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28/01/2022 | FRANCE | N°20PA02423

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 janvier 2022, 20PA02423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n° 1806065, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision du 23 février 2018 par laquelle la ministre des armées n'a pas renouvelé son contrat de travail à durée déterminée, et d'autre part, d'enjoindre à celle-ci de la réintégrer dans l'emploi qu'elle occupait en exécution de son contrat de travail du 8 août 2016 et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du jugement et de lui proposer à la sign

ature, pour régularisation, un avenant à son contrat portant celui-ci à une durée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n° 1806065, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision du 23 février 2018 par laquelle la ministre des armées n'a pas renouvelé son contrat de travail à durée déterminée, et d'autre part, d'enjoindre à celle-ci de la réintégrer dans l'emploi qu'elle occupait en exécution de son contrat de travail du 8 août 2016 et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du jugement et de lui proposer à la signature, pour régularisation, un avenant à son contrat portant celui-ci à une durée indéterminée et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du jugement.

Par un jugement n° 1806065 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre des armées en date du 23 février 2018 et enjoint à cette dernière de réintégrer Mme B... à compter du 1er juillet 2018 et de lui proposer la signature d'un contrat à durée indéterminée sur un emploi équivalent à celui qu'elle occupait précédemment, à compter du 1er juillet 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du 6 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 février 2018 et lui a enjoint de réintégrer Mme B... à compter du 1er juillet 2018 et de lui proposer la signature d'un contrat à durée indéterminée sur un emploi équivalent, et au rejet de la demande de l'intéressée.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit dans l'application de l'article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, en considérant que Mme B... avait accompli la durée de service de services publics effectifs auprès d'un employeur unique ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que la circonstance que Mme B... ait bénéficié d'une mise à disposition au cours de son premier contrat conclu avec le SGG pour exercer ses fonctions au ministère des armées fait obstacle à ce que ce dernier soit qualifié d'employeur apparent, eu égard à la nature du dispositif prévu par les dispositions de l'article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, Mme B..., représentée par la SCP Delvolvé -Trichet, avocats au Conseil d'Etat, conclut, à titre principal, à la tardiveté de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond. Elle conclut à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir à titre subsidiaire que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Delvolvé, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat signé par les services du Premier ministre le 24 juin 2010, Mme B... a été recrutée en qualité de chargée de mission au sein de la coordination nationale du renseignement à compter du 22 mars 2010 pour une durée de trois ans puis mise à disposition du ministère des armées au sein de la direction du renseignement militaire (DRM) à compter du 1er juin 2011. Par contrat du 20 juin 2012, Mme B... a été engagée, pour une durée de trois ans à compter du 1er juillet 2012, pour exercer les fonctions d'adjoint stratégie du

sous-directeur exploitation à la DRM, puis, par contrat du 23 juillet 2014 courant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017, en qualité de conseiller spécial à la stratégie du renseignement d'intérêt militaire. Par un dernier contrat du 4 août 2016 expirant le 30 juin 2018, Mme B... a été engagée pour exercer les fonctions d'adjointe au directeur de la stratégie de la DRM. Par courrier en date du 6 juin 2017, Mme B... a été informée qu'à l'issue de son contrat, soit le 1er juillet 2018, ce dernier serait requalifié en contrat de travail à durée indéterminée. Par une décision du 23 février 2018, la ministre des armées a décidé de ne pas reconduire son contrat de travail à durée déterminée au-delà du 30 juin 2018 et l'a informée qu'elle serait radiée des cadres du ministère des armées le 1er juillet 2018. La ministre des armées relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 février 2020 par lequel il a fait droit à le demande de Mme B..., tendant à l'annulation de la décision du 23 février 2018 précitée, et lui a enjoint de réintégrer Mme B... à compter du 1er juillet 2018 en lui proposant la signature d'un contrat à durée indéterminée sur un emploi équivalent à celui qu'elle occupait précédemment à compter du 1er juillet 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;

2. Aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 visée ci-dessus : " (...)/ Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée./ La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4,6,6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. (...) / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième à quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. / (...). ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un agent demande la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de plusieurs employeurs apparents, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été engagée par le secrétariat général du gouvernement (SGG) par un contrat en date du 24 juin 2010 pour une durée de trois ans à compter du 22 mars 2010, en qualité d'agent non titulaire pour exercer les fonctions de chargée de mission au sein de la coordination nationale du renseignement, rattachée alors à la direction des services administratifs et financiers du SGG. L'intéressée a été mise à disposition de la direction du renseignement militaire (DRM) du ministère des armées à compter du 1er juin 2011, par décision du 27 juillet 2011. Par avenant du 13 décembre 2011, les services du SGG ont ramené la date d'échéance de son contrat du 22 mars 2013 au 30 juin 2012. Puis, par un contrat du 20 juin 2012, Mme B... a été engagée, pour une durée de trois ans à compter du 1er juillet 2012, en qualité d'agent non titulaire, pour exercer les fonctions d'adjoint stratégie du sous-directeur exploitation de la DRM. Avant le terme de son contrat, elle a été engagée par contrat du 23 juillet 2014, pour une durée de trois ans courant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017, en tant que conseiller spécial à la stratégie du renseignement d'intérêt militaire. Par un avenant du 16 mars 2015, la durée de ce contrat a également été écourtée à un an, 10 mois et 23 jours, soit jusqu'au 23 mai 2016, en raison de la conclusion d'un troisième contrat le 4 août 2016. Par ce dernier contrat, Mme B... a été engagée pour la période du 24 mai 2016 au 30 juin 2018, pour exercer les fonctions d'adjointe au directeur de la stratégie de la direction du renseignement militaire.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a occupé entre le 1er juin 2011 et le 30 juin 2018 des fonctions de catégorie A au sein de la direction du renseignement militaire en qualité d'adjointe stratégie, conseiller spécial à la stratégie et adjointe au directeur de la stratégie. Les fonctions accomplies durant la période mentionnée, qui relèvent du même domaine de compétence et de la même direction du ministère des armées, doivent être regardées comme l'ayant été pour le compte d'un unique employeur, le ministère des armées, alors même que l'intéressée a fait l'objet d'une mise à disposition par le secrétariat général du gouvernement pour la période comprise entre le 1er juin 2011 au 30 juin 2012. Il ressort à cet égard de ces pièces, et notamment du courrier de mise à disposition du 27 juillet 2011, que les missions qui lui avaient été confiées depuis son recrutement dans les services du Premier ministre au sein de la coordination nationale du renseignement, à compter du 22 mars 2010, avaient été supprimées. Ainsi, dans ces circonstances, le ministère des armées doit être regardé comme ayant été, dès le 1er juin 2011, le véritable employeur de l'intimée, chargé de définir ses attributions et conditions d'emploi. Dès lors, l'intéressée remplissait les conditions précitées de l'article 6 bis précité de la loi du 11 janvier 1984 pour obtenir la transformation en contrat à durée indéterminée de son contrat de recrutement à durée déterminée. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 23 février 2018 et lui a enjoint de réintégrer Mme B... à compter du 1er juillet 2018 en lui proposant la signature d'un contrat à durée indéterminée sur un emploi équivalent à celui qu'elle occupait précédemment à compter du 1er juillet 2018.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la ministre des armées est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 janvier 2022.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02423
Date de la décision : 28/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP DELVOLVE-TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-28;20pa02423 ?
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