Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2109351 du 2 août 2021, le tribunal administratif de Montreuil a, admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Joory, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2109351 du 2 août 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 juillet 2021 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer sa demande sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'administration de respecter les dispositions des articles 31 et 32 du règlement UE 604/2013 dans l'exécution de la décision de transfert ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision contestée :
- n'est pas assez motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 41.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, le compte-rendu de l'entretien individuel ne comportant pas l'identification de l'agent ayant mené l'entretien ;
- méconnaît l'article 4 de ce règlement U dès lors que la production de la seule première page des brochures A et B est insuffisante à établir que ces brochures ont été remises dans leur intégralité ;
- méconnaît l'article 3 du même règlement, dès lors qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs ;
- méconnait les dispositions de l'article 17 du même règlement dès lors que les autorités françaises auraient dû appliquer la clause discrétionnaire ;
- méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 4 et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis , qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de justice de Paris du 8 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, a été reçue en préfecture le 9 mars 2021 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaitre que ses empreintes avaient été relevées par les autorités italiennes le 2 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a saisi ces autorités, le 10 mars 2021, d'une demande de reprise en charge qu'elles ont implicitement acceptée le 10 mai 2021. Par un arrêté du 7 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné le transfert de Mme A... aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Mme A... relève appel du jugement du 2 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté du 7 juillet 2021, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de la remise de Mme A... aux autorités italiennes, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, comporte le visa du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers. En outre cet arrêté indique qu' " au regard des résultats de la consultation du fichier Eurodac dont il est ressorti que les empreintes de l'intéressée ont été relevées en catégorie 2 par les autorités italiennes le 02/12/2020 ", que " l'intéressée, majeure, non titulaire d'un titre de séjour ou d'un visa en cours de validité et ne pouvant justifier de la présence d'un membre de sa famille bénéficiaire ou demandeur de la protection internationale, a franchi irrégulièrement la frontière italienne en venant d'un pays tiers " et " qu'en conséquence, au regard de l'article 13 du règlement précité, les autorités italiennes doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de l'intéressée ". Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient Mme A..., l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis ordonnant son transfert aux autorités italiennes n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans lequel il est capable de communiquer. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) 6. L'Etat membres qui mène l'entretien rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...). L'Etat membre veille à ce que le demandeur (...) ait accès en temps utile au résumé ". Aux termes de l'article R. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur depuis le 1er mai 2021: " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile et prendre une décision de transfert (...) est le préfet de département (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du résumé de son entretien individuel produit par le Préfet devant les premiers juges, que Mme A... a bénéficié le 9 mars 2021 d'un entretien individuel avec un agent qualifié de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Dans ces conditions et en l'absence de tout élément contraire versé au dossier, cet agent doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. La circonstance que le résumé de l'entretien individuel de Mme A... ne mentionne pas l'identité de l'agent est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, dès lors qu'une telle obligation n'est pas prévue par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ". Aux termes de l'article
R. 741-1
6. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a produit en défense les premières pages des brochures figurant en annexe X du règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014 : " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), ainsi que le Guide du Demandeur d'Asile, rédigés en langue française et en langue bambara, langues que Mme A... a déclaré comprendre. La traduction par téléphone en langue dioula, que Mme A... a également déclaré comprendre, a permis de s'assurer que la requérante comprenait le contenu de ces documents, qui sont revêtus de l'indication de la date de remise, le 9 mars 2021, et de la signature de l'intéressée. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".
8. L'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles une demande d'asile est traitée par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Mme A... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie du fait de l'afflux massif de demandeurs dans ce pays dont les capacités d'accueil seraient dépassées en se fondant sur des documents généraux, sans se prévaloir de considérations particulières permettant d'établir que son dossier serait traité par les autorités italiennes d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme A... n'établit pas que sa demande d'asile serait traitée par les autorités italiennes d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qui l'exposerait à subir des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de la Seine- Saint- Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013, ni méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de ladite convention : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Alors que Mme A..., célibataire et sans charge de famille, n'est entrée en France qu'en 2021 et n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige, doit ainsi être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministère de l'intérieur
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021.
Le rapporteur,
F. DORÉ
Le président,
J. LAPOUZADELa greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05290