Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la contribution des patentes à laquelle il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, de l'impôt sur les transactions et de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées qui lui ont été assignés au titre de l'année 2015, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 2000016 du 8 septembre 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé M. B... des majorations de 80 % mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016 à concurrence de 2 693 464 francs CFP et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 octobre 2020 et 26 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Dominique Antz, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement n° 2000016 du 8 septembre 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige.
Il soutient que :
- l'administration n'établit pas l'exercice d'une activité imposable au sens notamment de l'article LP. 181-1 du code des impôts de la Polynésie française ;
- cette activité n'était pas occulte, en l'absence d'intention dissimulatrice ;
- il est fondé à se prévaloir de l'instruction n° 1232-2018 VP du 7 août 2018 ;
- la valeur de revente n'était pas supérieure au prix d'achat, au sens de l'article LP. 181-1 du code des impôts de la Polynésie française et de l'instruction n° 1-2008 IT du 4 juillet 2008 ;
- il n'a pas la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; c'est par erreur qu'il a mentionné cette taxe sur la facture de vente ; au demeurant, il n'a pas récupéré la taxe supportée par lui ;
- à supposer qu'il ait la qualité d'assujetti, il est fondé à se prévaloir d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée et du régime de la franchise.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2020, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par Me Gilles Jourdainne et Me Vasanthi Daviles-Estines, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au terme duquel une proposition de rectification du 22 novembre 2018 lui a été adressée à raison d'une activité occulte, suivant la procédure de taxation d'office. Il a ainsi été assujetti à la contribution des patentes au titre des années 2015 et 2016, à l'impôt sur les transactions et à la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées au titre de l'année 2015 et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même année, ces impositions étant assorties des intérêts de retard et de la majoration de
80 % prévue à l'article LP. 511-10 du code des impôts de la Polynésie française. Par un jugement du 8 septembre 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé M. B... des majorations de 80 % mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016 pour un montant total de 2 693 464 francs CFP et rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des impositions précitées. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. D'une part, aux termes de l'article LP. 423-1 du code des impôts de la Polynésie française : " 1 - Sont taxés d'office, les contribuables qui n'ont pas fourni dans les délais réglementaires les déclarations prévues par le présent code, sous réserve de régularisation prévue au 3 (...) 3 - La procédure de taxation d'office prévue au paragraphe 1 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation à la suite d'une mise en demeure, dans les conditions prévues au 3 de l'article LP. 511-4. 4 - Par dérogation au paragraphe 3, il n'y a pas lieu de procéder à la mise en demeure dans les cas suivants : (...) - exercice d'une activité occulte, au sens du quatrième alinéa de l'article LP. 451-1 du présent code (...) ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article LP. 451-1 du même code : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et, soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, pour les activités commerciales et artisanales, ou à la direction des impôts et des contributions publiques, pour les activités non commerciales, soit s'est livré à une activité illicite (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article LP. 181-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Les recettes réalisées en Polynésie française par les personnes physiques ou morales qui, habituellement ou occasionnellement, achètent pour revendre ou accomplissent des opérations relevant d'une activité autre qu'agricole ou salariée sont soumises à l'impôt sur les transactions (...) Lorsqu'elle est occasionnelle, l'opération d'achat-revente n'est imposable que dans la mesure où la valeur de revente est supérieure au prix d'achat ". Aux termes de l'article 194-2 du même code relatif à la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées : " Sont soumises à cette contribution les personnes physiques ou morales assujetties à l'impôt sur les transactions, selon les règles définies au chapitre III du titre Ier de la 1ère partie du code des impôts ". Aux termes de l'article 211-1 de ce code : " Toute personne physique ou morale de nationalité française ou étrangère qui exerce à titre permanent ou temporaire une activité professionnelle non salariée, non comprise dans les exemptions déterminées par le présent code, est assujettie à la contribution des patentes ".
4. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 22 novembre 2018, que, dans le cadre d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par l'EURL Vini Vini Mareyage, l'administration fiscale a obtenu une facture émise par M. B... le 17 août 2015 relative à une livraison de matériels à cette entreprise. Estimant que l'intéressé s'était livré à une activité occulte en ne s'étant pas fait connaître pour une activité d'achat-revente de matériels, l'administration l'a taxé d'office au titre de l'année 2015 sur le fondement de l'article LP. 423-1 du code des impôts de la Polynésie française, en retenant comme base imposable le montant hors taxe figurant sur la facture, soit 19 570 000 francs CFP. Elle a ainsi assujetti M. B... à l'impôt sur les transactions sur le fondement de l'article LP. 181-1 du code des impôts de la Polynésie française et à la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées prévue à l'article 194-2 du même code au titre de l'année 2015, ainsi qu'à la contribution des patentes prévue à l'article 211-1 de ce code au titre des années 2015 et 2016, calculée au tarif applicable à une activité de négociant. La facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a également mis cette taxe à la charge de M. B... au titre de l'année 2015, sur le fondement des articles 340-1 et 344-6 dudit code.
