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03/02/2022 | FRANCE | N°21PA00043

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 février 2022, 21PA00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Quengape a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 août 2019 par lequel le maire de la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne) a délivré à la société civile de construction-vente Villa des Arts un permis de construire un ensemble immobilier composé de 59 logements, de bureaux et de commerces sur un terrain situé 58 rue de Condé.

Par un jugement n° 1909354 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2021 et un mémoire enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Quengape a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 août 2019 par lequel le maire de la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne) a délivré à la société civile de construction-vente Villa des Arts un permis de construire un ensemble immobilier composé de 59 logements, de bureaux et de commerces sur un terrain situé 58 rue de Condé.

Par un jugement n° 1909354 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 15 octobre 2021 la société civile immobilière Quengape, représentée par Me Favier (Graphène Avocats AARPI), demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909354 du 4 novembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 août 2019 par lequel le maire de la Ferté-sous-Jouarre a délivré à la société civile de construction-vente Villa des Arts un permis de construire un ensemble immobilier composé de 59 logements, de bureaux et de commerces sur un terrain situé 58 rue de Condé ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la Ferté-sous-Jouarre le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux est irrégulier eu égard à l'incomplétude du dossier de permis de construire, au regard des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté litigieux méconnait l'article UAb 8 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la distance minimale entre les constructions d'une même unité foncière ;

- il méconnait également l'article UAb 13 du même règlement, relatif à la plantation d'arbres de haute tige à proximité des aires de stationnement ;

- il méconnait en outre l'article UAb 15 du même règlement, relatif à l'obligation de végétalisation des toitures ;

- l'arrêté litigieux méconnait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, prohibant l'atteinte à l'intérêt et au caractère des lieux avoisinants ;

- il méconnait par ailleurs l'article L. 152-1 du même code, en tant qu'il est incompatible avec les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme, qui visent à développer dans la rue de Condé un programme mixte comprenant de l'habitat intermédiaire constitué de maisons de ville et/ou de petits collectifs.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er avril 2021 et 28 octobre 2021, la commune de la Ferté-sous-Jouarre, représentée par Me Gerphagnon conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société civile immobilière requérante le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 août 2019, le maire de la commune de la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne) a délivré à la société civile de construction-vente Villa des Arts un permis de construire un ensemble de bâtiments abritant quatre immeubles collectifs de 59 logements au total, de bureaux et de surfaces commerciales sur un terrain d'assiette situé 58 rue de Condé. Par un arrêté du 31 janvier 2020, le maire de la Ferté-sous-Jouarre a délivré à la SCCV Villa des Arts un permis de construire modificatif portant sur le bâtiment B et les plantations prévues. La société civile immobilière Quengape ayant demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 20 août 2019 accordant le permis de construire initial, ce tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 4 novembre 2020 dont elle relève appel devant la Cour.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme :

2. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords ". Aux termes de l'article R. 431-7 de ce code : " Sont joints à la demande de permis de construire : / (...) / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12 ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / (...) ". La circonstance tirée de ce que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

3. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, dont l'appréciation n'est pas susceptible d'être remise en cause sur ce point par les quelques photographies peu précises des lieux produites en appel par la société civile immobilière Quengape, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet considéré n'était précédemment couvert que par une végétation sauvage de faible hauteur et ne comportant aucune plantation arboricole qui puisse être regardée comme constituant des " plantations maintenues " au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme. Dès lors, en l'absence de plantations préexistantes, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le plan de masse joint à la demande de permis de construire entacherait la régularité de la composition du dossier afférent de demande en tant qu'il ne comporte pas la mention de la végétation existante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère incomplet et insuffisant du dossier de permis de construire doit être écarté

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAb 8 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la distance minimale entre les constructions non contigües d'une même unité foncière :

4. Aux termes de l'article UAb 8-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de la Ferté-sous-Jouarre : " Lorsque plusieurs constructions implantées sur la même unité foncière ne sont pas contiguës, la distance minimale entre chaque construction doit être égale - au minimum à 4 mètres si les façades ou parties de façades des constructions en vis-à-vis ne comportent pas d'ouverture créant des vues. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en secteur UAb, les constructions sur une même parcelle ne sont autorisées que si elles sont contiguës ou, dans le cas contraire, si elles respectent des distances de séparation.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire accordé par l'arrêté attaqué prévoit que les deux parties du bâtiment A, qui ont un sous-sol commun, sont en partie mitoyennes au niveau du rez-de-chaussée et sont reliées jusqu'au dernier niveau du bâtiment, soit le niveau R+2, par une terrasse ou des loggias. Contrairement à ce que soutient la société requérante qui n'apporte pas sur ce point en appel d'éléments nouveaux susceptibles de permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par les premiers juges, les deux parties du bâtiment A ont ainsi le caractère de constructions contiguës auxquelles les dispositions précitées de l'article UAb 8-1 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont pas applicables.

