en changer à son arrivée sur le territoire de l'Arménie soviétique, après avoir fui les massacres et des Arméniens et des Kurdes de Turquie perpétrés en 1915 par l'empire ottoman. Les pièces produites à l'instance par le requérant, qui n'ont pas été présentées à l'administration à l'occasion de la procédure d'instruction de la demande de changement de nom, sont de nature, en l'état de l'instruction, à établir la véracité du récit de ses origines familiales et à caractériser ainsi, le cas échéant, l'existence de circonstances exceptionnelles au sens des dispositions citées au point précédent, alors même que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'en conteste pas la substance. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision s'il avait été préalablement saisi desdites pièces. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que les décisions contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation et doivent être annulées et que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à leur annulation. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation, tant du jugement attaqué que de ces deux décisions.

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " L'annulation prononcée au point précédent implique seulement que le garde des sceaux, ministre de la justice, prenne une nouvelle décision sur la demande de changement de nom présentée par M. D..., dans un délai de trois mois à compter de la notamment du présent arrêt. Il y a donc lieu de lui enjoindre d'y procéder.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État (ministère de la justice) le versement à l'avocat du requérant d'une somme de 1 500 euros, sous réserve qu'il renonce au versement de la part contributive de l'État au titre de la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, dans les conditions prévues à l'article 37 de la n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1814982/4-1 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 24 mai 2018 par laquelle il a rejeté la demande de M. D... tendant à substituer à son nom celui de " B... ", ainsi que celle du 30 juillet 2018 rejetant son recours gracieux, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint de garde des sceaux, ministre de la justice, de prendre, dans un délai de trois mois à compter de la notamment du présent arrêt, une nouvelle décision sur la demande de M. D... tendant à substituer à son nom celui de " B... ".

Article 4 : L'État (ministère de la justice) versera à Me Delphine Rodrigue-Moriconi, avocat du requérant d'une somme de 1 500 euros, sous réserve qu'elle renonce, dans les conditions prévues à l'article 37 de la n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, au versement de la part contributive de l'État au titre de la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. C... et M. A..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.

L'assesseur le plus ancien,

J.-F. C...Le président,

rapporteur

S. DIÉMERT

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02563
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. - État des personnes. - Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : RODRIGUE-MORICONI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-24;20pa02563 ?
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