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14/01/2022 | FRANCE | N°19PA04174

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 14 janvier 2022, 19PA04174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser la somme de 165 579,12 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis d'une part, en raison de l'illégalité fautive de la décision d'éviction et de changement d'affectation dont elle a fait l'objet le 20 octobre 2014 et, d'autre part, en raison des faits de harcèlement moral dont elle se dit victime.

Par un jugement n° 1803525 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a

condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 680 euros au titre du harcèlement m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser la somme de 165 579,12 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis d'une part, en raison de l'illégalité fautive de la décision d'éviction et de changement d'affectation dont elle a fait l'objet le 20 octobre 2014 et, d'autre part, en raison des faits de harcèlement moral dont elle se dit victime.

Par un jugement n° 1803525 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 680 euros au titre du harcèlement moral dont elle a été victime et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 décembre 2019 et 12 mai 2021, Mme C..., représentée par Me Andrivet, demande à la Cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement n° 1803525 du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris en ce qu'il est entaché d'irrégularité et qu'il a rejeté une partie de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser la somme de 165 579,12 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;

- elle a été victime de plusieurs faits constitutifs de harcèlement moral qui sont de nature à engager la responsabilité du ministre de l'intérieur (absence de saisine de la commission administrative paritaire, suppression de son poste et de ses responsabilités, mise au placard, changement forcé d'affectation avec diminution des fonctions et responsabilités et altération de son état de santé) ;

- elle a subi un préjudice financier évalué à 120 579,12 euros ;

- elle a subi un préjudice moral évalué à 15 000 euros au titre du changement illégal d'affectation et de 30 000 euros au titre de la dégradation de son état de santé et du harcèlement moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2021, le ministre de l'intérieur doit être regardé comme demandant à la Cour :

1 ) de rejeter les demandes de Mme C... ;

2 )par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 novembre 2019 en tant qu'il le condamne à verser à Mme C... la somme de 6 680 euros en réparation du harcèlement moral dont elle aurait été victime.

Il fait valoir que :

- l'autorité de la chose jugée attachée au jugement n° 1411359 du 20 avril 2017 s'oppose au réexamen des conclusions indemnitaires présentées par Mme C... dans le cadre de l'instance n° 1803525 ;

- les faits de harcèlement moral ne sont pas établis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations présentées par Me Andrivet pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., attachée principale d'administration de l'Etat, a été affectée à compter

du 7 septembre 2011 au cabinet du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur en qualité de chef du bureau du cabinet. A la suite de la réorganisation intervenue au sein de cette direction générale au cours de l'été 2014, telle qu'elle résulte de l'arrêté du 31 juillet 2014 modifiant l'arrêté du 23 août 2011 portant organisation et attributions de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, elle a été affectée, à compter du 20 octobre 2014, au sein de cette direction générale au bureau de la formation, des techniques et des équipements en qualité d'adjointe au chef de bureau. Par une demande préalable en date du 31 octobre 2017 reçue le 6 novembre 2017, la requérante a demandé la réparation des préjudices qu'elle a subis, d'une part, en raison de l'illégalité fautive de la décision d'éviction et de changement d'affectation dont elle a fait l'objet le 20 octobre 2014 et, d'autre part, en raison des faits de harcèlement moral dont elle se dit victime. Mme C... relève appel du jugement du 6 novembre 2019 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une indemnité de 6 680 euros en réparation du préjudice du harcèlement moral dont il a reconnu qu'elle avait été victime et demande à la Cour de porter ce montant à 165 579,12 euros. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'intérieur doit être regardé comme demandant l'annulation de ce jugement en tant qu'il le condamne à verser à Mme C... la somme de 6 680 euros en réparation du préjudice lié harcèlement moral qu'elle aurait subi et le rejet de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur l'autorité de la chose jugée :

2. Par un jugement n° 1411359 du 20 avril 2017 devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme C... pour absence de liaison du contentieux. Toutefois, le ministre de l'intérieur ne saurait opposer à cet égard à Mme C... l'autorité de la chose jugée dès lors qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que, postérieurement, l'intéressée a réclamé de nouveau de ses préjudices résultant d'une part, en raison de l'illégalité fautive de la décision d'éviction et de changement d'affectation dont elle a fait l'objet le 20 octobre 2014 et, d'autre part, en raison des faits de harcèlement moral dont elle se dit victime par une demande en date du 31 octobre 2017 qui a été implicitement rejeté, assurant ainsi la liaison du contentieux avant la saisine par l'intéressée du tribunal administratif au titre du présent litige. Dès lors, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... devant les premiers juges seraient irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme C... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " .

