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17/02/2022 | FRANCE | N°21PA00712

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 février 2022, 21PA00712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a signalée aux fins de non réadmission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2016896 du 11 janvier 2021, le magist

rat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a signalée aux fins de non réadmission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2016896 du 11 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2021, Mme A..., représentée par Me Rimailho, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2016896 du 11 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 du préfet des Hauts-de-Seine ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rimailho de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dans la mesure où le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a omis de se prononcer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans examen personnalisé de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

En ce qui concerne le refus de lui accorder un délai de départ volontaire :

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête de Mme A... a été communiquée au préfet des Hauts-de-Seine , qui n'a pas produit de mémoire.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 20 mars 1987 à Isabela (Philippines), a été interpellée le 28 octobre 2020 à la suite d'un contrôle d'identité. Ayant constaté que l'intéressée ne disposait pas d'un titre l'autorisant à séjourner sur le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine, par un arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination de la mesure d'éloignement, a prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a signalée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Mme A... relève appel du jugement du 11 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En dépit d'une erreur matérielle dans le titre qui fait immédiatement suite au point " II. Discussion ", qui mentionne à tort un " refus de séjour ", il ressort des termes de la demande de Mme A... que celle-ci a demandé l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 11 janvier 2021 sur ce point.

3. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / II.- (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".

5. L'arrêté du 28 octobre 2020 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 511-1 I sur le fondement duquel il a été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. Il est mentionné que Mme A... est entrée régulièrement en France le 3 juin 2018 et s'est maintenue sur le territoire français à l'expiration de la durée de validité de son visa, sans avoir jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour. L'arrêté mentionne également que Mme A... est mariée et a un enfant à charge, que son mari vit aux Philippines et que la cellule familiale peut se reconstituer dans ce pays, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans, et que dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté du 28 octobre 2020, que le préfet des Hauts-de-Seine a procédé à l'examen particulier de la situation de Mme A... avant de prendre sa décision, s'agissant en particulier des éléments relatifs à la durée de sa présence en France, à son activité professionnelle et à sa situation personnelle, que Mme A... a mentionnés lors de sa retenue administrative et qui sont consignés dans le procès-verbal d'audition. Le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressée doit donc être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Mme A... fait valoir qu'elle est entrée en France en juin 2018, y réside avec sa fille née le 21 septembre 2015, qu'elle occupe un emploi stable en qualité de femme de ménage et qu'elle est bien intégrée. Toutefois, elle n'établit ni l'intensité de ses attaches privées et familiales sur le territoire français ni être dépourvue d'attaches aux Philippines, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans et dans lequel elle a déclaré avoir des enfants mineurs. La seule circonstance, au demeurant non établie par les deux attestations de ses employeurs produites au dossier, qu'elle aurait fait l'objet de persécutions de la part de son mari et que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer aux Philippines de ce fait ne suffit pas, eu égard à la faible durée de son séjour en France et à l'âge de sa fille, pour établir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ou qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 28 octobre 2020 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

En ce qui concerne la décision de refus d'un délai de départ volontaire :

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...)/ h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) ".

11. Pour prendre la décision contestée, le préfet des Hauts-de-Seine a relevé le fait que Mme A... s'était maintenue sur le territoire français à l'expiration de son visa, qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'elle a expressément déclaré, lors de son audition, qu'elle n'envisageait pas de retourner dans son pays d'origine. Celle-ci pouvait donc être regardée comme risquant de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français en application des dispositions des f) et h) précités du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé pour prendre sa décision. Par suite, en refusant à Mme A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet des Hauts-de-Seine n'a ni méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, nonobstant la circonstance que l'intéressée dispose d'un passeport en cours de validité et d'une adresse stable.

En ce qui concerne les autres décisions :

12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 9 et au point 11, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision portant refus de départ volontaire pour demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français et de la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

13. Il résulte ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire, sur la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, sur la décision portant interdiction de retour sur les territoire français pour une durée d'un an et sur la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'il soit fait droit à ces conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 11 janvier 2021 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la demande de Mme A... tenant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire, et le surplus des conclusions de la requête, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2022.

La rapporteure,

C. B...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00712 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00712
Date de la décision : 17/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : RIMAILHO

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-17;21pa00712 ?
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