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17/02/2022 | FRANCE | N°20PA00121

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 février 2022, 20PA00121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel la ministre des armées a prononcé son licenciement sans préavis ni indemnité par mesure disciplinaire, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux du 21 février 2018, née le 27 avril 2018, et de condamner l'État à lui verser la somme de 275 921 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1810881 du 14 novembre 2019, le tribunal admini

stratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel la ministre des armées a prononcé son licenciement sans préavis ni indemnité par mesure disciplinaire, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux du 21 février 2018, née le 27 avril 2018, et de condamner l'État à lui verser la somme de 275 921 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1810881 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 janvier 2020 et 11 août 2020, M. A..., représenté par la SCP Spinosi et Sureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810881 du 14 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 de la ministre des armées, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux en date du 21 février 2018 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 134 115,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2018, avec capitalisation des intérêts échus à compter de l'introduction de sa demande de première instance, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts, en application de l'article 1154 du code civil ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;

- le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré du vice de procédure ;

- l'arrêté contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- ils ne sont pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- la sanction prise est disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés ;

- il a subi divers préjudices du fait de son licenciement illégal.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- M. A... est irrecevable à présenter des moyens relatifs au bien-fondé du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- l'arrêté du 31 juillet 2014 relatif à la commission consultative paritaire du ministère de la défense des agents contractuels recrutés en application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fodil-Cherif, pour M. A....

Une note en délibéré, présentée par M. A..., a été enregistrée le 28 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par un contrat à durée déterminée pour exercer les fonctions de chef de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI) du ministère de la défense, pour la période du 1er mai 2013 au 30 avril 2016. Son contrat a été renouvelé du 1er mai 2016 au 30 avril 2019. Par un arrêté du 11 septembre 2017, M. A... a été suspendu de ses fonctions, une procédure disciplinaire étant par ailleurs engagée à son encontre. Par un arrêté du 9 janvier 2018, la ministre des armées a prononcé le licenciement de M. A... sans préavis ni indemnité et l'a radié des cadres du ministère des armées. M. A... a formé un recours gracieux le 21 février 2018, tendant au retrait de la décision de licenciement et à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis, rejeté par une décision implicite née le 27 avril 2018 du silence gardé par le ministère des armées sur cette demande. M. A... relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 275 921 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Sur l'exception d'irrecevabilité des moyens relatifs au bien-fondé du jugement attaqué :

2. La ministre des armées fait valoir que les moyens se rattachant au bien-fondé du jugement attaqué invoqués par le requérant dans son mémoire enregistré le 11 août 2020 au greffe de la Cour sont irrecevables, dès lors qu'ils n'ont pas été soulevés dans le délai d'appel. Toutefois, il ressort des termes de la requête enregistrée le 14 janvier 2020, soit dans le délai d'appel, que M. A..., outre les moyens se rattachant à la régularité du jugement attaqué, a soulevé des moyens relatifs à son bien-fondé en contestant la légalité externe et interne de l'arrêté prononçant son licenciement sans préavis ni indemnité. Par suite, l'exception d'irrecevabilité opposée par la ministre des armées doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments du requérant, ni de faire référence à l'ensemble des éléments versés au dossier, ont mentionné les textes applicables à la situation de l'intéressé puis ont indiqué les motifs pour lesquels, notamment, ils ont estimé que l'arrêté litigieux n'était pas entaché de vice de procédure, les faits reprochés à M. A... étaient matériellement exacts et la ministre des armées n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits en décidant de le licencier. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

5. En second lieu, hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1-2 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 : " Dans toutes les administrations de l'État et dans tous les établissements publics de l'État, il est institué, par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité compétente de l'établissement public, une ou plusieurs commissions consultatives paritaires (...) / Ces commissions sont obligatoirement consultées sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai au non-renouvellement du contrat des personnes investies d'un mandat syndical et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. (...) ". Selon l'article 15 de l'arrêté du 31 juillet 2014 relatif à la commission consultative paritaire du ministère de la défense des agents contractuels recrutés en application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : (...) / Un procès-verbal est établi après chaque séance. Il est signé par le président et contresigné par le secrétaire et le secrétaire adjoint. Ce procès-verbal est soumis à l'approbation des membres lors de la séance suivante ". L'article 17 de l'arrêté du 31 juillet 2014 dispose que : " La commission émet un avis à la majorité des membres présents (...) En cas de partage des voix, l'avis est réputé avoir été donné ou la proposition formulée ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la commission consultative paritaire s'est réunie en formation restreinte, le 8 janvier 2018, pour examiner la proposition de sanction à l'encontre de M. A..., et qu'à l'issue de cette réunion, au cours de laquelle l'intéressé a été entendu, ses membres ont adopté un avis partagé, la proposition recueillant deux voix pour et deux voix contre. M. A... fait valoir que le procès-verbal de cette réunion n'a pas été signé et transmis à la ministre avant que celle-ci ne prenne sa décision. Cependant, et alors que l'avis de la commission ne se confond pas avec le procès-verbal de la réunion de cette commission, aucune des dispositions précitées du décret du 17 janvier 1986 et de l'arrêté du 31 juillet 2014 n'imposaient une telle transmission préalable. La décision attaquée pouvait ainsi valablement être prise par la ministre au regard du sens de l'avis dont elle soutient, sans être contestée, qu'elle en a eu connaissance à l'issue de la réunion du 8 janvier 2018.

