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15/02/2022 | FRANCE | N°21PA04938

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 15 février 2022, 21PA04938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 13 février 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101398, 2101492 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté

les demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 13 février 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101398, 2101492 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté les demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2021, et un mémoire de communication de pièce, enregistré le 30 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Pommelet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101398, 2101492 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les arrêtés du 13 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement de son signalement dans le fichier SIS ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il établit son identité et sa minorité, en conséquence de quoi il ne pouvait faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire qui méconnait les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du risque de fuite ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- cette décision méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 33 de la Convention de Genève et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au sens de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à ses droits.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 28 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), déclare être né le 16 décembre 2004. Arrivé en France le 30 janvier 2021, il a immédiatement été placé en zone d'attente. Sa demande d'asile du 31 janvier 2021 a été rejetée le 2 février suivant. Le

12 février 2021, M. A... a refusé d'embarquer à bord d'un vol pour Minsk. Par deux arrêtés du 13 février 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et, d'autre part, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". Selon l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé ". L'article 47 du même code dispose par ailleurs que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ces dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'ordonnance de la cour d'appel de Paris du 6 août 2021 postérieure au jugement attaqué, que l'état de minorité du requérant à la date des décisions litigieuses ne peut être formellement exclu au vu des examens osseux pratiqués sur M. A..., dont l'" âge physiologique est compatible avec l'âge allégué de 16 ans et 1 mois et demi ". La cour d'appel de Paris a également considéré que, si les pièces d'état civil et d'identité présentées par le requérant, à savoir un acte de naissance et un jugement supplétif, ont fait l'objet d'un avis défavorable par le Bureau de la Fraude documentaire et à l'Identité, elles n'en ont pas moins été déclarées " conformes " en tous les points de contrôle, y compris le QR code apposé sur la copie intégrale de l'acte de naissance. La cour d'appel de Paris a ainsi estimé que les documents d'identité produits par M. A... faisaient foi car il n'est pas établi qu'ils seraient irréguliers, falsifiés ou que les faits déclarés ne correspondraient pas à la réalité. Par conséquent, le juge judiciaire, juge de l'état des personnes, a considéré que M. A... devait être regardé comme justifiant de son état de minorité et devait être pris en charge par les services d'Aide Sociale à l'Enfance jusqu'à sa majorité. Il résulte de ces éléments que l'état de minorité dont se prévalait M. A... à la date de l'arrêté contesté n'a ainsi pas été remis en cause par des éléments suffisamment probants apportés par le préfet. Dans ces conditions, le doute devant en outre profiter à la personne se déclarant mineure, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli à l'encontre de la mesure d'éloignement dont le requérant a fait l'objet. Par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de destination, refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour du territoire français pendant une durée d'un an sont également entachées d'illégalité.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que le jugement du tribunal administratif de Melun du 11 mars 2021 et les arrêtés du 13 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que le préfet territorialement compétent procède au réexamen de la situation de M. A..., actuellement domicilié en Seine-et-Marne, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et qu'il le munisse, dans l'attente d'une nouvelle décision, d'une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu par ailleurs d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. A... dans le système d'information Schengen. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990, à verser à Me Pommelet, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101398, 2101492 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Melun et les arrêtés du 13 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente d'une nouvelle décision, d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. A... dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Pommelet, conseil de M. A..., la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.

La rapporteure,

M-D B...

Le président,

I. LUBENLe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04938
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : MBONGUE MBAPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-15;21pa04938 ?
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