5. M. B..., salarié d'une brasserie, soutient que l'administration n'établit pas l'exercice d'une activité, dès lors qu'il a réalisé une opération unique d'achat-revente de matériels, initialement acquis dans le cadre de la liquidation de la société Mekathon pour ses activités personnelles de loisirs ou en vue d'une potentielle activité future. Pour établir l'exercice d'une activité d'achat-revente occasionnelle, l'administration s'est uniquement fondée sur la facture émise par M. B... le 17 août 2015 et présentée par l'EURL Vini Vini Mareyage à l'appui d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Si elle se prévaut des changements de version du requérant quant au motif de l'achat des matériels, du montant important de l'opération, qui a permis à l'acquéreur de s'équiper pour un effectif de douze salariés, de ce que la facture précitée, qui a été émise en comportant la taxe sur la valeur ajoutée, porte la mention manuscrite " Facture acquittée par compensation de créance avec la reconnaissance de dette du 26/05/15 pour un montant de vingt-deux millions six cent trente et un mille six cent et un solde en espèce pour soixante mille francs " et de ce que la facture d'achat du 1er août 2015, ainsi antérieure d'environ deux semaines à la revente, porte une mention manuscrite qui fait état d'un solde du règlement en août 2016, l'ensemble des éléments ainsi avancés est insuffisant, faute pour l'administration de faire état d'au moins une autre opération, pour établir que M. B... était en 2015 une personne physique qui a exercé une activité occasionnelle d'achat de biens en vue de leur revente. Est à cet égard sans incidence la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé aurait eu l'intention de créer une activité commerciale, dès lors qu'aucun élément ne permet de considérer que ce projet a effectivement été mis en œuvre.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que M. B... a été assujetti à l'impôt sur les transactions et à la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées au titre de l'année 2015. Par ailleurs, à défaut de preuve de l'exercice à titre permanent ou temporaire d'une activité professionnelle non salariée, c'est également à tort que M. B... a été assujetti à la contribution des patentes au titre des années 2015 et 2016.
7. En revanche, aux termes de l'article 344-6 du code des impôts de la Polynésie française : " (...) Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout autre document en tenant lieu est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation (...) ".
8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la facture émise par M. B... le 17 août 2015 relative à une livraison de matériels à l'EURL Vini Vini Mareyage mentionnait la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, M. B..., qui, s'il se prévaut d'une erreur, n'a produit aucune facture rectificative permettant d'éliminer un risque de récupération de la taxe qui aurait été facturée à tort, était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée du seul fait de sa facturation.
9. A cet égard, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 30° du I de l'article LP. 340-9 du code des impôts de la Polynésie française, selon lesquelles sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les ventes de biens usagés réalisées par les assujettis qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation et qui n'ont pas ouvert droit à déduction totale de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur acquisition, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une vente de biens utilisés pour les besoins d'une exploitation. Il ne peut pas plus utilement se prévaloir de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article LP. 346-1 de ce code, dès lors que les conditions prévues à l'article 346-4 du même code, selon lequel " Les assujettis bénéficiant de la franchise en base ne peuvent opérer aucune déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, ni faire apparaître cette taxe sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu. Ceux-ci doivent porter la mention : " Taxe sur la valeur ajoutée non applicable, franchise en base ", ne sont pas remplies. Il ne peut enfin pas utilement faire valoir qu'il n'a pas demandé le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée en litige.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, de la contribution des patentes à laquelle il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ainsi que de l'impôt sur les transactions et de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2015. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre ces impositions, l'article 2 de ce jugement doit dès lors être réformé dans cette mesure et M. B... doit être déchargé, en droits et intérêts de retard, desdites impositions. En revanche, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de l'année 2015. Le surplus des conclusions de la requête doit dès lors être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., la somme que le gouvernement de la Polynésie française demande au titre des frais qu'il a exposés.
DECIDE :
Article 1er : M. B... est déchargé, en droits et intérêts de retard, de la contribution des patentes à laquelle il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 et de l'impôt sur les transactions et de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2015.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2000016 du 8 septembre 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et les conclusions du gouvernement de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au gouvernement de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2022.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVALa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA02883