Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016, ensemble les pénalités et intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 1903810/2-2 du 29 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juillet et 18 novembre 2020,
M. et Mme C..., représentés par Me Charlotte Prest, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 juin 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- un acte passé avant la clôture de l'exercice peut conférer aux associés des droits différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social ;
- il a été décidé par les associés, dès l'année de la donation de 99 % de la nue-propriété des parts de la société, que les donateurs supporteraient seuls les pertes constituées des charges financières, qu'ils financent, jusqu'au terme du remboursement du prêt ;
- les assemblées générales extraordinaires des 30 décembre 2014 et 28 décembre 2015 ont décidé que les bénéfices et pertes de la SCI Duc B... seraient en totalité attribués aux intéressés ; les assemblées générales ordinaires des 23 mai 2015 et 21 mai 2016 indiquent que les pertes sont affectées à leurs comptes courants ;
- les règles fiscales sont indépendantes des règles civiles ;
- la convention de répartition n'est pas léonine dès lors qu'en contrepartie les pertes sont inscrites à leur compte courant ;
- cette répartition des résultats ne contrevient pas à l'obligation légale et générale de contribution au passif.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... sont associés de la société civile immobilière (SCI) Duc B..., relevant de l'article 8 du code général des impôts, et dont ils détiennent, depuis une donation du 28 septembre 2005, 0,5 % chacun du capital social, 99 % de ce capital étant détenu par leurs cinq enfants. M. et Mme C... ont déclaré, dans leurs revenus imposables des années 2014 à 2016, des déficits fonciers correspondant à la totalité des pertes enregistrées par la société sur ces mêmes années. Par des propositions de rectification des 9 mars et 11 septembre 2017, l'administration a estimé que la fraction des déficits fonciers de la SCI Duc B... attribuée aux intéressés pour les années d'imposition en litige devait l'être en proportion de leurs parts dans le capital social de la société, soit 1 %, et non à concurrence de la totalité des déficits fonciers de la société, et a, par conséquent, réintégré la différence dans leurs revenus fonciers. Les requérants relèvent appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis en conséquence au titre des années 2014, 2015 et 2016, ensemble les pénalités et intérêts de retard correspondants.
2. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) ". Les droits des associés auxquels cet article fait référence sont, sauf stipulation contraire, ceux qui résultent du pacte social. Par suite, les bases d'imposition de chaque associé doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux présumés faite conformément au pacte social, sauf dans le cas où un acte ou une convention passé avant la clôture de l'exercice a pour effet de conférer aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social, auquel cas les bases d'imposition des associés doivent correspondre à cette nouvelle répartition des résultats sociaux.
3. D'autre part, aux termes de l'article 1844-1 du code civil : " La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire. / Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites. ".
4. Les requérants soutiennent qu'une répartition des résultats sociaux de la SCI Duc B... différente de celle qui aurait résulté de l'application du pacte social, et consistant à leur attribuer la totalité des pertes enregistrées sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, a été décidée par les associés lors des assemblées générales extraordinaires respectivement datées des 30 décembre 2014, 28 décembre 2015 et 30 décembre 2016, et que, par conséquent, la totalité des déficits fonciers générés par la société au cours de ces trois exercices doit être prise en compte pour la détermination de leur revenu imposable au titre de chacune des années correspondantes.
5. Un acte passé avant la clôture de l'exercice peut conférer aux associés des droits différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social. Contrairement à ce que soutient le ministre, les décisions des assemblées générales extraordinaires citées ci-dessus, qui ne dérogent que de manière ponctuelle au pacte social, qui concernent tant les bénéfices que les pertes, en les attribuant d'ailleurs à deux associés et non à un seul, et qui, au demeurant, n'ont pas été annulées par le juge compétent, ne peuvent être regardées comme constituant une clause léonine des statuts mettant à la charge d'un associé la totalité des pertes d'une société et de ce fait réputée non écrite en application de l'article 1844-1 du code civil. C'est donc à tort que l'administration a refusé, pour ce motif, d'en tenir compte pour l'imposition des revenus fonciers générés par la société, et qu'elle a, par conséquent, ramené le montant des déficits fonciers attribués aux requérants à la seule quote-part correspondant à leurs droits dans le capital de la société, conformément aux dispositions de l'article 8 du code général des impôts.
6. Il résulte de ce qui précède, que M. et C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016, ensemble les pénalités et intérêts de retard correspondants. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme C... A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903810/2-2 du 29 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. et Mme C... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016, ensemble les pénalités et intérêts de retard correspondants.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01989