Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure émise le 4 juillet 2018 en vue du paiement de la cotisation d'impôts sur le revenu dont il était redevable au titre de l'année 2011 et de la majoration correspondante, pour un total de 11 642 euros.
Par un jugement n° 1910644 du 6 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021, M. B..., représenté par la SELARL F.E.A.T, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1910644 du 6 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'action en recouvrement de l'imposition à l'origine du litige est prescrite dès lors que le délai de prescription, de quatre ans et non de six ans comme l'a jugé à tort le tribunal administratif, était expiré à la date de la mise en demeure du 4 juillet 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable dès lors que la réclamation datée du 23 juillet 2018 n'est pas dirigée contre un acte de poursuite et que la mise en demeure du 4 juillet 2018, qui n'a pas été présentée au destinataire de cette réclamation contrairement à ce qu'exige l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales, ne peut avoir d'incidence sur la recevabilité de la demande ;
- le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1996 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée ;
- la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la recevabilité de la demande :
1. L'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas (...),au responsable du service à compétence nationale (...) dans un délai de deux mois à partir de la notification : / a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; / b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; / c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 281-5 du même livre : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires (...) ".
2. M. B..., qui réside en Suisse, a été imposé en France à l'impôt sur le revenu, à raison des produits de la location d'un immeuble situé à Saint-Tropez. La cotisation au titre de l'année 2011 a été mise en recouvrement le 31 octobre 2013, conformément à sa déclaration, celle au titre de l'année 2012 le 31 janvier 2017, à la suite d'une opération de contrôle. Par une lettre de son avocat datée du 23 juillet 2018, adressée au service des impôts des particuliers non-résidents, il a formulé à la fois une réclamation d'assiette, tendant à la décharge de l'imposition au titre de l'année 2012, à laquelle l'administration a fait droit le 31 août 2018, et une contestation relative au recouvrement de l'imposition au titre de l'année 2011, l'action en recouvrement étant selon lui prescrite depuis le 31 décembre 2017. L'administration, qui n'a donné à M. B... aucune information sur les conditions d'examen de sa contestation, n'a pris une décision explicite de rejet de celle-ci que le 7 août 2019.
3. Le comptable public du service des impôts des particuliers non-résidents a émis le 4 juillet 2018 une mise en demeure en vue notamment du paiement de la cotisation d'impôts sur le revenu dont M. B... était redevable au titre de l'année 2011 et de la majoration correspondante, pour un total de 11 642 euros. Ainsi, à la date à laquelle le service à compétence nationale a reçu la contestation du contribuable, un acte de poursuite existait. Le ministre n'est par suite pas fondé à soutenir que cette contestation était prématurée, même si le pli recommandé contenant la notification de cet acte de poursuite n'a été distribué en Suisse que postérieurement au 23 juillet 2018. Par ailleurs, la circonstance que M. B... n'a pas produit la mise en demeure du 3 juillet 2018 avec sa contestation ne fait pas obstacle à la recevabilité de sa demande ultérieure devant le Tribunal administratif de Montreuil, cette production n'étant exigée à peine d'irrecevabilité de la contestation par aucune disposition du livre des procédures fiscales et ne constituant pas une pièce justificative au sens de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales.
Sur l'obligation de payer :
4. Aux termes de l'article 2 de la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1996 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " (...) / 3. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : / ...) a) L'impôt sur le revenu ; / (...) /4. La Convention s'appliquera aussi aux impôts futurs de nature identique ou analogue qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. (...) ". Aux termes de l'article 28 bis de la convention, dans la rédaction issue de son avenant du 27 août 2009 qui a été rendue applicable à toute créance non prescrite, selon le droit de l'Etat requérant, au 4 novembre 2010 : " 1. Les Etats contractants se prêtent mutuellement assistance pour la notification des actes et documents relatifs au recouvrement des impôts visés par la Convention (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu au premier alinéa est augmenté de deux années pour les redevables établis dans un État non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures ".
6. Aux termes de l'article 8 de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures : " 1. À la demande de l'autorité requérante, l'autorité requise notifie au destinataire l'ensemble des documents, y compris ceux comportant une dimension judiciaire, qui émanent de l'État membre requérant et qui se rapportent à une créance visée à l'article 2 ou au recouvrement de celle-ci / (...) /2. L'autorité requérante n'introduit de demande de notification au titre du présent article que si elle n'est pas en mesure de procéder à la notification conformément aux dispositions régissant la notification du document concerné dans l'État membre requérant (...) ".
7. Contrairement à ce que soutient le ministre, les stipulations citées au point 4 de l'article 28 bis de la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1996 ont une portée similaire à celle de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010. Il suit de là que le délai de prescription de l'action en recouvrement était en l'espèce de quatre ans et non de six ans. La cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 ayant été mise en recouvrement le 31 octobre 2013, ce délai de quatre ans était expiré à la date du premier acte de poursuite notifié à M. B.... L'action en recouvrement est dès lors prescrite.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1910644 du 6 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : M. B... est déchargé de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure émise le 4 juillet 2018 en vue du paiement de la cotisation d'impôts sur le revenu dont il était redevable au titre de l'année 2011 et de la majoration correspondante, pour un total de 11 642 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2021.
L'assesseure la plus ancienne,
P. HAMON
Le président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02056 5