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17/02/2022 | FRANCE | N°21PA01004

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 février 2022, 21PA01004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, à compter de son élargissement, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par une ordonnance du 23 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a tr

ansmis au tribunal administratif de Montreuil la demande de M. B....

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, à compter de son élargissement, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par une ordonnance du 23 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a transmis au tribunal administratif de Montreuil la demande de M. B....

Par un jugement n° 2000094 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 février 2021, et deux mémoires de production de pièces enregistrés le 2 mars et le 13 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Lerat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000094 du 2 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, à compter de son élargissement, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de l'instruction ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entachée d'erreurs de fait et d'un défaut d'examen de sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise sans saisine préalable de la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

- elle méconnait les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 17 janvier 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de la substitution des dispositions alors codifiées au 4° de l'article L. 511-1 I à celles du 7° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme base légale de l'arrêté attaqué.

Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée par M. B..., a été enregistrée le 26 janvier 2022. M. B... soutient que la substitution envisagée par la Cour constitue en réalité une substitution de motifs, à laquelle la Cour ne peut pas procéder d'office, et qu'il était dans l'impossibilité matérielle de renouveler son titre de séjour durant sa détention.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 9 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité,

- la loi n°2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

- et les observations de Me Abbar, substituant Me Lerat, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant malien né le 23 octobre 1977, demande l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, à compter de son élargissement, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 2 février 2021 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des termes du jugement dont il est fait appel que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens soulevés devant eux, le bien-fondé des réponses qu'ils ont apportées au regard des arguments et des pièces versées au dossier étant en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

4. En premier lieu, par arrêté n°19/BC/122 du 22 juillet 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 23 juillet 2019, le préfet de Seine-et-Marne a donné délégation à Mme E... C..., chef du bureau de l'éloignement au sein de la direction de l'immigration et de l'intégration pour signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi par M. B..., à qui incombe la charge de la preuve, contrairement à ce qu'il soutient, qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lorsque l'arrêté litigieux a été édicté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision manque en fait et doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / II.- (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".

6. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des dispositions légales dont il a été fait application ainsi que des circonstances de fait au vu desquelles il a été pris. Contrairement à ce que M. B... soutient, le préfet de Seine-et-Marne n'était pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments relatifs à la situation personnelle dont il entendait se prévaloir et notamment de l'ancienneté de sa présence en France. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d'une insuffisance de la motivation n'est pas fondé et doit être écarté. Par suite, et en l'absence d'autres éléments à l'appui de son allégation, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté serait entaché d'un défaut d'examen de sa situation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...). "

8. Il résulte des dispositions alors codifiées au 7° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et désormais reprises au 5° de l'article L. 611-1 de ce code, éclairées par les travaux préparatoire des lois du 16 juin 2011 et du 7 mars 2016 dont elles sont issues, que le législateur a entendu, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, permettre à l'autorité administrative de prendre, sur ce fondement, une obligation de quitter le territoire français à l'encontre des étrangers qui résident en France, régulièrement, depuis moins de trois mois, si leur comportement constitue une menace à l'ordre public.

9. Il ressort des termes de la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire que le préfet de Seine-et-Marne a fondé la mesure d'éloignement litigieuse sur le seul fondement du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public.

10. Il résulte toutefois de l'instruction que M. B... est entré en France au plus tard en 2007, date à laquelle il soutient sans être contesté s'être vu délivrer un premier titre de séjour " vie privée et familiale ". Il produit au dossier trois titres de séjour valables du 6 octobre 2009 au 5 octobre 2010, du 6 octobre 2010 au 5 octobre 2011 et du 11 juin 2014 au 10 juin 2015. Ce dernier titre de séjour a expiré durant son incarcération au centre de détention de Fresnes, à compter du 18 avril 2015, pour y purger la peine de dix années d'emprisonnement à laquelle il a été condamné par la Cour d'assise du Val-de-Marne, pour des faits de violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner. A la date de l'arrêté litigieux, il était toujours incarcéré, au centre de détention de Meaux. Ainsi, eu égard à la date de son entrée et des conditions de son séjour en France, M. B... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions précitées, alors codifiées au 7° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En revanche, alors que M. B... était, depuis l'expiration de son titre de séjour, le 10 juin 2015, en situation irrégulière sur le territoire français, le préfet de Seine-et-Marne a implicitement mais nécessairement également fondé sa décision sur l'irrégularité de son séjour dès lors qu'en-dehors du cas particulier des étrangers visés au 7° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire ne peut être prise qu'à l'encontre des étrangers qui sont en situation irrégulière. Ainsi, et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... entrait dans les prévisions des dispositions alors codifiées au 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'autorité administrative d'obliger à quitter le territoire l'étranger n'ayant pas demandé le renouvellement de son titre de séjour et s'étant maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre, ces dispositions peuvent être substituées à celles du 7° du I de l'article L. 511-1 dès lors que cette substitution de base légale, dont les parties ont été informées de ce que la Cour entendait y procéder, ne prive l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. A cet égard, si M. B... soutient qu'il a été mis dans l'impossibilité matérielle de solliciter le renouvellement de son titre de séjour dans les conditions prévues par la circulaire du 25 mars 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes de nationalité étrangère privées de liberté, cette circonstance n'est en tout état de cause pas établie par les documents généraux qu'il a versés au dossier. Au demeurant, M. B... n'établit pas ni même n'allègue que le préfet de Seine-et-Marne aurait omis de s'assurer que le requérant ne devait pas se voir attribuer de plein droit un titre de séjour avant de prendre la décision attaquée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit doivent être écartés.

12. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / 5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans (...) ".

13. M. B... soutient que, entré en France en 1999, il justifie d'une résidence régulière sur le territoire français depuis plus de vingt ans. Toutefois, d'une part, pour justifier de sa durée de présence en France, il se prévaut essentiellement de ses années passées en détention à compter de 2011 et ne produit, pour les années antérieures, que cinq bulletins de paie, cinq avis d'imposition et deux attestations de formation civique. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 10, il ne verse au dossier que trois titres de séjour, valables du 6 octobre 2009 au 5 octobre 2010, du 6 octobre 2010 au 5 octobre 2011 et du 11 juin 2014 au 10 juin 2015. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait résidé en France depuis plus de vingt ans, ni même depuis plus de dix ans, de façon régulière, c'est-à-dire sous couvert de titres de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 4° et du 5° de l'article L. 511-4 ne peut qu'être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

15. Si M. B... se prévaut de la présence en France de ses deux frères, titulaires de titres de séjour, et de l'aide qu'il apporte à l'un d'eux, gravement handicapé, il ressort des pièces du dossier que ce handicap résulte, en tout état de cause, d'un accident survenu au cours de mois de mai 2020, soit postérieurement à l'arrêté contesté, et que l'épouse de M. B... et ses quatre enfants résident au Mali. En appel, M. B... produit la copie du jugement du 2 février 2021 prononçant le divorce d'avec son épouse, ainsi que l'acte de naissance de la file qu'il a eu, le 24 novembre 2021, avec sa nouvelle compagne, de nationalité française. Toutefois, ces éléments, qui sont là encore postérieurs à la décision attaquée, ne suffisent pas pour établir l'existence d'une vie commune avec sa compagne. En outre, au titre de ses ressources disponibles, le requérant ne produit qu'une promesse d'embauche et soutient bénéficier d'un hébergement chez ses frères. Dans ces conditions, et eu égard à la menace pour l'ordre public que le comportement de M. B... représente, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne sauraient être accueillis.

En ce qui concerne la décision refusant à M. B... un délai de départ volontaire :

16. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

17. Pour soutenir que son comportement ne représente pas une menace à l'ordre public, contrairement à ce que le préfet de Seine-et-Marne a considéré, M. B..., qui a été condamné à dix ans d'emprisonnement pour des faits de violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner, se prévaut de son bon comportement en détention, du travail qu'il a accompli et des cours qu'il a suivis au centre pénitentiaire, ainsi que des soins qui lui ont été prodigués contre sa dépendance à l'alcool. Le requérant verse au dossier notamment un jugement du tribunal de grande instance de Créteil portant admission au régime de libération conditionnelle avec placement sous surveillance électronique probatoire, eu égard à son comportement exemplaire en détention. Toutefois, il ressort de la fiche pénale produite en défense que ce jugement a par la suite été infirmé. Par ailleurs, la synthèse de l'administration pénitentiaire du 11 octobre 2018 souligne que le positionnement de l'intéressé sur les faits pose la question du risque de récidive. Enfin, l'arrêté attaqué comporte une mention, non contestée par M. B... selon laquelle il a été également signalé en 2007 pour des faits de viol et tentative de viol. Ainsi, et eu égard à la gravité des faits commis, le préfet de Seine-et-Marne, n'a pas, à la date de l'arrêté attaqué, commis d'erreur d'appréciation en considérant que le comportement de M. B... constituait une menace pour l'ordre public et qu'il entrait de ce fait dans les prévisions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... n'est en conséquence pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions, ni d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

19. L'arrêté litigieux, qui prononce une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortit cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de trois ans, en rappelant qu'ont été pris en considération la situation familiale de l'intéressé et son comportent constitutif d'une menace pour l'ordre public. Dès lors, et pour les motifs précédemment exposés, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et, en tout état de cause, celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2022.

La rapporteure,

C. F...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01004 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01004
Date de la décision : 17/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 ÉTRANGERS. - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE. - CAS DE L'ÉTRANGER QUI NE RÉSIDE PAS RÉGULIÈREMENT EN FRANCE DEPUIS PLUS DE TROIS MOIS ET DONT LE COMPORTEMENT CONSTITUE UNE MENACE POUR L'ORDRE PUBLIC (7° DU I DE L'ARTICLE L. 511-1 DU CESEDA, REPRIS AU 5° DE L'ARTICLE L. 611-1) PORTÉE - APPLICATION AUX SEULS ÉTRANGERS RÉSIDANT EN FRANCE, RÉGULIÈREMENT, DEPUIS MOINS DE TROIS MOIS.

335-03 Il résulte des dispositions alors codifiées au 7° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et désormais reprises au 5° de l'article L. 611-1 I de ce code, éclairées par les travaux préparatoire des lois du 16 juin 2011 et du 7 mars 2016 dont elles sont issues, que le législateur a entendu, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, permettre à l'autorité administrative de prendre, sur ce fondement, une obligation de quitter le territoire français à l'encontre des étrangers qui résident en France, régulièrement, depuis moins de trois mois, si leur comportement constitue une menace à l'ordre public.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-17;21pa01004 ?
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