Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2107379/6-3 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Schwartz, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107379/6-3 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 26 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il s'est estimé en situation de compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire français ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elles se fondent.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 30 septembre 2021.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les observations de Me Schwarz, avocat, pour M. A....
Une note en délibéré a été présentée le 13 janvier 2022 pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en septembre 1975, est entré en France le 11 août 2010 sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 26 octobre 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes du jugement attaqué, ainsi que le soutient M. A..., que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet de police se serait estimé tenu de l'obliger à quitter le territoire compte tenu de la décision rejetant sa demande de titre de séjour, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette omission à statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant a entaché d'irrégularité le jugement du tribunal administratif de Paris.
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne les décisions contestées prises dans leur ensemble :
4. En premier lieu, par arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme E... D..., cheffe du 9ème bureau, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
5. En second lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien ainsi que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise notamment que M. A... n'a pas pu attester de manière probante de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il expose également des éléments suffisants sur sa situation personnelle, professionnelle et familiale en relevant qu'il est célibataire et sans enfant. Enfin, il indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les décisions contestées comportent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Elles sont donc suffisamment motivées. Cette motivation révèle en outre que le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour obliger M. A... à quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche de salle produite par le préfet de police, que M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien et, subsidiairement, sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie privée et familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit de ce certificat. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. En relevant notamment que M. A... était célibataire et sans charge de famille en France, que la présence de deux sœurs sur le territoire national ne lui conférait aucun droit au séjour, qu'il n'était pas démuni d'attaches familiales à l'étranger et qu'il n'était pas portée une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, le préfet de police doit être regardé comme s'étant prononcé sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour du requérant. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de sa demande.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", est délivré de plein droit : / au ressortissant algérien qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
10. M. A... fait valoir qu'il est entré régulièrement le 11 août 2010 en France et qu'il y réside depuis de manière continue. Pour en justifier, il produit, pour l'essentiel, des attestations de l'association " Atouts cours " au sein de laquelle il a suivi des cours de français puis s'est investi en tant que bénévole, des pièces médicales, puis, à compter de 2013, des courriers attestant du rechargement de son Pass Navigo et des avis d'impôts ne faisant état d'aucun revenu. Ainsi, eu égard à la faible valeur probante et à l'insuffisante variété de ces documents, l'intéressé ne justifie pas d'une résidence effective en France au cours de la période considérée, en particulier pour les années 2010 à 2012. Dans ces conditions, en rejetant la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A... au motif qu'il ne justifiait pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. M. A... fait valoir qu'il n'a plus de liens avec son pays d'origine qu'il a quitté depuis plus d'une décennie alors qu'il compte des membres de sa famille en France, notamment une sœur de nationalité française qui l'héberge et ses neveux dont il s'occupe. Il se prévaut également de ses efforts d'intégration notamment par l'apprentissage assidu du français et du bénévolat au sein de l'association " Atout Cours ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne justifie pas de l'ancienneté de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, il est constant que l'intéressé est célibataire et sans enfant et que sa mère réside encore en Algérie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 35 ans. Enfin, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle en se bornant à produire quelques bulletins de paie de faibles montants au titre d'un emploi familial. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.
14. En second lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2107379/6-3 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, premier vice-président,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05810 2