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31/01/2022 | FRANCE | N°21PA01884

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 janvier 2022, 21PA01884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2100171 du 23 mars 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa

demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2100171 du 23 mars 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril et 21 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Fouache, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100171 du 23 mars 2021 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions :

- l'arrêté contesté a été signé par une personne incompétente ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision contestée est entachée d'un défaut de base légale en ce qu'elle ne vise pas le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'est pas motivée sur ce point, alors qu'il est parent d'un enfant français ;

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à la durée de son séjour en France et à l'intensité de ses liens familiaux ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 30 avril 1990, est entré en France le 24 août 2011 selon ses déclarations. Par un arrêté du 5 janvier 2021, le préfet de la

Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission au système d'information Schengen. Par un jugement du 23 mars 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que le 10 août 2017, M. C... et Mme A..., sa compagne au moment des faits, de nationalité française, ont établi à la mairie de Saint-Ouen un acte de reconnaissance prénatale de l'enfant à naître de Mme C. Le 23 octobre 2017, Mme A... et M. D ont reconnu à La Rochelle cet enfant qui est né le 26 mars 2018. Le 19 juin 2018, M. C... a contesté cette reconnaissance de paternité devant le Tribunal de grand instance de la Rochelle. Celui-ci a ordonné une expertise génétique à laquelle se sont soustraits Mme A... et M. D. Par un jugement du 5 octobre 2021, le Tribunal judiciaire de la Rochelle a déclaré nulle la reconnaissance en paternité du 23 octobre 2017, établi la filiation paternelle de l'enfant à l'égard de M. C..., décidé que l'enfant portera le nom patronymique de C... et que l'autorité parentale s'exercera en commun entre M. C... et Mme C. Du fait de l'attitude de Mme C., M. C... a été empêché de subvenir aux besoins de son fils mais a néanmoins pu le rencontrer à quelques reprises depuis sa naissance. Dans ces conditions, en obligeant M. C... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis a porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. C... et a ainsi méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, M. C... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour du territoire français pour une période de trois ans.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 janvier 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis à l'encontre de M. C..., implique seulement que l'administration statue à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'elle lui délivre pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100171 du 23 mars 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 5 janvier 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01884
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : FOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-31;21pa01884 ?
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