5. D'une part, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

7. Mme C... fait valoir qu'elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie lors de la réorganisation de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Elle précise qu'aucune mission ne lui a été confiée pendant plusieurs mois, et que par la suite, si un poste d'adjointe au chef de bureau de la formation, des techniques et des équipements au sein de la direction des sapeurs-pompiers de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises lui a été confié, ce poste ne correspondait pas à son grade et sa hiérarchie et l'administration n'ont pas suivi les règles applicables en la matière. Elle indique également avoir subi une " mise au placard " ainsi que des comportements inadaptés émanant de sa hiérarchie.

8. Mme C... occupait au sein de la DGSCGC les fonctions de cheffe du bureau du cabinet depuis le 7 septembre 2011. Elle soutient que son poste a été supprimé en août 2014 à la faveur d'une réorganisation de la direction de la sécurité civile, sans qu'elle en ait préalablement été informée et ce, dans l'intention de lui nuire. Or, il résulte de l'instruction que la suppression du poste de Mme C... a été motivée par une réorganisation générale des services du ministère de l'intérieur afin de rationaliser les moyens de la direction qui a notamment conduit à la suppression de l'ensemble des postes de chefs de bureau du cabinet dont celui de la requérante. Par ailleurs, si Mme C... soutient qu'elle a été, suite au rejet de sa candidature pour le poste d'adjoint au directeur de cabinet, dans l'obligation d'accepter le poste d'adjointe au chef de bureau de la formation, des techniques et des équipements au sein de la direction des sapeurs-pompiers de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, poste qu'elle avait, dans un premier temps refusé en raison d'une perte de rémunération et d'une diminution de ses responsabilités, il résulte de l'instruction, comme le fait valoir l'administration, et alors qu'un agent public n'a aucun droit acquis au maintien du poste sur lequel il était affecté, que l'affectation contestée se place, comme il a été indiqué supra, dans le cadre d'une réforme globale de l'organisation des services du ministère de l'intérieur. Mme C... n'établit ainsi pas que cette affectation ne répondrait pas au seul intérêt du service ou qu'elle se serait vu, dans le cadre de ses nouvelles fonctions, confier des tâches qui ne sont pas au nombre de celles qui peuvent être confiées au cadre d'emplois dont elle relève, les circonstances que cette nouvelle affectation comporte des responsabilités moindres, que ses nouvelles fonctions n'ouvrent pas droit à la nouvelle bonification indiciaire (NBI), et que l'administration a, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges commis une faute en omettant de saisir la commission administrative paritaire dans le cadre de la procédure de changement d'affectation, ne pouvant être regardées comme caractérisant une situation de harcèlement moral. En outre, il convient de souligner que la requérante n'a pas souhaité être affectée dans une autre direction du ministère de l'intérieur en raison de contraintes personnelles. Pour regrettable que soit la circonstance que sa hiérarchie ne l'a pas associée à la réorganisation de la direction, les conditions dans lesquelles sont intervenues la suppression du poste de Mme C... et sa nouvelle affectation ne sont pas entachées d'illégalité et ne caractérisent pas, en outre, des faits constitutifs de harcèlement moral.

9. De même, si Mme C... produit les organigrammes de la DGSCGC établis en décembre 2016 et 2017 pour démontrer que le bureau du cabinet de la DGSCGC a été reconstitué après son départ à la retraite, que son poste a été recréé et qu'il est actuellement occupé par l'ancien chef du bureau des affaires financières sur lequel s'appuyait son ancien supérieur hiérarchique, il convient d'observer qu'un temps important s'est écoulé entre la restructuration du mois d'août 2014 et celle du mois de décembre 2016. En outre, il résulte de l'instruction que la DGSCGC a fait l'objet de restructurations régulières en 2011, 2014 et 2016. Au regard de ces éléments, les différentes restructurations de la DGSCGC ne peuvent être regardées comme des manœuvres de sa hiérarchie pour lui nuire et constitutives de harcèlement moral. Enfin, le départ à la retraite anticipée de Mme C... résulte d'un choix personnel de l'intéressé et n'est nullement la conséquence des agissements dont elle s'estime victime.

