Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté de la ministre du travail du 29 mars 2019 portant agrément de l'opérateur de compétences de la construction (OPCO Construction) et, d'autre part, d'annuler la décision du 26 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail a refusé de retirer cet arrêté.
Par un jugement n° 1922034 et 1921941/3-3 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 mars 2019 et la décision de la ministre du travail de refus de retrait de cet arrêté du 26 juillet 2019.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par la FNSCBA-CGT devant le tribunal.
Elle soutient que :
- c'est par une mauvaise interprétation du 4° de l'article R. 6332-4 du code du travail que les premiers juges ont considéré que le conseil d'administration de l'opérateur de compétences devait être composé de l'ensemble des organisations syndicales de salariés relevant des branches afférentes, qu'elles soient représentatives ou non, alors que cette interprétation est contraire aux dispositions du III de l'article L. 6332-1-1 du même code qui subordonne l'agrément à l'existence d'un accord entre les organisations syndicales des salariés et les organisations professionnelles des employeurs représentatives d'une ou plusieurs branches qui composent le champ de l'accord ; les dispositions du 4° de l'article R. 6332-4 du code du travail doivent être lues à l'aune de l'article R. 6332-9 du même code qui prévoient que le conseil d'administration de l'opérateur de compétences est composé d'un nombre égal de représentants des salariés et des employés désignés parmi les organisations signataires, ce qui implique nécessairement que les représentants en cause soient ceux des organisations représentatives, au sens de l'article L. 6332-1-1 du même code ; en tout état de cause, les organisations non signataires peuvent siéger au sein des instances mentionnées au 2° de l'article R. 6332-8 du code du travail, à savoir les sections paritaires professionnelles de branches ou des commissions paritaires ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'accord interbranche n'avait pas prévu la présence de " l'ensemble " des organisations syndicales de salariés des branches concernées dans les instances dirigeantes de l'OPCO alors qu'il résulte clairement des éléments soumis aux juges de première instance qu'aucune stipulation de l'accord n'interdit à la FNSCBA-CGT ou toute autre organisation syndicale représentative de siéger au sein des sections professionnelles paritaires et commissions paritaires prévues à l'article 5.6 de l'accord constitutif du 14 décembre 2018, comme le prévoient les alinéas 12 et 13, et 15 et 16 du même article ;
- en ce qui concerne le moyen soulevé en première instance tiré du prétendu vice de procédure pour non consultation du syndicat préalablement à l'édiction de l'arrêté portant agrément de l'OPCO de la construction, l'appréciation de la demande d'agrément d'un opérateur de compétences s'exerce au regard des seules conditions fixées par l'article L. 6332-1-1 du code du travail qui n'oblige, pas plus qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire, à aucune concertation préalable avec les organisations syndicales représentatives ;
- en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du " principe général de représentativité " de l'ensemble des organisations syndicales de salariés en ce qu'il exclut la FNSCBA-CGT, il sera écarté dès lors que cette dernière est en mesure de siéger dans les sections paritaires professionnelles de branches ou dans les commissions paritaires de l'OPCO ;
- en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des règles de transparence de la gouvernance de l'OPCO de la construction, si le syndicat requérant soutenait que l'arrêté portant agrément méconnaît l'article L. 6332-1-1 du code du travail en l'absence de dévolution du patrimoine de l'OPCA Constructys à l'OPCO à la date du 29 mars 2019, aucun statut associatif n'avait été signé et il était donc impossible pour les administrateurs du futur OPCO d'organiser une telle dévolution patrimoniale ; en outre, aucune des dispositions de l'article L. 6332-1-1 du code du travail ne subordonne la délivrance de cet agrément à la règle invoquée par la fédération requérante ;
- en ce qui concerne le moyen tiré des réserves formulées par la ministre du travail sur l'accord constitutif du 14 décembre 2018 qui empêcherait son extension, ces réserves concernaient trois sujets sans incidence sur les conditions de délivrance de l'agrément ;
- en ce qui concerne le moyen tiré de ce que la nomination d'un administrateur provisoire depuis le 27 février 2020 caractériserait les dysfonctionnements de l'OPCO, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'agrément litigieux ;
