Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité déposée le 21 mars 2013 pour son infirmité " séquelles de fractures ouvertes de la jambe droite par engin explosif ".
Par un jugement n° 15/00008 du 9 mars 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, enregistrés à son greffe la requête et un mémoire complémentaire présentés par M. E... les 20 avril 2018 et 27 septembre 2019 et le mémoire en défense présenté par la ministre des armées le 22 février 2019.
Par cette requête et ce mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 19PA03670 le 1er novembre 2019, M. E..., représenté par Me Grès, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 15/00008 du 9 mars 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;
2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015 ;
3°) d'ordonner à la ministre des armées de le rétablir dans ses droits.
Il soutient que les éléments médicaux produits permettent d'accueillir la demande d'aggravation pour sa seconde infirmité pensionnée à la date de sa demande, soit le 21 mars 2013.
Par ce mémoire en défense et des pièces enregistrés au greffe de la Cour les
1er novembre 2019 et 15 novembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de
M. E... et à la confirmation de la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., né le 10 décembre 1939, a été incorporé le 7 mars 1959 et rayé des contrôles le 11 mars 1962. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée par arrêté du 6 février 2006, au taux global de 55 %, pour les infirmités " 1 - séquelles de section du paquet vasculo nerveux tibial postérieur droit : troubles dysesthésiques, douleurs pédieuses avec périmètre de marche à 10 minutes, pouls distaux inexistantes sur un pied froid - doppler artériel/absence de sténose proximale " avec un taux d'invalidité de 35 % " et " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif : consolidation clinique et radiologique, raccourcissement de 1 cm avec récurvatum de 10°, gêne à la marche " avec un taux de 20 %. Ces deux infirmités ont fait l'objet d'un rapport dans le registre de constatation le 7 février 1961 qui mentionne que les blessures reçues sont survenues à l'occasion du service le 24 janvier 1961 pendant la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie ou au Maroc. Le 21 mars 2013, M. E... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de sa deuxième infirmité et le ministre de la défense lui a opposé un refus le 27 janvier 2015 au motif que le taux de son infirmité ne s'est pas accru du minimum de 10 % exigé pour être pris en compte. M. E... a formé un recours contre cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris lequel a ordonné une mesure d'expertise, confiée au docteur B..., qui a rendu son rapport le 3 mai 2017. Par jugement n° 15/00008 du 9 mars 2018, dont M. E... relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Il appartient aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie en motivant expressément leur décision sur ce point en mentionnant les éléments sur lesquels ils se fondent.
3. Il résulte de l'instruction que M. E... bénéficie depuis l'arrêté du
6 février 2006 d'une pension militaire d'invalidité définitive notamment pour l'infirmité " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif : consolidation clinique et radiologique, raccourcissement de 1 cm avec récurvatum de 10°, gêne à la marche " pour laquelle un taux d'invalidité de 20 % a été retenu. Le 21 mars 2013, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité.
4. Lors de son examen réalisé le 27 février 2014, le docteur A..., mandaté par l'administration, a relevé que les doléances de M. E..., à savoir des douleurs de la cheville droite irradiant vers le genou et la hanche à la marche, des douleurs à gauche mais moins intenses, des douleurs diminuant au repos sans s'arrêter, la prise de doliprane pour calmer les douleurs et des douleurs quotidiennes, parfois nocturnes, entrent dans le cadre de la première infirmité et correspondent toujours à un taux d'invalidité de 35 % qui reste inchangé. Il a, par ailleurs, indiqué que l'examen médical avait révélé l'existence d'un élément nouveau par rapport à l'expertise antérieure du docteur D..., à savoir une image lacunaire radiologique localisée au niveau fracturaire associée à une déminéralisation importante justifiant que le taux d'invalidité au titre de l'infirmité " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif (...) " soit porté de 20 % à 25 %, correspondant, par suite, à une aggravation inférieure à 10 % par rapport au pourcentage antérieur. Dans son rapport établi le 3 mai 2017, le docteur B..., expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, a relevé, lors de son examen réalisé le 16 février 2017, " une légère diminution de la flexion plantaire au niveau de la cheville et des freinages de la sousastragalienne et de la médio-tarsienne " ainsi qu'une " rétraction des orteils avec tendance à l'avant-pied rond ". Il considère qu'au vu de cet examen clinique, " aucun élément ne permet de modifier les conclusions du docteur A..., sachant que les douleurs et les gênes fonctionnelles sont intriquées entre les séquelles purement orthopédiques et les séquelles vasculaires " et que " le retentissement douloureux sera majoré dans le temps du fait du vieillissement ". Il conclut que le 21 mars 2013, date la demande de révision de la pension au titre de la seconde infirmité dont souffre M. E..., une aggravation de 5 % est constatée due à une légère accentuation des gênes fonctionnelles de la marche.
5. Si M. E... conteste les conclusions des deux experts précités en se prévalant de la déformation du pied entraînant un appui rétro-capital " avant-pied rond avec une légère rétraction des orteils " et du varus de l'arrière-pied dont il souffre, qui constituent selon lui des aggravations à prendre en compte, il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments seraient apparus avant le compte rendu de consultation orthopédique du 21 octobre 2016, lequel est postérieur au 21 mars 2013, date de dépôt de la demande de révision de la pension pour aggravation, et ne saurait ainsi être pris en compte pour cette appréciation dès lors que l'expertise précitée réalisée par le docteur A... à la date la plus proche de cette demande ne révèle pas de telles constatations médicales. Par ailleurs, s'il se prévaut du certificat médical établi le 7 décembre 2012 par le docteur F... constatant une nette aggravation de son état et une marche devenue quasiment inenvisageable, il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments n'auraient pas été pris en compte par les experts précités lors de l'examen médical de l'intéressé et ils sont insuffisants pour établir que l'aggravation serait supérieure aux 5 % proposés par ces derniers. Enfin, si M. E... soutient que le docteur A... n'a pas, dans ses conclusions, suffisamment pris en considération l'amyotrophie du mollet droit qui résulte de l'examen clinique comparatif de la mensuration des deux jambes ainsi que les genoux constatés comme étant froids, il n'apporte là encore aucun élément susceptible d'établir que ces circonstances sont de nature à remettre en cause le taux d'aggravation de 5 % retenu par les deux experts précités à la date du 21 mars 2013. Dans ces conditions, M. E... n'établit pas qu'au 21 mars 2013, date de la demande de révision de sa pension pour l'infirmité " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif (...) ", le taux d'invalidité s'était aggravé d'au moins 10 %.
6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA03670