Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1926960/2-2 du 29 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 15 février et 28 mai 2021, M. A..., représenté par Me Jaslet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1926960/2-2 du 29 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la lecture de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil Me Jaslet d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur la décision d'obligation de quitter le territoire français elle-même illégale.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né le 20 mai 1981, est entré en France le 2 juillet 2012 selon ses déclarations. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 6 novembre 2019, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination d'une mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement n° 1926960/2-2 du 29 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui se prévaut des dispositions précitées de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. L'arrêté du préfet de police du 6 novembre 2019 a été pris au vu de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 7 octobre 2019 indiquant que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que néanmoins il peut effectivement poursuivre un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et que son état de santé est compatible avec un voyage aérien. M. A..., qui est atteint d'épilepsie et d'un état anxio-dépressif, soutient que si la Dépakine, qui est l'un des médicaments qu'il doit prendre, est disponible au Cameroun, son approvisionnement n'est pas garanti et son accessibilité financière compromise et qu'étant originaire de Bandja dans l'ouest du Cameroun et non de la capitale Yaoundé, ses possibilités de se fournir en Dépakine mais également en psychotiques qui lui sont nécessaires pour stabiliser ses troubles mentaux (Abilify, Cymbalta et Xanax), seront significativement réduites. Il ajoute qu'au Cameroun, il n'y a pas de couverture sanitaire universelle, que les médicaments sont chers et inaccessibles et que l'approvisionnement des médicaments essentiels est irrégulier. Il se prévaut du certificat médical établi le 20 décembre 2019 par son médecin, le docteur B..., qui indique que " la qualité des soins au Cameroun, la technologie défaillante, les prix élevés " ne lui permettront pas de bénéficier de la même qualité de soins dans son pays d'origine qu'en France, du rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), qui mentionne qu'il existe un manque d'équipements destinés aux soins et des infrastructures inégalement réparties sur le territoire camerounais, et d'articles de journaux relatifs à la stigmatisation des malades de l'épilepsie au Cameroun. Toutefois, ni les certificats médicaux produits qui sont rédigés dans des termes généraux et qui sont datés des 9 octobre 2017, 19 août 2019, 20 décembre 2019 et pour le dernier du 22 mars 2021, lequel mentionne uniquement la nécessité de poursuivre des soins, ni le rapport de l'OSAR, ni les articles de journaux précités ne permettent d'établir que M. A... ne pourrait bénéficier au Cameroun d'un accès effectif à des soins appropriés alors, par ailleurs, que le préfet de police, par les pièces qu'il produit, établit que le Cameroun dispose d'une liste de médicaments essentiels où figurent notamment ceux de la famille des antiépileptiques, à laquelle la Dépakine appartient, et que le pays est inscrit dans un programme de lutte contre l'épilepsie intitulé projet " Epilepsie au Cameroun ". Par ailleurs, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir la faiblesse de ses moyens financiers et ne démontre pas être dépourvu, dans ce pays, de toute attache privée et familiale ou de tout accompagnement ou aide pour obtenir les soins dont il a besoin, notamment de la part de sa sœur et de ses deux frères qui résident dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en refusant de renouveler son titre de séjour pour raisons de santé, le préfet de police aurait commis une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précité doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... soutient qu'il est entré sur le territoire français en 2012 et qu'il a noué des liens forts et stables en France, pays dans lequel il a développé un tissu important de relations sociales. Il ajoute qu'il a obtenu son premier titre de séjour en juin 2018, qu'il a suivi une formation CACES pour l'utilisation de chariots automoteurs de manutention à conducteur porté, qu'il travaille comme intérimaire dans un entrepôt de manutention depuis septembre 2018 et que l'entreprise Le Prestataire Diamant qui l'embauche lui a proposé, en raison du sérieux de son travail, un contrat à durée indéterminée à temps plein et enfin qu'il n'a gardé que très peu de contacts au Cameroun, pays dans lequel il n'est pas retourné depuis son arrivée en France. Toutefois, M. A... est célibataire et sans charge de famille en France et il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses deux enfants mineurs nés en 2007 et 2010 ainsi que sa sœur et ses deux frères. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui opposant une obligation de quitter le territoire français, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, M. A... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposée est illégale. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé et ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4 du présent arrêt, l'obligation de quitter le territoire français contestée qui a été opposée à M. A... par le préfet de police ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. M. A... n'établit pas que la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui lui a été opposée est illégale. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, n'est pas fondé et ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur, première conseillère,
- Mme Collet, première conseillère, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00753