- en ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de convocation du syndicat à la négociation des statuts de l'OPCO, les dispositions de l'article R. 6332-9 du code du travail et l'article 1er de l'accord interbranche du 14 décembre 2018 interdisent au syndicat de participer aux négociations statutaires dès lors qu'il n'est pas signataire de l'accord ; aucun texte législatif ou réglementaire ou norme supérieure n'impose que la fédération participe aux négociations statutaires d'un accord collectif qu'elle n'avait pas signé ;
- en ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 29 mars 2019 en ce qu'il procède à l'agrément de l'OPCO de la construction qui n'avait pas encore de capacité juridique en l'absence de dépôt de ses statuts, il est constant que l'association dénommée Constructys n'a jamais cessé d'exister ; le récépissé de déclaration du 16 mai 2019 porte sur la seule modification d'une association déjà existante et non sur la création d'une nouvelle association ; le tribunal judiciaire de Paris, dans son jugement du 4 février 2020, a considéré que les partenaires sociaux avaient entendu créer l'OPCO de la construction en modifiant les statuts de l'OPCA Constructys sans discontinuité dans la capacité juridique de l'organisme ;
- en ce qui concerne moyen tiré du vice de procédure dans serait entachée la décision rejetant le recours gracieux du syndicat en raison de l'irrégularité de la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté du 29 mars 2019 et de l'absence de réponse à sa demande d'audition du
13 juin 2019, l'arrêté portant agrément de l'OPCO de la construction n'a pas été pris au regard des statuts associatifs mais conformément aux dispositions du III de l'article L. 6332-1-1 du code du travail ; outre que la régularité des statuts associatifs ne peut être utilement contestée devant le juge administratif, aucune des critiques n'est de nature à porter une atteinte à la représentativité de la fédération ;
- la fédération n'apporte aucune justification permettant aux juges d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de ce que la condition prévue au 1° de l'article R. 6332-4 du code du travail ne serait pas remplie ; la transmission des éléments statistiques et financiers des exercices 2019 et 2020, telle que prévue à l'article R. 6332-31 du code du travail, suffit à faire échec aux arguments de la fédération requérante ;
- en ce qui concerne la condition prévue au 5° de l'article R. 6332-4 du code du travail, les statuts associatifs prévoient la présence d'un commissaire du gouvernement au sein du conseil d'administration et le moyen manque en fait ;
- pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de rejet de la demande de retrait d'agrément, du principe de représentativité de l'ensemble des organisations syndicales de salariés relevant des branches adhérentes à l'OPCO, ne pourra qu'être écarté ;
- au cas où la Cour ferait droit à la demande de la FNSCBA-CGT en confirmant l'annulation de l'arrêté litigieux, elle devra différer les effets de cette annulation dans le temps dès lors que cette annulation rendrait impossible pour l'OPCO de financer la formation professionnelle des 200 000 entreprises et des 1,4 million de salariés couverts, emportant des conséquences manifestement excessives sur le financement de l'apprentissage et des actions de formation dans le secteur de la construction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2021, la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA CGT), représentée par Me Farran, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 600 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Farran, représentant la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA CGT).
Considérant ce qui suit :
1. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion relève appel du jugement du
29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 mars 2019 portant agrément de l'opérateur de compétences de la construction (OPCO Construction), ainsi que sa décision du 26 juillet 2019 de refus de retrait de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Il ressort du mémoire en défense de la FNSCBA CGT qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté litigieux par le jugement attaqué du tribunal administratif de Paris du 29 juin 2021 et de l'arrêt du 23 juillet 2021 de la Cour administrative d'appel de Paris rejetant la demande de sursis à exécution de cet arrêté, un nouvel accord constitutif de l'OPCO Construction (Constructys) a été signé le 27 juillet 2021 et un nouvel arrêté ministériel d'agrément de cet OPCO a été édicté le
29 juillet 2021 et publié au journal officiel le 30 juillet suivant. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier et n'est pas allégué que l'arrêté du 29 mars 2019 n'aurait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur, ni que la décision procédant à son abrogation aurait acquis un caractère définitif. Par suite, contrairement à ce que soutient la FNSCBA CGT, les conclusions à fin d'annulation de la requête ne sont pas devenues sans objet.
