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04/02/2022 | FRANCE | N°21PA01999

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 04 février 2022, 21PA01999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son neveu A..., dont l'autorité parentale lui a été transféré par kafala.

Par un jugement n° 2007173/6-2 du 1er décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 avril 2021 et le 28 décembre 2021,



M. B..., représenté par Me Galindo Soto, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007173...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son neveu A..., dont l'autorité parentale lui a été transféré par kafala.

Par un jugement n° 2007173/6-2 du 1er décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 avril 2021 et le 28 décembre 2021,

M. B..., représenté par Me Galindo Soto, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007173/6-2 du 1er décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 7 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. A... B... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à Me Galindo Soto, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- son appel est recevable ;

- le préfet n'est pas recevable à soulever la tardiveté de sa demande pour la première fois en appel ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant A... qui doit vivre auprès de son tuteur désigné par kafala, qui souffre d'une pathologie nécessitant des soins non disponibles en Algérie et poursuit sa scolarité en France ;

- il justifie de ressources suffisantes et stables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris était tardive ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 22 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien auquel a été transféré l'autorité parentale sur le jeune A... B..., son neveu également de nationalité algérienne né en 2003, par kafala du 14 mai 2017, a demandé au profit de celui-ci le bénéfice du regroupement familial. Par un arrêté du 7 octobre 2019 le préfet de police a rejeté cette demande. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ". L'article L. 411-3 du même code dispose que : " Les articles L. 112-3 et L. 112-6 relatifs à la délivrance des accusés de réception sont applicables au recours administratif adressé à une administration par le destinataire d'une décision ". L'article R. 112-5 du même code précise que cet accusé de réception mentionne : " la date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une réponse expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; (...) Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) ". Enfin l'article L. 112-6 de ce code dispose que : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation ".

3. Si la décision du 7 octobre 2019 attaquée doit être regardée comme ayant été notifiée, avec la mention des voies et délais de recours applicables, au plus tard le 5 décembre 2019, date à laquelle a été reçu le recours gracieux formé par M. B... contre celle-ci, et si par ailleurs

M. B... n'avait pas formé de demande d'aide juridictionnelle en première instance, il ressort toutefois des pièces du dossier que le recours gracieux ainsi formé par M. B... n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception comportant les indications exigées par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, en l'absence de délai de recours opposable, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris était tardive.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. ". L'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : / - en zones A bis et A : 22 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes (...) / 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent (...) " et son article R. 421-4 que " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens. "

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

6. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où est demandé, sur le fondement des stipulations précédemment citées de l'accord franco-algérien, le regroupement familial en vue de permettre à un enfant de rejoindre en France un ressortissant algérien qui en a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, eu égard aux stipulations de l'accord franco-algérien, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait de demeurer en Algérie auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur les motifs énumérés à l'article 4 de l'accord franco-algérien, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

7. Il n'est plus contesté en appel que le logement dont dispose M. B..., d'une superficie de 36 mètres carrés, satisfait à l'ensemble des conditions posées par les dispositions précitées de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'accueil du jeune A.... Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la moyenne des ressources de M. B... sur la période de douze mois précédant la décision attaquée, si elle est un peu inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance, présente une stabilité réelle et était en nette progression sur la fin de la période. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police n'a invoqué aucun autre élément qui serait contraire à l'intérêt du jeune A..., dont il n'est pas contesté qu'il reçoit des soins ophtalmologiques et poursuit des études en France, M. B... est donc fondé à soutenir que la décision de rejet de sa demande de regroupement familial méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. S'il appartient au juge, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision, il en va différemment lorsqu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'un élément de cette situation est apprécié à une date déterminée. A cet égard, dès lors qu'aux termes de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article R. 434-3 : "L'âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ", il est sans incidence sur le droit au regroupement familial qu'à la date du présent arrêt le jeune A... B... ait atteint l'âge de dix-huit ans.

9. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments relatifs aux ressources du requérant à la date du présent arrêt justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... une autorisation de regroupement familial au bénéfice de M. A... B.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. B... une autorisation de regroupement familial pour l'enfant A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ". M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Galindo Soto renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007173/6-2 du 1er décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 7 octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... B... une autorisation de regroupement familial au bénéfice de l'enfant A... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Galindo Soto la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Galindo Soto, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01999
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-02 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour. - Octroi du titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : GALINDO SOTO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-04;21pa01999 ?
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