Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Phénix Groupe et la société par actions simplifiée (SAS) Phénix Digital ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel la maire de Paris a mis la SAS Phénix Groupe en demeure, sous astreinte, de déposer sous cinq jours l'écran numérique placé derrière la vitrine de la cordonnerie-serrurerie ASD au 10, rue de Tolbiac, dans le 13ème arrondissement de Paris.
Par un jugement n° 2017080/4-3 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2021, la Ville de Paris, représentée par la
SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2017080/4-3 du tribunal administratif de Paris en date du 19 mars 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par les sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article L. 581-2 du code de l'environnement n'interdit pas de réglementer les enseignes et publicités implantées à l'intérieur des locaux, notamment celles situées derrière une vitrine ;
- le dispositif en cause constitue à la fois une enseigne et une publicité au sens de l'article L. 581-3 du code de l'environnement ;
- il se trouve dans un local utilisé principalement comme support de publicité au sens de cet article ;
- le jugement n'est pas suffisamment motivé, s'agissant de l'invocation du caractère interprétatif du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;
- le règlement local de publicité pouvait prévoir des règles plus restrictives que la réglementation nationale ;
- la publicité numérique porte gravement atteinte au cadre de vie.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2021, les sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital, représentées par Me Tabouis, demandent à la Cour de rejeter la requête de la Ville de Paris et de mettre à sa charge une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
- le règlement local de la publicité, des enseignes et préenseignes de la Ville de Paris arrêté le 7 juillet 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré, rapporteur,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Froger, pour la Ville de Paris et de Me Carlier, pour les sociétés Phénix Group et Phénix Digital.
Considérant ce qui suit :
1. La société Phénix Digital, filiale de la société Phénix Groupe, a implanté derrière la vitrine de la cordonnerie-serrurerie ASD, au 10 rue de Tolbiac, dans le 13ème arrondissement de Paris, un écran numérique visible depuis l'extérieur, diffusant des images assurant la promotion de cette enseigne et d'autres marques. Estimant que cette installation méconnaissait les dispositions du b) de l'article E.2.2.1.1, de l'article E.2.1.6 et de l'article P.4.1.1 de l'arrêté du 7 juillet 2011 portant règlement local de publicité, des enseignes et des préenseignes, la maire de Paris a, par un arrêté du 30 septembre 2020, mis en demeure la société Phénix Groupe de déposer cet écran sous 5 jours, sous astreinte de 212,82 euros par jour de retard et par objet maintenu. La ville de Paris fait appel du jugement du 19 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris, à la demande des sociétés Phénix Digital et Phénix Groupe, a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, les premiers juges ont suffisamment motivé le jugement attaqué, compte tenu de l'argumentation en défense qui leur était présentée, en exposant aux points 6 et 7 les motifs pour lesquels ils estimaient que les dispositions de l'article L. 581-2 du code de l'environnement ne permettaient pas d'interdire le dispositif en cause. En invitant les premiers juges à interpréter ces dispositions à la lumière du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, la Ville de Paris n'a pas opposé un moyen de défense, mais a seulement contesté le bien fondé des conclusions des sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital. Les premiers juges n'étaient ainsi pas tenus de se prononcer explicitement sur cet argument. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 581-1 du code de l'environnement : " Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu'en soit la nature, par le moyen de la publicité, d'enseignes et de préenseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 581-2 de ce code : " Afin d'assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique, au sens précisé par décret en Conseil d'État. Ses dispositions ne s'appliquent pas à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes situées à l'intérieur d'un local, sauf si l'utilisation de celui-ci est principalement celle d'un support de publicité ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 581-14 du même code : " (...) le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national (...) ". Aux termes du b) de l'article E2.2.1.1 de l'arrêté municipal du 7 juillet 2011 portant règlement local de la publicité, des enseignes et des pré-enseignes de la Ville de Paris : " Les enseignes parallèles sont interdites, quel que soit le procédé utilisé : (...) b) sur, devant ou immédiatement derrière une baie, sauf si la configuration des lieux ne permet pas de les poser sur des éléments externes à la devanture (...) ". Aux termes de l'article E2.1.6 du même arrêté : " Les enseignes à écran sont interdites en façade ". Aux termes de l'article P4.1.1 du même arrêté : " La publicité lumineuse, notamment les écrans, est interdite à l'exception des dispositifs publicitaires installés sur les toitures-terrasses (...) ".
6. Il ressort des dispositions précitées de l'article L. 581-2 du code de l'environnement que les publicités et enseignes situées à l'intérieur d'un local n'entrent pas dans le champ d'application du chapitre 2 du livre V du même code visant à assurer la protection du cadre de vie, sauf dans l'hypothèse où le local est utilisé principalement comme un support de publicité. Par suite, alors que les dispositions précitées de l'article L. 581-14 ne permettent pas à l'autorité de police d'étendre ce champ d'application, et ce quelles que soient les atteintes portées au cadre de vie et à l'environnement par ces dispositifs, le règlement local de la publicité, des enseignes et préenseignes de la Ville de Paris ne peut interdire les écrans numériques à usage d'enseigne ou de publicité installés derrière une vitrine. La ville de Paris ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 581-14-4 du code de l'environnement entrées en vigueur postérieurement à la décision en cause.
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une photographie des locaux produites par les sociétés Phénix Group et Phénix Digital, que l'écran numérique en cause est installé derrière une baie vitrée, à l'intérieur de la cordonnerie-serrurerie ASD, située au 10, rue de Tolbiac dans le 13ème arrondissement de Paris. Il en ressort également que le reste du local est dédié à l'activité de cordonnerie-serrurerie. Dès lors, ce local n'est donc pas utilisé principalement comme support de publicité, peu important à cet égard que le reste de la baie vitrée où l'écran est installé soit couvert d'une vitrophanie opaque, qu'il s'agisse d'un écran lumineux et animé et qu'il fasse non seulement office d'enseigne mais également de publicité. Dans ces conditions, l'écran en cause n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L.581-2 précité du code de l'environnement. Il s'ensuit que la maire de Paris ne pouvait légalement, sur le fondement de la législation relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, mettre la société Phénix Groupe en demeure de le déposer.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la Ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 septembre 2020.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme réclamée par la Ville de Paris au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme 1 500 euros à verser aux sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital, en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La Ville de Paris versera aux sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et aux sociétés Phénix Groupe et Phénix Digital.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02733 2