Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français A... un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2009919 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mars 2021, et un mémoire de production enregistré le 7 novembre 2021, Mme E..., représentée par Me Thisse, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2009919 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " A... un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation A... un délai de trois mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de l'instruction ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Thisse de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour :
- elle méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision fixant le pays d'éloignement :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme E... n'est fondé.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 14 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me Saudemont, substituant Me Thisse, représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., née le 12 février 1956 à Youa (République du Congo), a sollicité la délivrance d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 septembre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français A... un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Mme E... relève appel du jugement du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé A... le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
3. Pour refuser de délivrer à Mme E... un titre de séjour, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et a relevé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut cependant bénéficier d'un traitement approprié A... son pays d'origine. Pour contester l'appréciation de sa situation au regard des conditions posées par les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à laquelle s'est ainsi livrée l'autorité préfectorale, Mme E... produit des ordonnances et divers compte-rendu d'examens médicaux attestant qu'elle est traitée et suivie notamment pour une lombo-radiculalgie et qu'elle présente des problèmes de thyroïde. Toutefois, aucun des certificats médiaux établis par les spécialistes qui suivent Mme E... n'indique que le traitement dont elle a besoin, dont notamment des infiltrations à base de corticoïdes, ne serait pas disponible A... son pays d'origine. A ce titre, le certificat médical du 6 décembre 2017 émanant du docteur B..., du service de médecine de consultation générale de la Pitié-Salpétrière, qui assure le suivi de
Mme E... depuis plusieurs années n'est pas, compte tenu de sa date et des termes très généraux A... lesquels il est rédigé, de nature à remettre en cause l'avis porté par le collège de médecins de l'OFII quant à la disponibilité des soins au Congo. Il en va de même du certificat établi le 5 octobre 2020, postérieurement à la décision attaquée, par le docteur C..., médecin de la douleur à la Pitié-Salpétrière. Par ailleurs, les informations générales sur le système de santé au Congo, qui montrent une répartition très inégale des personnels de santé sur le territoire de ce pays, ne sont pas suffisantes pour démontrer que
Mme E... ne pourrait pas y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, pour des raisons géographiques ou financières, alors notamment qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie au Congo et qu'elle produit des attestations indiquant qu'elle a été opérée d'une sciatique en lien avec sa hernie discale en 2005 à la clinique Guénin de Pointe-Noire.
Mme E... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le préfet de police, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précité.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique A... l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, A... une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme E... fait valoir que quatre de ses enfants résident en France, deux d'entre-eux ayant la nationalité française, ainsi que ses petits-enfants, et qu'elle n'a plus de famille A... son pays d'origine, ses parents et se dernière fille qui y résidaient étant décédés. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... entretiendrait des relations avec ses enfants et petits-enfants ni que ceux-ci la prendraient en charge financièrement. Ainsi, selon la note sociale rédigée le 26 décembre 2017 par une travailleuse sociale de l'Armée du Salut, la fille de Mme E... qui l'a hébergée à son arrivée en 2014 l'a " mise à la rue " en mai 2015, plaçant l'intéressée A... une situation de très grande précarité. Il ressort également des pièces du dossier que Mme E... est entrée en France en 2014, à l'âge de 58 ans, et qu'elle est retournée A... son pays d'origine au cours de l'année 2017, après le décès d'une de ses filles. A... ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations précitées, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris son arrêté.
6. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées,
Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français reposerait sur un refus de séjour illégal doit être écarté.
8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme E... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :
9. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Si Mme E... soutient que son retour en République du Congo sera pour elle, compte tenu de l'impossibilité de s'y faire soigner, générateur de risques pour sa vie, il ressort de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que ce risque n'est pas établi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police aurait commise doit également être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., à Me Thisse et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet police de Paris.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.
La rapporteure,
C. F...La présidente,
H. VINOT
Le greffier,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01135 2