4. Aux termes de l'article L. 6332-1-1 du code du travail : " I.- L'opérateur de compétences est agréé par l'autorité administrative pour gérer les fonds mentionnés aux 1° et c du 3° de l'article L. 6123-5. Il a une compétence nationale. / (...) III.- L'agrément est subordonné à l'existence d'un accord conclu à cette fin entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives d'une ou plusieurs branches qui composent le champ d'application de l'accord. / (...) ". Aux termes de l'article R. 6332-4 du même code : " L'agrément est accordé en application du II de l'article L. 6332-1-1 lorsque les opérateurs de compétences : / (...) 4° Sont dirigés par un conseil d'administration ou disposent des organes mentionnés au 2° de l'article R. 6332-8 permettant d'assurer une représentation de l'ensemble des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs relevant des branches adhérentes de l'opérateur de compétences ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 6332-9 du même code : " Le conseil d'administration de l'opérateur de compétences est composé d'un nombre égal de représentants des salariés et des employeurs désignés parmi les organisations signataires. Les membres du conseil d'administration peuvent se faire représenter par un suppléant désigné selon les mêmes modalités que le titulaire. / La composition du conseil d'administration tient compte de la diversité des branches professionnelles adhérentes. ".
5. L'accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018 relatif à la constitution de l'OPCO de la construction, conclu entre des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives sur le fondement des dispositions précitées du III de l'article L. 6332-1-1 du code du travail, et sur la validité duquel, ainsi que l'a rappelé le tribunal, le juge administratif a compétence pour se prononcer lorsqu'il est saisi d'une contestation de la légalité de l'arrêté ministériel d'agrément de l'opérateur de compétences, stipule, à son article 5.2 relatif au Conseil d'administration : " L'association est gérée par un Conseil d'administration paritaire composé d'un nombre égal de représentants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives des branches professionnelles adhérentes ou signataires à l'Opérateur de compétences de la Construction. / (...) Le collège salariés est composé de 20 membres désignés par les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au sein d'au moins deux branches professionnelles distinctes, signataires ou adhérentes au présent accord, constitutives de l'Opérateur de compétences de la Construction. Chaque organisation syndicale prédéfinie désigne quatre représentants et arrête en son sein la répartition de ses sièges. ". L'article 5.6 du même accord, qui organise des sections professionnelles paritaires thématiques (Bâtiment, Travaux publics, Négoce des matériaux de construction et Architecture et cadre de vie) et des commissions paritaires, stipule : " Les Sections professionnelles paritaires sont composées : / • Pour le collège salariés, de 2 représentants au maximum par organisation syndicale représentative de la branche relevant de la section, / • Pour le collège employeurs, d'un nombre égal de représentants. Ceux-ci sont répartis entre les organisations professionnelles représentatives de la branche relevant de la section selon une règle définie entre elles. / Les Commissions paritaires sont composées : / • Pour le collège salariés, le nombre de représentants peut être porté à 3 représentants par organisations syndicales représentatives des branches relevant de la commission paritaire. / • Dans ce cas, le collège employeurs comprend un nombre égal de représentants répartis entre les organisations d'employeurs représentatives des branches relevant de la Commission paritaire selon une règle définie entre eux. ".
6. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées du premier alinéa de l'article R. 6332-9 du code du travail, du III de l'article L. 6332-1-1 du même code et du 4° de l'article R. 6332-4 du même code que " le conseil d'administration de l'opérateur de compétences est composé d'un nombre égal de représentants des salariés et des employeurs désignés parmi les organisations signataires " de l'accord prévu par le III de l'article L. 6332-1-1, ces organisations signataires de l'accord étant " les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives d'une ou plusieurs branches qui composent le champ d'application de l'accord ". Par suite, l'article 5.2 de l'accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018, qui stipule que le conseil d'administration est bien " composé d'un nombre égal de représentants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives des branches professionnelles adhérentes ou signataires à l'Opérateur de compétences de la Construction ", ne fait que reprendre les dispositions combinées précitées. En conséquence, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé au point 5 du jugement attaqué que le conseil d'administration de l'OPCO de la construction devait être composé de l'ensemble des organisations syndicales de salariés relevant des branches adhérentes de l'opérateur, que ces organisations syndicales soient représentatives ou non, pourvu qu'elles relèvent d'une des branches adhérentes de l'opérateur de compétences et que les stipulations de l'article 5.2 de l'accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018 étaient contraires au 4° de l'article R. 6332-4 du code du travail.
