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22/12/2021 | FRANCE | N°21PA04025

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 décembre 2021, 21PA04025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

15 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2105972/6-2 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêt

é du préfet de police du 15 mars 2021 en tant qu'il a interdit à M. A... de retourner sur le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

15 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2105972/6-2 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 15 mars 2021 en tant qu'il a interdit à M. A... de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 2105972/6-2 du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les conclusions tendant à l'annulation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente-six mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français dès lors que M. A... n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant et que la communauté de vie avec la mère de son enfant est récente, qu'il ne justifie d'aucune insertion significative sur le territoire et s'est soustrait à de précédentes mesures d'éloignement et que sa présence sur le territoire constitue une menace à l'ordre public ;

- les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision devant le tribunal doivent être écartés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Togola, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 15 mars 2021 du préfet de police lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;

3°) d'annuler les décisions du 15 mars 2021 du préfet de police lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention

" vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Togola en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si la demande d'aide juridictionnelle est rejetée, de verser à M. A... la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il vit avec la mère de son enfant de nationalité française, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant et que sa situation actuelle ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à la durée de sa présence sur le territoire français, à ses liens familiaux en France et à la circonstance qu'il exerce une activité professionnelle depuis 2011 ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne comporte pas les considérations de fait permettant de caractériser la menace pour l'ordre public que constituerait son comportement ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

-la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 10 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1986, entré en France le 11 avril 2009 selon ses déclarations, a sollicité le 17 février 2021 son admission au séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 mars 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. M. A... a demandé l'annulation de ces décisions devant le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 15 juin 2021, a prononcé l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le préfet de police relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de sa décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. Par la voie de l'appel incident,

M. A... demande l'annulation de ce même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 10 novembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder à M. A... le bénéfice d'une admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur l'appel principal du préfet de police :

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

3. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 612-6, L. 613-2 et L. 612-10 de ce code : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa (...) du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

4. Pour annuler la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, le tribunal a jugé que si l'intéressé n'avait pas exécuté la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 16 septembre 2010 et que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public au regard des quatre condamnations pénales dont il a fait l'objet, il justifiait toutefois de la reconstitution récente de sa communauté de vie avec la mère de son enfant de nationalité française ainsi que des liens développés avec ce dernier et que, dans ces conditions, le préfet de police avait méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis d'imposition établi en 2020 sur les revenus de 2019, que la vie commune de M. A... avec la mère de son enfant de nationalité française présente un caractère très récent à la date de la décision contestée. Si M. A... verse au dossier un certificat d'un médecin de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris du 26 novembre 2020 indiquant que sa fille a une maladie chronique et " qu'elle doit être accompagnée de son père ", une attestation de la directrice de l'école de l'enfant du 31 mars 2021, rédigée postérieurement à la décision contestée, mentionnant que M. A... vient chercher sa fille à l'école tous les jours, une facture du 20 décembre 2020 concernant l'achat d'un cadeau pour enfant, quatre factures, dont deux non nominatives, concernant des achats de vêtements pour enfant effectués pendant la période comprise entre août 2020 et mars 2021, et des virements bancaires adressés à la mère de son enfant entre février et avril 2018, des attestations de cette dernière rédigées postérieurement à la décision contestée et en des termes peu circonstanciés, ces éléments sont insuffisants pour établir que M. A... participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française et qu'il entretient une relation suivie avec celui-ci. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé pour ce motif la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français devant le tribunal administratif et la Cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... que celui-ci a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, le 25 février 2016 par le tribunal correctionnel de Bobigny à six mois d'emprisonnement pour des faits de vol avec violence commis le 22 septembre 2015, le 9 mars 2016 et le 1er juin 2017 par le tribunal correctionnel de Paris à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à un mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits, d'une part, de cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle, détention non autorisée et usage illicite de stupéfiants commis le

10 décembre 2014 et, d'autre part, de violences sur des personnes chargées de mission de service public commises le 1er janvier 2016 et, enfin, le 8 décembre 2017 par la cour d'assises de Paris à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour non-assistance à personne en danger le