8. En second lieu, aux termes de l'article 43-2 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée (...) / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement (...) ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Pour infliger à M. A... la sanction litigieuse, la ministre des armées a retenu que celui-ci a manqué de manière grave et répétée à ses obligations contractuelles, entravé le bon fonctionnement du service malgré plusieurs rappels à l'ordre, fait preuve d'insubordination envers sa hiérarchie, entretenu des relations particulièrement conflictuelles avec la plupart de ses interlocuteurs, en particulier ses subordonnés, et, enfin, a pris des positions inadaptées, qui ont conduit à une perte de confiance définitive de sa hiérarchie et à une atteinte à la crédibilité de la mission dont il avait la charge.

11. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport circonstancié du 5 décembre 2017 rédigé par la directrice du patrimoine, de la mémoire et des archives (DPMA), à laquelle la MRAI était directement rattaché avant d'être intégrée à la sous-direction de l'immobilier et de l'environnement, et qui est étayé par de très nombreux échanges de courriels et autre documents auxquels le rapport renvoie, que M. A... a, à de nombreuses reprises, mis sa hiérarchie devant le fait accompli en ne la tenant pas informée de l'état d'avancement des négociations, en ne recueillant pas l'agrément du directeur de la DPMA comme cela doit en principe être le cas ou encore en engageant sa hiérarchie sans l'autorisation de celle-ci, parfois en adressant des correspondances ne relevant pas de ses attributions ni de son niveau hiérarchique ou de délégation de signature. Par ailleurs, M. A... s'est opposé au contrôle de son activité et aux évolutions de procédure, s'agissant notamment de la procédure du " mandatement " à laquelle il a été expressément mis fin par sa hiérarchie en 2017, ou encore des règles relatives aux déplacement. Il s'est montré réticent au travail transversal et aux échanges d'information avec les autres services au sein de la DPMA ou du ministère, ainsi qu'à l'utilisation et au respect des outils de travail et procédures mis en place pour faciliter le travail collaboratif avec ces autres services (tableaux de bord, bases de données...), rendant ainsi plus difficile le suivi des affaires immobilières par le ministère. A plusieurs reprises, il s'est opposé aux consignes et ordres de sa hiérarchie en considérant qu'elles n'étaient pas applicables à la MRAI en raison du positionnement particulier de celle-ci ou en en contestant le bien-fondé. Enfin, M. A... entretenait des relations conflictuelles avec plusieurs de ses collaborateurs, créant ainsi un climat de tension non seulement au sein de la MRAI, obligeant sa hiérarchie à intervenir pour gérer les conflits en résultant, mais également avec les autres services du ministère dont la SDIE, dont il contestait le rôle et les attributions, entretenant des relations tendues avec les sous-directeurs successifs, dont il déconsidérait ouvertement le travail et celui de leurs collaborateurs, ne respectant pas leurs attributions et leurs délégations de signature. Des tensions sont également apparues avec des interlocuteurs extérieurs, des autorités politiques locales, préfectorales ou militaires s'étant d'ailleurs plaintes de son comportement. En dépit de plusieurs rappels à l'ordre écrit ou verbaux, notamment lors de ses entretiens professionnels annuels, le comportement et les pratiques de M. A... sont demeurés inchangés. Ces faits, dont la matérialité est établie par les très nombreuses pièces du dossier, que les attestations produites par le requérant ne permettent pas de remettre en cause, sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à leur nombre, à leur gravité et à leur caractère répété, aux conséquences sur le bon fonctionnement du service, et aux répercussions qu'ils ont eu en dehors du poste, notamment en termes d'image, et compte tenu du niveau de responsabilité de M. A..., la sanction de licenciement sans préavis ni indemnité prononcée par la ministre de la défense n'est pas disproportionnée, en dépit des évaluations et des appréciations positives dont a bénéficié M. A... sur ses compétences professionnelles, qui ne sont nullement remises en cause, et de la circonstance qu'il n'avait jamais fait l'objet, avant l'édiction de l'arrêté contesté, d'une sanction disciplinaire.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'administration. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 février 2022.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00121
Date de la décision : 17/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-05 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Commissions administratives paritaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ANNOOT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-17;20pa00121 ?
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