10. La requérante soutient également que ses conditions de travail et son état de santé se sont dégradés en raison, notamment, des accusations de vol dont elle a fait injustement l'objet de la part de sa hiérarchie, et des maltraitances commises par son administration qui n'a pas hésité à proférer à son encontre des accusations d'incompétence. Toutefois, elle ne produit aucun élément permettant de confirmer ses dires. Le courriel produit en date du 4 août par lequel le directeur de cabinet a sollicité des éclaircissements sur la planification de ses congés entre le 4 et 18 août en l'absence d'une demande validée par ses soins, au motif qu'il existerait une discontinuité préjudiciable au service, ne constitue qu'une demande d'éclaircissement et n'établit pas que Mme C... aurait subi de la part de son employeur des actes excédant le cadre normal du pouvoir hiérarchique, d'autant plus que suite à ses explications, sa hiérarchie n'a pas émis de réserves à la poursuite de ses congés.

11. La requérante ne saurait également soutenir que l'absence d'affectation d'une secrétaire au sein du bureau constitue un fait de harcèlement moral alors qu'il n'est nullement établi que les autres bureaux de la direction disposaient d'un tel agent. En outre, si la requérante indique qu'elle a sollicité à plusieurs reprises un agent en charge du paiement des factures, il résulte de l'instruction que le directeur de cabinet avait demandé l'affectation d'un agent à ce poste puis a désigné un agent en vue de son affectation à cette mission. Ensuite, si la requérante fait valoir qu'elle a été remplacée à certaines réunions par le chef du bureau des affaires financières, qu'elle a été bousculée physiquement par le chef de la cellule communication, que des courriers lui ont été distribués aux fins de lui imputer des manquements, qu'elle n'avait pas accès au courrier réservé traité par le secrétariat du directeur de cabinet et que la carte d'achat lui a été retirée, elle ne produit aucun élément de nature à confirmer ces allégations qui ne sont corroborées par aucun témoignage. De même, il n'est pas établi que ses supérieurs hiérarchiques auraient systématiquement critiqué, sans raison valable, son travail ou lui auraient donné des ordres irréalistes dans l'intention de porter atteinte à sa situation professionnelle.

12. Enfin, si Mme C... soutient qu'elle a été moralement très affectée par " sa mise au placard " et qu'elle a été laissée dans une grande souffrance psychologique, sans que des mesures ne soient prises afin d'y remédier alors que ses supérieurs avaient été alertés, les documents qu'elle produit, notamment un courrier du docteur A... en date du 10 mai 2016 et un courrier du docteur B... en date du 16 septembre 2014, qui font état de problèmes professionnels et d'une situation de harcèlement au travail, ne permettent pas d'établir un lien entre la dégradation invoquée de son état de santé et l'existence de faits de harcèlement moral à son encontre, même s'ils témoignent d'une souffrance de Mme C... dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.

13. Toutefois, il résulte néanmoins de l'instruction que Mme C..., en dehors de sa période de congé maladie entre le 15 septembre et le 29 septembre 2014, ne s'est vu confier aucun travail effectif entre le 20 août et le 15 septembre 2014 et le 29 septembre et le 20 octobre 2014, date à laquelle elle a été nommée adjointe au chef de bureau de la formation, des techniques et des équipements, au sein de la direction des sapeurs-pompiers de la DGSCGC, soit pendant une période de six semaines et qu'elle a dû pour occuper ses journées procéder à l'archivage de ses dossiers. Le caractère très ponctuel, voire inexistant des tâches qui lui étaient confiées au cours de cette période est susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Si le ministre de l'intérieur fait valoir que la diminution de la charge de travail de Mme C... est concomitante à la fois à l'annonce de la suppression de son poste et à l'arrivée de la nouvelle adjointe au directeur de cabinet qui a été associée au travail du cabinet dès le mois d'août et, ce avant sa prise de poste officielle, le 1er octobre 2014, une telle situation ne saurait être regardée comme une modalité de " tuilage " destinée à faciliter la prise de poste de cette nouvelle adjointe.