23 décembre 2014. Dans ces conditions, eu égard à la nature ainsi qu'au caractère répété des faits, à la condamnation à une peine d'emprisonnement ferme de six mois et même si les derniers faits commis par M. A... remontent au 1er janvier 2016, le préfet de police a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2009 à l'âge de vingt-deux ans et que sa demande d'asile ayant été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, le préfet a, par un arrêté du 16 septembre 2010, rejeté sa demande de titre de séjour et a prononcé une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois. M. A... produit au titre de 2011 un contrat de travail pour les mois de novembre et décembre et au titre de 2012 deux contrats de travail à durée déterminée pour février et mars 2012. Comme il a été dit au point précédent, M. A... a été condamné pénalement pour des faits commis en décembre 2014 et septembre 2015. Il a reconnu à sa naissance son enfant né le 3 juin 2015. Le 14 janvier 2016, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai. Enfin, il justifie de virements bancaires au profit de la mère de son enfant pour la période de février à avril 2018. Cependant, ces éléments sont insuffisants, notamment de par leur nombre, pour établir sa présence habituelle en France entre septembre 2010 et 2020. En outre, comme il a été dit, si M. A... justifie d'une vie commune avec la mère de son enfant depuis 2020, celle-ci présente un caractère très récent à la date de la décision contestée et l'intéressé n'établit pas participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française, ni même entretenir une relation suivie avec celui-ci. M. A... ne se prévaut pas d'autres attaches personnelles ou familiales en France et ne justifie pas être dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Enfin, M. A... produit un unique contrat de travail à durée déterminée à temps partiel de 29 jours signé le

3 mars 2021 et prolongé pour une durée de deux mois postérieurement à la décision en litige en qualité d'agent de service. Au vu de l'ensemble de ces éléments et de ceux énoncés aux point 4, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois sur la situation de M. A....

8. Le présent arrêt écartant les moyens tendant à l'annulation de la décision de refus de délai de départ volontaire, M. A... ne saurait se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

Sur les conclusions d'appel incident de M. A... :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 423-7 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article

L. 313-2 soit exigée ; (...) ".

11. Il ressort des éléments versés au dossier, comme il a déjà été dit au point 4, que M. A... n'établit pas participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française depuis la naissance de celui-ci le 3 juin 2015 ni depuis au moins deux ans à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En troisième lieu, M. A... se borne à reproduire en appel le moyen, sans l'assortir d'éléments nouveaux, qu'il avait développé dans sa demande de première instance, tiré de ce que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter ce moyen repris en appel par M. A....

13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4, 6 et 7, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur la situation de M. A....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) II. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...). ".

15. M. A... doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée en ce qu'elle ne comporterait pas les considérations de fait permettant de caractériser la menace pour l'ordre public que constituerait son comportement. En application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision par laquelle le préfet de police a obligé M. A... à quitter le territoire français, qui vise ces dispositions, n'a pas à faire l'objet d'une motivation particulière, dès lors que la décision de refus de titre de séjour est elle-même suffisamment motivée. Or, il ressort de la lecture de la décision de refus de séjour que celle-ci mentionne de manière détaillée les faits délictueux commis par M. A... et les condamnations pénales prononcées à son encontre le 25 février 2016 par le tribunal correctionnel de Bobigny, le 9 mars 2016 et le 1er juin 2017 par le tribunal correctionnel de Paris ainsi que le 8 décembre 2017 par la cour d'assises de Paris. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée.

17. En troisième lieu, si M. A... entend soutenir que le préfet de police a commis une erreur d'appréciation en estimant que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, ce moyen sera écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

19. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le préfet de police n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français.

20. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

21. M. A... ne justifie pas, ainsi qu'il a déjà été dit, participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant et n'établit pas l'intensité et la permanence des liens qu'il dit entretenir avec celui-ci. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté, pour prendre la décision en litige, une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de cet enfant et il n'a pas, par suite, méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

22. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4, 6 et 7, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation de M. A....

En ce qui concerne la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

23. En premier lieu, il ressort des points 14 à 22 que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. A... ne saurait se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

24. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

25. Il ressort des éléments énoncés au point 6 que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire.

26. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4, 6 et 7, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire sur la situation de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

27. Les moyens dirigés contre la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. A... dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du

15 mars 2021 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. M. A... n'est pas en revanche fondé à soutenir par la voie de l'appel incident que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, la décision l'obligeant à quitter le territoire français, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination du même jour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

29. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soient mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2105972/6-2 du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire prononcée à son encontre et ses conclusions présentées devant la Cour ainsi que celles présentées par son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 21PA04025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04025
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TOGOLA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-22;21pa04025 ?
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