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23/12/2021 | FRANCE | N°21PA03650

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 décembre 2021, 21PA03650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2106904/5-2 du 3 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a

annulé cet arrêté du 19 mars 2021 du préfet de police, lui a enjoint de procéder au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2106904/5-2 du 3 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 19 mars 2021 du préfet de police, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler et de procéder à l'effacement du signalement de M. A... B... aux fins de

non-admission dans le système d'information Schengen, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 de ce jugement n° 2106904/5-2 du 3 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision par laquelle il avait refusé d'admettre au séjour M. A... B... était entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- les moyens soulevés en première instance par M. A... B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Louis Maillard, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 mars 2021, à ce qu'il lui soit enjoint de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions, de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Par une ordonnance du 30 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été reportée au 18 octobre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot ;

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Maillard, avocat de M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien, a fait l'objet d'un arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. Le préfet de police relève appel du jugement n° 2106904/5-2 du 3 juin 2021 en tant que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... B... dans le délai de trois mois, de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, et de procéder à l'effacement du signalement de M. A... B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Pour annuler la décision portant refus de titre de séjour contestée devant lui et, par voie de conséquence, l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 19 mars 2021 du préfet de police, au motif que cette décision était entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... B..., le tribunal a relevé que, alors que l'intéressé avait sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de sa qualité de salarié, le préfet de police s'était uniquement fondé sur l'existence d'une menace à l'ordre public, laquelle n'était au demeurant pas caractérisée eu égard à la faible gravité de la condamnation dont l'intéressé avait fait l'objet et à son caractère isolé, et sur l'absence d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, sans faire état des éléments relatifs aux qualifications et à l'activité professionnelle de l'intéressé.

3. Toutefois, il ressort des termes de la décision portant refus de titre de séjour critiquée, que si M. A... B... a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de salarié, le préfet de police n'a fait application ni de ces dispositions ni même de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Il est constant que le préfet de police a rejeté la demande de M. A... B... en lui opposant d'office les dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à un ressortissant tunisien par l'effet des stipulations de l'article 11 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, et en vertu desquelles " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public " et après avoir estimé qu'il n'avait pas été porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour le motif sus-rappelé au point 2. du présent arrêt, annulé sa décision par laquelle il a refusé d'admettre M. A... B... au séjour et, par voie de conséquence, les décisions contenues dans son arrêté du 19 mars 2021.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... tant en première instance qu'en appel.

Sur les moyens soulevés par M. A... B... :

5. Aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

6. Pour apprécier si le comportement d'un ressortissant étranger est de nature à révéler une menace pour l'ordre public et peut justifier un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour temporaire, l'autorité compétente ne saurait s'en tenir à la qualification et à la sanction pénales susceptibles d'être appliquées à ce comportement.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... B... un titre de séjour, le préfet de police a pris en compte sa condamnation, par une ordonnance pénale du président du Tribunal de grande instance de Bobigny du 10 mai 2019, à 400 euros d'amende pour " conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis correspondant à la catégorie du véhicule et en faisant usage d'un permis de conduire faux ou falsifié " et pour " circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance ", ainsi que cela ressort des mentions portées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Toutefois, en l'espèce, les faits reprochés à M. A... B... ne sauraient à eux seuls caractériser, compte tenu de leur nature et en l'absence de toute pièce au dossier permettant de rattacher le comportement de l'intéressé à un comportement d'habitude, une menace pour l'ordre public au sens des dispositions sus-rappelées de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que M. A... B... est fondé à soutenir que la décision critiquée est entachée d'erreur d'appréciation et à en demander, pour ce motif, l'annulation ainsi que celle, par voie de conséquence, des décisions contenues dans l'arrêté du 19 mars 2021.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... B..., que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation de l'arrêté en litige, qui n'implique pas nécessairement que le préfet de police délivre à M. A... B... le titre de séjour demandé, impliquait qu'il se prononce à nouveau sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour que l'intéressé avait présentée ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Paris au point 4. de son jugement. Sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, il appartient donc au préfet de police d'exécuter cette injonction et de se prononcer à nouveau sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... B.... Le préfet de police n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé.

10. Au vu de ce qui vient d'être énoncé, M. A... B... ne peut, en tout état de cause, solliciter à nouveau le prononcé d'une telle injonction sous astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. A... B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêté sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2021.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA03650 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03650
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-23;21pa03650 ?
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