Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement d'intérêt public " Formation santé animale et auxiliaire vétérinaire " (GIPSA) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2018 portant enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles, en tant qu'il enregistre à ce répertoire sous l'intitulé " assistant de structure vétérinaire ", au niveau IV de la nomenclature des niveaux de formation, la certification délivrée par l'Institut privé de para-médical - SupVéto (IPAM) et par la Compagnie toulousaine d'enseignement et de formation (CTEF).
Par un jugement n° 1821239/6-3 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis l'intervention de la société IPAM et a annulé l'arrêté du 11 juillet 2018 portant enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles, en tant qu'il enregistre à ce répertoire sous l'intitulé " assistant de structure vétérinaire ", au niveau IV de la nomenclature des niveaux de formation, la certification délivrée par l'IPAM et par la CTEF.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2020, la société IPAM, représentée par Me Sfez, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 8 octobre 2020 en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 11 juillet 2018 ;
2°) de mettre à la charge du GIPSA la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute ne comporte aucune signature, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la demande de première instance du GIPSA était irrecevable, ce dernier n'ayant pas d'intérêt à agir contre l'arrêté du 11 juillet 2018 ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que des irrégularités de procédure entachaient d'illégalité l'arrêté litigieux ; l'absence de mention des noms des membres de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) sur le courrier de convocation qui leur a été adressé ne suffit pas à établir qu'ils auraient été irrégulièrement convoqués ou que ce courrier n'aurait pas été transmis à l'ensemble des membres ; ledit courrier mentionnait le lieu, la date, l'horaire et l'ordre du jour de la réunion, et il a été envoyé dix jours avant la tenue de celle-ci ; le tableau utilisé par la CNCP comportait bien la date du 25 mai 2018, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, et il atteste que vingt membres se sont prononcés favorablement pour un enregistrement de la certification concernée ; enfin, l'ordre du jour de la séance de la commission spécialisée prévue le 18 mai 2018, mentionnant la demande présentée par l'IPAM et la CTEF, figure dans ce tableau ;
- c'est également à tort que le tribunal a considéré que les irrégularités qu'il a constatées ont pu exercer une influence sur le sens de l'arrêté litigieux ;
- en tout état de cause, il appartenait aux premiers juges de moduler dans le temps les effets de l'annulation prononcée, eu égard à ses effets manifestement excessifs sur son activité, sur la situation des étudiants ayant suivi la formation qu'elle délivre et sur l'activité des cabinets vétérinaires ; il existe un intérêt général à maintenir les effets de la décision litigieuse ; un tel maintien présenterait des inconvénients minimes dès lors que le fond de la décision n'est pas entaché d'illégalité.
Par un mémoire enregistré le 26 avril 2021, l'association Animal pro formation (APFORM), représentée par la SCP Rousseau - Tapie, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société IPAM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la CTEF et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction est intervenue le 28 mai 2021.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société IPAM assure des formations continues à destination de salariés relevant du secteur paramédical. Elle a proposé à partir de 2003 une formation d'assistant vétérinaire, pour laquelle elle a sollicité un enregistrement de certification auprès de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP). Sa demande a fait l'objet d'un avis favorable de la CNCP le 25 mai 2018. Par un arrêté du 11 juillet 2018, la ministre du travail a notamment enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) la certification " Assistant de structure vétérinaire " délivrée par l'IPAM et par la Compagnie toulousaine d'enseignement et de formation (CTEF). Par un jugement du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris, saisi par le groupement d'intérêt public " Formation santé animale et auxiliaire vétérinaire " (GIPSA), aux droits duquel est venue l'APFORM, a annulé l'arrêté du 11 juillet 2018 en tant qu'il enregistrait au RNCP la certification " Assistant de structure vétérinaire " délivrée par l'IPAM et par la Compagnie toulousaine d'enseignement et de formation (CTEF). La société IPAM demande à la cour d'annuler ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, contrairement à ce que soutient la société requérante, la minute du jugement attaqué, produite devant la cour, comporte bien la signature manuscrite des magistrats qui l'ont rendu.
3. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le GIPSA, aux droits duquel est venue l'APFORM, a été créé en 2005 par le ministère de l'agriculture et le syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral. Il avait notamment pour activité la délivrance de qualifications dans le domaine vétérinaire, mentionnées par la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires. Il avait par suite qualité lui donnant intérêt à demander l'annulation de l'arrêté litigieux en tant qu'il enregistrait au RNCP la certification " Assistant de structure vétérinaire " délivrée par l'IPAM et par la CTEF. La société IPAM n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas rejeté la demande du GIPSA comme irrecevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 335-12, alors en vigueur, du code de l'éducation : " Le répertoire national des certifications professionnelles contribue à faciliter l'accès à l'emploi, la gestion des ressources humaines et la mobilité professionnelle. Il permet de tenir à la disposition des personnes et des entreprises une information constamment mise à jour sur les diplômes et les titres à finalité professionnelle ainsi que sur les certificats de qualification établis par les commissions paritaires nationales de l'emploi des branches professionnelles. / Les certifications enregistrées dans le répertoire sont reconnues sur l'ensemble du territoire national. / L'enregistrement dans le répertoire national concerne la seule certification proprement dite. ". Aux termes de l'article R. 335-15 du même code : " L'enregistrement d'un diplôme, d'un titre ou d'un certificat de qualification au répertoire national des certifications professionnelles est soumis aux conditions fixées aux articles R. 335-16 à R. 335-19. ". Par ailleurs, en vertu de l'article R. 335-24 de ce code, la CNCP comprend trente-trois membres dotés d'une voix délibérante. Aux termes de l'article R. 335-27 dudit code : " La Commission nationale de la certification professionnelle délibère à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, le président a voix prépondérante. (...) ". Aux termes de son article R. 335-28 : " Pour l'instruction des demandes d'enregistrement dans le répertoire national, et afin de préparer ses avis, la Commission nationale de la certification professionnelle s'appuie sur les travaux d'une commission spécialisée. ". Enfin, aux termes de l'article R. 335-30 du même code : " La Commission nationale de la certification professionnelle est chargée d'établir et de mettre à jour le répertoire national des certifications professionnelles. A cette fin : / 1° Elle enregistre tous les diplômes et titres professionnels délivrés par l'Etat qui ont été créés après avis d'instances consultatives auxquelles les organisations représentatives d'employeurs et de salariés sont parties ; / 2° Elle instruit toutes les autres demandes d'enregistrement ; elle vérifie notamment que chaque certification répond aux conditions d'enregistrement définies aux articles R. 335-15 à R. 335-19 ; / 3° Elle établit et actualise le répertoire national des certifications professionnelles. Elle veille au renouvellement et à la création des certifications professionnelles ainsi qu'à leur constante adaptation aux mutations des métiers et de l'emploi liées aux évolutions des qualifications, aux changements des organisations et au progrès technologique ; elle veille également à la complémentarité et à la cohérence entre les diplômes et titres à finalité professionnelle ; (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 133-13 du code des relations entre le public et l'administration : " Le procès-verbal de la réunion de la commission indique le nom et la qualité des membres présents, les questions traitées au cours de la séance et le sens de chacune des délibérations. Il précise, s'il y a lieu, le nom des mandataires et des mandants. / Tout membre de la commission peut demander qu'il soit fait mention de son désaccord avec l'avis rendu. / L'avis rendu est transmis à l'autorité compétente pour prendre la décision. ". Et aux termes de l'article R. 133-1 du même code : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux commissions administratives à caractère consultatif, quelle que soit leur dénomination, placées auprès des autorités de l'Etat et des établissements publics administratifs de l'Etat, à l'exception des autorités administratives indépendantes et des commissions créées pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, de l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et des articles L. 4124-1 et R. 4124-1 à R. 4124-25 du code de la défense. / Constituent des commissions administratives à caractère consultatif au sens du présent chapitre toutes les commissions ayant vocation à rendre des avis sur des projets de texte ou de décision même si elles disposent d'autres attributions. / Les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent ni aux commissions administratives à caractère consultatif composées exclusivement d'agents de l'Etat, ni aux instances d'étude ou d'expertise, ni aux organes créés au sein des établissements publics administratifs de l'Etat ou des services à compétence nationale pour assister leurs autorités compétentes dans l'exercice de leurs missions. Elles ne s'appliquent pas non plus aux comités constitués pour entendre les personnes susceptibles d'être nommées à certains emplois publics. ".
6. Le GIPSA invoquait, en première instance, l'irrégularité de la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté attaqué, faute notamment de démonstration par la ministre du travail du respect, lors de la séance de la CNCP le 25 mai 2018, des règles de quorum, et de justification de la réunion de la commission spécialisée prévue à l'article R. 335-28 précité du code de l'éducation. Il est constant que la ministre du travail n'a produit, en défense, aucun procès-verbal de la réunion de la CNCP permettant de considérer que les règles de quorum ont été respectées, ni aucun élément suffisamment probant permettant de regarder comme établie la réunion d'une commission spécialisée. Le seul tableau produit à cette fin, dont la date d'établissement n'est pas connue et qui n'indique pas le nom et la qualité des membres de la commission présents, ne saurait tenir lieu d'un tel procès-verbal. De même, la seule production de l'ordre du jour de la commission spécialisée prévue le 18 mai 2018 ne saurait suffire à établir que celle-ci s'est bien tenue. Par ailleurs, la régularité de la procédure suivie constitue, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des compétences techniques nécessaires à la prise de la décision en litige, une garantie pour les administrés. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a retenu le moyen tiré du vice de procédure.
7. Il résulte de ce qui précède que la société IPAM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 11 juillet 2018 en tant qu'il enregistrait au RNCP la certification " Assistant de structure vétérinaire " délivrée par l'IPAM et par la CTEF.
Sur les conclusions tendant à la modulation dans le temps des effets de l'annulation prononcée :
8. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'annulation des dispositions de l'arrêté du 11 juillet 2018 enregistrant au RNCP la certification " Assistant de structure vétérinaire " délivrée par l'IPAM et par la CTEF, serait susceptible d'emporter des conséquences justifiant de réputer définitifs leurs effets passés, eu égard notamment à l'absence de précision apportée par la société requérante quant aux conséquences sur les personnes effectivement formées, dont le nombre n'est au demeurant pas indiqué, de l'absence d'enregistrement de la formation suivie au RNCP, ou aux effets de ce défaut sur l'activité des cabinets vétérinaires ayant recruté les personnes ainsi formées. Les conclusions tendant à ce que les effets de l'annulation prononcée par le tribunal soient modulés dans le temps doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'APFORM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société IPAM et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à l'APFORM sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société IPAM est rejetée.
Article 2 : La société IPAM versera la somme de 1 500 euros à l'APFORM sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Institut privé de para-médical - SupVéto (IPAM), à la Compagnie toulousaine d'enseignement et de formation (CTEF), à l'association Animal pro formation (APFORM) et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLe greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03835