7. Toutefois, en deuxième lieu, d'une part, aux termes des dispositions précitées de l'article R. 6332-4 du code du travail, l'octroi de l'agrément ministériel aux opérateurs de compétences est notamment subordonné à l'existence d'un Conseil d'administration permettant d'assurer une représentation de l'ensemble des organisations syndicales de salariés relevant des branches adhérentes. D'autre part, les stipulations de l'article 5.2 de l'accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018, citées au point 5 du présent arrêt, limitent l'accès au Conseil d'administration (collège salariés) de l'OPCO de la construction aux seules organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au sein d'au moins deux branches professionnelles distinctes, signataires ou adhérentes de l'accord. Ainsi, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire du code du travail ne prévoit une telle restriction, la FNSCBA-CGT est fondée à soutenir que les stipulations de l'article 5.2 de l'accord collectif du 14 décembre 2018 relatives à la composition du collège salarié du conseil d'administration méconnaissent les dispositions de l'article
R. 6332-4 du code du travail.
8. En troisième lieu, aux termes des dispositions précitées de l'article R. 6332-4 du code du travail, l'octroi de l'agrément ministériel aux opérateurs de compétences est subordonné, quand les opérateurs de compétences disposent des organes mentionnés au 2° de l'article R. 6332-8 du même code, c'est-à-dire " des sections paritaires professionnelles de branches ou des commissions paritaires afférentes à un champ plus large, ou relatives aux activités complémentaires ", à la condition que ces dernières permettent " d'assurer une représentation de l'ensemble des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs relevant des branches adhérentes de l'opérateur de compétences ". Par suite, la FNSCBA-CGT est également fondée à soutenir que l'article 5.6 de l'accord constitutif du 14 décembre 2018, en tant qu'elles limitent aux seules organisations représentatives la participation aux sections professionnelles paritaires et aux commissions paritaires, introduisent une restriction qui n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire du code du travail et méconnaissent les dispositions de l'article R. 6332-4 de ce code travail.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la FNSCBA-CGT devant le tribunal, que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 mars 2019 portant agrément de l'OPCO de la construction et sa décision du 26 juillet 2019 refusant de retirer l'arrêté du 29 mars 2019.
Sur les conclusions tendant à la limitation dans le temps des effets de l'annulation prononcée par le tribunal :
10. D'une part, l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
11. D'autre part, lorsque le juge d'appel est saisi d'un jugement ayant annulé un acte administratif et qu'il rejette l'appel formé contre ce jugement en ce qu'il a jugé illégal l'acte administratif, la circonstance que l'annulation ait été prononcée par le tribunal administratif avec un effet rétroactif ne fait pas obstacle à ce que le juge d'appel, saisi dans le cadre de l'effet dévolutif, apprécie, conformément à ce qui vient d'être dit au point précédent, et à la date à laquelle il statue, s'il y a lieu de déroger en l'espèce au principe de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse et détermine, en conséquence, les effets dans le temps de l'annulation, en réformant le cas échéant sur ce point le jugement de première instance.
12. Si la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion soutient que l'annulation de l'arrêté litigieux rendrait impossible le financement de la formation professionnelle des 200 000 entreprises et des 1,4 million de salariés concernés par les actions de l'OPCO de la construction, emportant des conséquences manifestement excessives sur le financement de l'apprentissage et des actions de formation dans le secteur de la construction, elle n'apporte aucun justificatif au soutien de ses conclusions ni n'indique jusqu'à quelle date il conviendrait, selon elle, de maintenir temporairement les effets de l'arrêté du 29 mars 2019 alors qu'au surplus le Tribunal judiciaire de Paris a, par un jugement du 4 février 2020, annulé les statuts de l'OPCO de la construction et, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, l'arrêté du 29 mars 2019 a été abrogé à compter de la publication de l'arrêté du 29 juillet 2021. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion) le paiement à la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est rejetée.
Article 2 : L'Etat (ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion) versera à la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) et à l'opérateur de compétences de la construction.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Aude Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
L'assesseure la plus ancienne,
M-D. JAYERLa présidente - rapporteure,
M. A...
Le greffier,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03772