Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 28 juin 2018 de la ministre du travail lui infligeant un blâme, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la ministre du travail de procéder au retrait de ce blâme de son dossier administratif et de tout autre dossier, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et de condamner l'État à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision.
Par un jugement n° 1810513 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 août 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 20 janvier 2022 qui n'a pas été communiqué, Mme D..., représentée par Me Maixant, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1810513 du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 28 juin 2018 de la ministre du travail ;
3°) d'enjoindre à la ministre du travail de retirer de ses dossiers administratifs toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de les détruite et d'en donner attestation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
- la décision du 28 juin 2018 est entachée d'une inexactitude matérielle des faits dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits qui lui sont reprochés, si tant est qu'ils soient matériellement établis, ne sont pas fautifs ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été prise en raison de son activité syndicale.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
- son préjudice moral peut être évalué à la somme de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme D... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Maixant, pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., inspectrice du travail, affectée à l'unité départementale de Seine-et-Marne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Île-de-France s'est vue infliger un blâme le 28 juin 2018. Mme D... relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 28 juin 2018 par laquelle la ministre du travail lui a infligé un blâme, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " I. Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver. / Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. / II.- A cette fin, le fonctionnaire qui estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts : 1° Lorsqu'il est placé dans une position hiérarchique, saisit son supérieur hiérarchique ; ce dernier, à la suite de la saisine ou de sa propre initiative, confie, le cas échéant, le traitement du dossier ou l'élaboration de la décision à une autre personne ; 2° Lorsqu'il a reçu une délégation de signature, s'abstient d'en user ; 3° Lorsqu'il appartient à une instance collégiale, s'abstient d'y siéger ou, le cas échéant, de délibérer ; 4° Lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles, est suppléé selon les règles propres à sa juridiction ; 5° Lorsqu'il exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, est suppléé par tout délégataire, auquel il s'abstient d'adresser des instructions. ". Aux termes de l'article R. 8124-15 du code du travail " Chaque agent veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement toute situation d'interférence entre l'exercice de son activité professionnelle et des intérêts publics ou privés, y compris l'exercice d'un mandat politique, de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions selon les modalités prévues à l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. / Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Île-de-France a organisé une réunion, le 13 février 2018, à laquelle l'ensemble des personnels de ce service a été convié. La circonstance que cette réunion a été organisée en dehors des locaux du siège de l'unité départementale de Seine-et-Marne n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient Mme D..., alors même qu'elle s'est déroulée sur le site de la société Safran qui a mis ses locaux à disposition à titre gratuit par le biais d'une convention, à faire regarder cette réunion comme ne relevant pas d'une réunion de service à laquelle l'intéressée avait l'obligation de participer comme les autres agents de ce service.
5. D'autre part, il est constant que le séminaire a été organisé sur le site du musée aéronautique et spatial Safran à défaut de salle adaptée au sein de la cité administrative de Melun en capacité de réunir l'ensembles des agents devant participer à la réunion, et alors qu'une visite du musée devait terminer le séminaire, après un moment de convivialité. Il est également constant que ce site est ouvert gratuitement au grand-public et aux institutionnels, l'unité départementale de Seine-et-Marne de Direccte d'Île-de-France n'ayant ainsi bénéficié d'aucun avantage particulier. Dans ces conditions, et alors qu'en tout état de cause, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... aurait informé sa hiérarchie, préalablement à la tenue de séminaire, de ce qu'elle estimait se trouver en position de conflit d'intérêt au sens des dispositions précitées de l'article 25 bis de la loi du 13 janvier 1983 et de l'article R. 8124-15 du code du travail en y assistant et, d'autre part, qu'elle n'intervenait pas en qualité d'inspectrice du site de l'entreprise Safran ni même en opération de contrôle, l'obligation qui a été faite à Mme D... de participer au séminaire ne peut être regardée comme manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public du seul fait qu'elle a été organisée sur le site en cause.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; / - le blâme. (...) Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. (...) ".
7. Par ailleurs, aux termes de l'article 4 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, applicable aux agents publics de l'Etat : " Les organisations syndicales peuvent tenir des réunions statutaires ou d'information à l'intérieur des bâtiments administratifs en dehors des horaires de service. Elles peuvent également tenir des réunions durant les heures de service mais dans ce cas seuls les agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d'une autorisation spéciale d'absence peuvent y assister ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " I. - Les organisations syndicales représentatives sont en outre autorisées à tenir, pendant les heures de service, des réunions mensuelles d'information. (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " La tenue des réunions mentionnées aux articles 4, 5 et 6 ne doit pas porter atteinte au bon fonctionnement du service ou entraîner une réduction de la durée d'ouverture de ce service aux usagers. / Les demandes d'organisation de telles réunions doivent, en conséquence, être formulées au moins une semaine avant la date de la réunion ". Aux termes de l'article 9 du décret du 28 mai 1982 précité : " Les documents d'origine syndicale peuvent être distribués aux agents dans l'enceinte des bâtiments administratifs, mais en dehors des locaux ouverts au public. Ces distributions ne doivent en aucun cas porter atteinte au bon fonctionnement du service. Lorsqu'elles ont lieu pendant les heures de service, elles ne peuvent être assurées que par des agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d'une décharge de service ".
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. Pour édicter la sanction litigieuse, la ministre du travail a relevé que lors du séminaire de travail organisé le 13 février 2018, Mme D... s'est volontairement placée sur la scène en déployant une banderole, des pancartes et des drapeaux, empêchant la réunion de débuter dans des conditions normales, qu'après le début de la réunion, l'intéressée est restée entre la scène et les agents jusqu'à 12h et que par son attitude délibérément provocatrice et son comportement, elle a volontairement fait obstacle au bon déroulement de la réunion.
10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du 21 mars 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ainsi que par les différents témoignages qui figurent au dossier dont rien ne permet de conclure, comme le fait la requérante, qu'ils constitueraient des témoignages de complaisance, que Mme D..., membre de l'organisation syndicale SUD TAS 77, faisait partie d'un groupe de sept agents, tous identifiés par M. B..., responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne de la Direccte d'Île-de-France et par M. C..., directeur du travail, qui a déployé sur scène une banderole syndicale avant le début de la réunion, a fait pression pour obtenir du responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne la possibilité de prendre la parole à des fins syndicales, et a pris à partie et invectivé ce même responsable lorsqu'il a répondu aux propos particulièrement virulents qui venaient d'être tenu, rendant son propos inaudible. Il ressort également des pièces du dossier qu'à la suite de ces deux interventions, et alors que l'un des membres de ce groupe restait assis sur la scène, tenant des propos désobligeant lors de l'intervention de la secrétaire générale, Mme D... a participé avec deux autres agents au déploiement d'une banderole sur le côté de l'estrade qui est restée en place jusqu'à midi, heure de son départ, contribuant ainsi à créer une situation particulièrement tendue qui a perturbé le bon déroulement du séminaire. Ces faits, qui vont au-delà de l'exercice normal du droit syndical, constituent une faute de nature à justifier une sanction, quels qu'aient été par ailleurs la nature du " geste " de M. B... envers la représentante syndicale qui était restée assisse sur la scène et les propos injurieux qu'il a prononcés à l'encontre de cette derrière et des personnes qui l'entouraient. En les sanctionnant par un blâme, la ministre du travail n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
11. En troisième lieu, Mme D... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré du détournement de pouvoir. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Melun.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 février 2022.
La rapporteure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02156 2