6. D'autre part, si la société civile immobilière Quengape soutient que les deux parties du bâtiment B ne constituaient pas, dans le projet autorisé par le permis de construire initial, des constructions contigües et que la distance minimale de 4 mètres n'était pas respectée, il ressort clairement du permis de construire modificatif accordé par le maire de la Ferté-sous-Jouarre le 31 janvier 2020, comme l'ont relevé les premiers juges et alors que la requérante traite ce point par prétérition dans ses écritures d'appel, que le projet a été modifié et que les deux parties du bâtiment B sont désormais mitoyennes au niveau du rez-de-chaussée et du premier étage du bâtiment et sont ainsi contigües.

7. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAb 8-1 doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAb 13 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la suffisance de la plantation d'arbres de haute tige à proximité des aires de stationnement :

8. La société civile immobilière Quengape n'apporte au soutien de ce moyen aucun élément ou argument nouveau susceptible de permettre à la Cour de censurer l'appréciation portée par le tribunal administratif sur son bien-fondé. Il y a donc lieu, par adoption des motifs adoptés à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAb 15 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'obligation de végétalisation des toitures :

9. Aux termes de l'article UAb 15 du règlement du plan local d'urbanisme relatif aux obligations imposées aux constructions, travaux, installations et aménagements en matière de performances énergétiques et environnementales : " Au-dessus des socles commerciaux, les toitures devront être végétalisées. (...) ". En l'absence de toute précision apportée par ailleurs dans le plan local d'urbanisme, ces dispositions ne peuvent qu'être interprétées strictement et, dès lors, ne trouvent à s'appliquer qu'aux toitures coiffant directement un commerce et non à l'ensemble des bâtiments comportant un commerce au rez-de-chaussée, comme cela est le cas des bâtiments dont la construction a été autorisée par le permis de construire litigieux. Il s'ensuit que la société civile immobilière Quengape n'est pas fondée à soutenir que, les bâtiments A, B et D du projet comportant des commerces en rez-de-chaussée, leur toiture devait être végétalisée. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAb 15 doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

11. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, et sans que les éléments présentés par les requérants en appel ne permettent à la Cour de remettre en cause l'appréciation qu'ils ont portée sur ce point, il ressort d'abord du préambule du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la zone UAb que la parcelle servant d'assiette au projet a été identifiée avec les parcelles adjacentes comme une zone mixte destinée à accueillir une densification urbaine maîtrisée. Ensuite, les documents d'insertion joints au dossier de demande de permis de construire et des photographies produites par la commune révèlent que l'environnement du projet est constitué de bâtiments collectifs présentant des styles architecturaux et gabarits divers de sorte que le secteur d'implantation du projet ne saurait être regardé comme présentant un caractère ou un intérêt particulier. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la hauteur du projet n'excède pas sensiblement celle des immeubles situés sur les parcelles contiguës, que le traitement architectural propose depuis la rue de Condé un front bâti aéré via la conception d'un porche métallique reliant les deux bâtiments, que le pétitionnaire a recherché, dans le choix notamment des tuiles, lucarnes et enduits à limiter son impact sur le voisinage et à lui conférer un traitement architectural de qualité, inspiré du bâti avoisinant. Ainsi, et alors même que le projet présente une volumétrie plus importante que les constructions voisines, le projet ne saurait être regardé comme portant atteinte à l'intérêt ou au caractère des lieux avoisinants. Il s'ensuit que la société civile immobilière Quengape n'est pas fondée à soutenir que l'autorisation litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme :

12. Aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ".

13. La société civile immobilière Quengape soutient que le projet méconnaît l'orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme de la commune qui prévoit la constitution d'un quartier mixte de logements et d'activité par petites opérations bien intégrées permettant notamment la rénovation et la requalification des secteurs dégradés et un renouvellement urbain bien intégré et, s'agissant plus précisément de la rue de Condé, le développement d'une nouvelle offre de logements proche du cœur de ville contribuant à la dynamisation de la rue en particulier le développement d'un programme mixte comprenant de l'habitat intermédiaire dans une zone incluant la parcelle de la société civile de construction-vente Villa des Arts.

14. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit des constructions mixtes de logements, de bureaux et de surfaces commerciales et comporte 59 logements répartis sur les quatre bâtiments, répondant ainsi à l'objectif de développement d'un programme mixte contribuant à la dynamisation du secteur. Contrairement à ce que soutient la SCI Quengape, le nombre de logements prévus n'est pas incompatible avec l'orientation qui prévoit le développement d'un habitat intermédiaire composé de maisons individuelles et de petits collectifs. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur " Rue de Condé " doit être écarté.

Sur les frais du litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société civile immobilière Quengape, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à la commune de la Ferté-sous-Jouarre d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Quengape est rejetée.

Article 2 : La société civile immobilière Quengape versera à la commune de la Ferté-sous-Jouarre une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Quengape, à la commune de la Ferté-sous-Jouarre et à la société civile de construction-vente Villa des Arts.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, premier vice-président,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00043
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : AARPI GRAPHENE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-03;21pa00043 ?
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