14. Par ailleurs, Mme C... fait valoir que le harcèlement dont elle a été victime s'est également manifesté par une volonté de l'évincer du circuit de communication, ses supérieurs hiérarchiques s'adressant parfois directement à ses subordonnés sans l'informer. Elle démontre ainsi qu'elle n'a pas été associée à la prise de congés de certains agents qui étaient sous sa responsabilité, ni informée d'une demande de mutation d'un de ses agents alors qu'au regard de sa qualité de supérieur hiérarchique il lui appartenait d'émettre un avis. Si le ministre de l'intérieur fait valoir que l'intéressée aurait dû spontanément s'en enquérir en sa qualité d'encadrant et que ces faits révèlent ses propres insuffisances professionnelles, il ressort des différentes évaluations de Mme C... que celle-ci est considérée par sa hiérarchie comme une collaboratrice précieuse dotée de très grandes qualités professionnelles dont un sens du management et qu'elle sait faire preuve d'un très grand professionnalisme dans la gestion des dossiers qui lui sont confiés. Sa hiérarchie a également relevé dans sa notation 2011 qu'elle était en capacité d'animer une équipe plus importante. Il suit de là que l'insuffisance professionnelle alléguée de Mme C... n'est pas établie.

15. Enfin, Mme C... établit qu'elle n'avait plus accès à la boîte fonctionnelle du cabinet DGSCGC ou au réseau DUOG et qu'elle a dû solliciter à plusieurs occasions des informations auprès d'autres services afin accomplir les tâches qui lui étaient confiées. Si le ministre de l'intérieur fait valoir que des instructions ont été données afin qu'elle puisse avoir accès à l'espace partagé du cabinet et produit, à cette fin, la copie d'un courriel en date du 14 octobre 2013 par lequel la secrétaire du directeur du DGSCGC a sollicité, à la demande du directeur de cabinet, l'ouverture de la boîte partagée " Cabinet " à Mme C..., la production de ce seul document ne permet pas de s'assurer que toutes les démarches ont bien accomplies pour assurer à Mme C... un accès effectif à l'espace partagé du cabinet. Par ailleurs, alors que la requérante démontre par la production d'une copie de courriels en date des 4 et 18 juin 2014 qu'elle n'est plus destinataire des messages du centre opérationnel de gestion interministérielles des crises et du Bulletin Quotidien (BQ), le ministre n'apporte aucun élément justifiant cette suppression des listes de diffusion compte tenu des fonctions qu'occupait encore Mme C... au sein de la direction du cabinet.

16. Dans ces conditions, comme les premiers juges l'ont retenu par des motifs pertinents et suffisamment circonstanciés, par leur nature, leur caractère répété et leurs effets, les agissements de la hiérarchie de Mme C... énoncés aux points 13 à 15 du présent arrêt, correspondant à la période d'inactivité forcée mentionnée, doivent être regardés comme constitutifs de harcèlement moral de nature à engager la responsabilité du ministre de l'intérieur.

S'agissant des préjudices :

17. En revanche, en se bornant à réitérer en appel les griefs invoqués à l'appui de la démonstration du harcèlement qu'elle dénonce, Mme C... n'établit par aucun élément objectif que le tribunal aurait fait une insuffisante évaluation de son préjudice moral et de son préjudice financier, résultant des agissements de sa hiérarchie énoncés aux points 13 à 15 du présent arrêt, en les indemnisant à hauteur de 6 680 euros. Il suit de là que l'appel de Mme C... doit être rejeté.

En ce qui concerne l'appel incident du ministre de l'intérieur :

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander la réformation de l'article 1er du jugement attaqué.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident du ministre de l'intérieur sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président

- M. Simon, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2022.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04174
Date de la décision : 14/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ANDRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-14;19pa04174 ?
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