Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par une ordonnance n° 2102246 du 30 avril 2021, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 juin 2021, M. A..., représenté par Me Mama, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travailler, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de titre a été transmise en préfecture de Bobigny, de sorte que la sous-préfecture du Raincy aurait dû pouvoir répondre au courrier de demande de motifs de la décision implicite de rejet du 12 janvier 2021 ; sa requête est recevable ;
- la décision implicite de rejet méconnaît l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., ressortissant malien né le 6 avril 1985, relève appel de l'ordonnance du 30 avril 2021 par laquelle le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant./ Le préfet peut également prescrire : / 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; / 2° Que les demandes de cartes de séjour prévues aux articles L. 313-7 et L. 313-27 soient déposées auprès des établissements d'enseignement ayant souscrit à cet effet une convention avec l'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 311-12 du même code : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 de ce code : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de carte de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions est applicable, que les intéressés se présentent physiquement à la préfecture. A défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. " L'article L. 114-2 de ce code dispose que : " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé. " L'article L. 114-3 de ce code précise que : " Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'administration initialement saisie. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 9 janvier 2020, le sous-préfet du Raincy a informé M. D... la transmission de la demande de titre de séjour, déposée au nom de M. A..., à la direction de l'immigration et de l'intégration de la préfecture de Bobigny, sans toutefois lui transmettre d'accusé de réception. Ainsi, conformément aux articles L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précités, une décision implicite de rejet est née. Ensuite, par un courrier du 12 janvier 2021, reçu en sous-préfecture du Raincy le 14 janvier 2021, M. A... a demandé la communication des motifs de la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour. Il n'est pas contesté qu'aucune suite n'a été donnée à la demande de M. A..., notamment dans le délai d'un mois prévu à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration précité. Par suite, la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis est entachée d'un défaut de motivation.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste, au motif qu'aucune décision implicite de refus n'était susceptible de naître. L'ordonnance n° 2102246 du 30 avril 2021, ainsi que la décision implicite de rejet du préfet de la Seine-Saint-Denis doivent, par suite, être annulées.
Sur l'injonction :
8. L'annulation de la décision implicite de rejet du préfet de la Seine-Saint-Denis implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, au réexamen de la demande de M. A.... Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2102246 du 30 avril 2021 du président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil, ainsi que la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.
Le président-rapporteur,
I. B...L'assesseure la plus ancienne,
M. C...
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA03393