Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, mis à la charge de la SARL B... au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 et des exercices clos en 2007 et 2008, et au paiement desquels il a été solidairement tenu.
Par un jugement n° 1606896/1-2 du 19 septembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17PA03574 du 6 février 2019 la Cour, après avoir prononcé le non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance concernant le supplément de cotisations d'impôt sur les sociétés, a rejeté en son article 2 le surplus des conclusions de M. A....
Par une décision n° 429647 du 24 février 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., a annulé l'article 2 de l'arrêt du 6 février 2019 de la Cour et lui a renvoyé l'affaire, dans cette mesure.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017, et des mémoires enregistrés le 18 janvier 2019, le 23 septembre 2021 et le 8 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Le Corre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1606896/1-2 du 19 septembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements d'impôt sur les sociétés, assortis de pénalités, restant à la charge de la SARL B... au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 et des exercices clos en 2007 et 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la procédure d'imposition est irrégulière, la proposition de rectification n'ayant pas été valablement notifiée à la SARL B... ;
- la proposition de rectification est irrégulière faute de signature de l'inspecteur des impôts ;
- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales lors de la vérification de comptabilité de la SARL B... du fait de l'absence de délai raisonnable entre l'envoi de l'avis de vérification et le début du contrôle ; ce faisant, elle a également méconnu la doctrine administrative publiée le 1er juillet 2002 sous les références 13L-1311 n° 34 ;
- les impositions laissées à sa charge ne sont pas fondées dès lors que la somme facturée par la SARL B..., d'un montant de 436 226,28 euros, correspondait à une fraction du prêt accordé à la SCI Le Clos de Montloué à la fois pour l'acquisition de l'ensemble immobilier de Montloué et pour les travaux devant y être réalisés, et qu'elle revêt ainsi une " nature financière " faisant obstacle à ce qu'elle soit regardée comme un produit imposable au titre de l'année 2007 comme des années suivantes ;
- un permis de construire a été délivré le 21 août 2006 à la SCI Le Clos de Montloué mais il s'est périmé faute de démarrage des travaux dans un délai de deux ans, et a fait l'objet d'une annulation par arrêté du 20 novembre 2012 ;
- le projet de construction a été abandonné le 25 novembre 2008 ;
- le montant correspondant à 10 % du montant hors taxes de l'acompte versé, conservé par la SARL B... pour les frais occasionnés, n'a pas à être frappé de taxe sur la valeur ajoutée en l'absence de lien direct ;
- la somme de 1 600 euros ne peut faire l'objet d'un rappel de taxe ni de rehaussements d'impôt sur les sociétés dès lors qu'elle est constituée de crédits bancaires antérieurs à la période vérifiée ;
- la somme de 57 665 euros correspondant aux débits du compte caisse pour l'année 2007 ne peut être incluse dans la base des rappels de TVA et des rehaussements d'impôt sur les sociétés dès lors que le détail de ces débits ne figure pas dans les annexes à la proposition de rectification.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 mai 2018, le 8 juillet 2021 et le 6 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) B..., qui exerce une activité de dépannage, plomberie, chauffage, électricité, serrurerie et peinture, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2007 et 2008, période étendue au
30 juin 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A la suite de ce contrôle, la société a été assujettie, selon la procédure de taxation d'office, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008. Par un jugement du
5 septembre 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a prononcé la solidarité de M. C... A..., gérant de la SARL B..., au paiement des impositions et pénalités litigieuses. Par un jugement du 19 septembre 2017 le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge de la somme de 283 920 euros à laquelle la SARL B... a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 et au titre des exercices clos en 2007 et 2008. Par un arrêt du 6 février 2019 la Cour, après avoir prononcé le non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance concernant le supplément de cotisations d'impôt sur les sociétés, a rejeté en son article 2 le surplus des conclusions de M. A.... Par une décision n° 429647 du 24 février 2021 le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur un pourvoi de M. A..., a annulé l'article 2 de cet arrêt et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, il est constant que la SARL B... n'a pas déposé dans les délais légaux les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés auxquelles elle était soumise, et n'a pas procédé à cette déclaration dans les trente jours de la notification de la mise en demeure qui lui a été adressée sur ce point. Dès lors, l'administration fiscale étant de ce seul fait en mesure de déterminer que la SARL se trouvait en situation de taxation d'office, les éventuelles irrégularités, à les supposer établies, entachant la vérification de comptabilité de la SARL B... sont en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, quand bien même cette situation de taxation d'office est née postérieurement au commencement des opérations de vérification de comptabilité. La requérante ne peut dès lors pas utilement soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales lors de la vérification de comptabilité de la SARL B... du fait de l'absence de délai raisonnable entre l'envoi de l'avis de vérification et le début du contrôle.
3. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 29 janvier 2010, dont M. A... s'est vu notifier une copie le 22 février 2010, a été régulièrement signée par l'inspecteur des impôts. La circonstance que la copie transmise au défenseur de M. A... ne comporte pas la reproduction de cette signature est sans incidence.
4. En troisième lieu, il résulte également de l'instruction que la proposition de rectification du 29 janvier 2010, qui porte à la connaissance de la SARL B..., en situation de taxation d'office, les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination, est suffisamment motivée, au regard des exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, quand bien même elle ne comporte que le montant total, mais pas la liste détaillée, des débits du compte de caisse qui ont été retenus dans la base d'imposition rectifiée.
5. En quatrième lieu, dès lors que le pli contenant la proposition de rectification notifiée à la SARL B... a été retourné " non réclamé " à l'administration fiscale avec la mention de sa date de vaine présentation, le volet " avis de réception " comportant la date de présentation du pli et l'enveloppe portant la mention " absent 11h15 ", ces indications sont suffisamment claires et concordantes, même si n'y figure pas la mention du bureau de poste où retirer le pli mis en instance ni la date où le destinataire est " avisé ", qui est identique à celle de présentation, pour établir la notification régulière de cette proposition de rectification à la SARL B....
6. Enfin, si M. A... soutient que la somme totale de 1 600 euros, correspondant à deux crédits bancaires, ne pouvait faire l'objet d'un rappel de taxe ni de rehaussements d'impôt sur les sociétés dès lors que ces crédits bancaires sont antérieurs à la période vérifiée, le moyen est en tout état de cause inopérant dès lors que la SARL B... se trouvant en situation de taxation d'office, elle ne peut revendiquer le bénéfice de la garantie, offerte au contribuable par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, de pouvoir préparer sa défense sur une période préalablement déterminée.
Sur le bien fondé des impositions :
7. D'une part, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". En application de ces dispositions, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à M. A....
8. D'autre part, aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services (...) lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur autorisation du directeur des services fiscaux, d'après les débits (...) ". Il résulte de ces dispositions, à la lumière de l'interprétation de l'article 65 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dont elles assurent la transposition, retenue par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans ses arrêts Firin OOD du 13 mars 2014 (aff. C-107/13) et Kollross et Wirtl du 31 mai 2018 (aff. C-660/16 et C-661/16), que, si le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée et son exigibilité interviennent en principe au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée, la taxe devient toutefois exigible dès l'encaissement, à concurrence du montant encaissé, lorsque des acomptes sont versés avant que la prestation de services ne soit effectuée. Pour que la taxe sur la valeur ajoutée soit exigible sans que la prestation ait encore été effectuée, il faut, d'une part, que tous les éléments pertinents du fait générateur, c'est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l'acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision et, d'autre part, que la réalisation de la prestation ne soit pas incertaine.
9. La SARL B..., a facturé le 18 juillet 2007 à la SCI Le Clos de Montloué, dont
M. B... était associé, une somme de 460 218,73 euros TTC, soit 436 226,38 euros HT compte tenu de la facturation d'une taxe sur la valeur ajoutée à 5,5 % d'un montant de 23 992,45 euros, pour l'exécution de travaux consistant en la réalisation de quinze appartements dans un ensemble immobilier appartenant à cette SCI. La somme de 436 226,28 euros a été créditée sur le compte bancaire de la SARL B... le 20 août 2007. L'administration fiscale a considéré que cette somme était imposable à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2007 et que la taxe était due au taux de 19,6 % et non au taux de 5,5 % eu égard à la nature des travaux projetés, et a en conséquence mis à la charge de la SARL des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
10. Il résulte du dernier état de l'instruction, et notamment des éléments produits par
M. A... après la décision du Conseil d'Etat du 24 février 2021, qu'à la date d'encaissement de cet acompte le 20 août 2007 la SCI Le Clos de Montloué était bénéficiaire, pour la réalisation des travaux objets de la facture du 18 juillet 2007, qui étaient désignés avec suffisamment de précision, d'un permis de construire en cours de validité, délivré le 21 août 2006. Si des difficultés étant ensuite apparues quant à la viabilité du projet, la SCI a déposé une demande de permis modificatif le 1er septembre 2008, lequel lui a été refusé le 29 septembre suivant, et si le projet a été abandonné et le permis de construire finalement déclaré caduc, faute de commencement des travaux, par un arrêté du 20 novembre 2012, ces circonstances, comme celle que la SARL a émis une facture d'avoir le 25 novembre 2008 suite à cet abandon du projet, sont sans incidence sur l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cet acompte, laquelle s'apprécie à la seule date de son encaissement. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à cet acompte qui ont été laissés à la charge de la SARL B....
11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD)
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01050