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17/12/2021 | FRANCE | N°21PA03221

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 17 décembre 2021, 21PA03221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 mai 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905770 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet du Val-de-Marne ou à tout autre préfet territorialement compétent de déli

vrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de trois...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 mai 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905770 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet du Val-de-Marne ou à tout autre préfet territorialement compétent de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Karasu au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Karasu renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA03221 le 10 juin 2021, la préfète du Val-de-Marne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905770 du 7 mai 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. C..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA05465 le 19 octobre 2021, la préfète du Val-de-Marne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1905770 du

7 mai 2021 du tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Karasu, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Val-de-Marne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2019 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; subsidiairement, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 17 mai 2019 du préfet du Val-de-Marne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les observations de Me Karasu, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant turc né le 20 mars 1992 à Halfeti, serait entré en France le

3 mars 2017 selon ses déclarations. Le 28 mars 2018, il a sollicité auprès du préfet du Val-de-Marne son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié, sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 17 mai 2019, le préfet a pris à son encontre un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. La préfète du Val-de-Marne fait appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 17 mai 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié ".

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par la préfète du Val-de-Marne étant formés contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 313-2 ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, doit conduire l'autorité administrative à vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. Pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont estimé que M. C... justifiait d'une présence régulière en France depuis le mois d'avril 2017, d'une activité professionnelle continue depuis cette date, exercée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et que, dans ces conditions, la préfète du Val-de-Marne, en refusant de faire droit à sa demande, avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14, dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

6. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir la préfète du Val-de-Marne, que M. C..., entré en France selon ses déclarations un an plus tôt n'a déposé une demande de régularisation de sa situation que le 28 mars 2018. En tout état de cause, l'activité professionnelle de l'intéressé, employé polyvalent dans la restauration, quand bien même serait-elle exercée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis le 15 mars 2017, ne l'était que depuis deux ans et deux mois à la date de l'arrêté en litige correspondant à l'ancienneté de l'intéressé sur le territoire français. Cet emploi ne revêt par ailleurs pas de spécificité particulière. Enfin, célibataire et sans charge de famille, M. C... ne fait pas état d'une particulière insertion au sein de la société française et ne justifie pas être dépourvu de liens avec son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté pour les motifs rappelés au point 5.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens invoqués par M. C... communs aux trois décisions :

8. Par un arrêté n° 2018/3423 du 19 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du 6 au 19 octobre 2018, M. D... B..., directeur de l'immigration et de l'intégration, a reçu délégation à l'effet de signer les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

9. L'arrêté litigieux vise les textes dont il est fait application, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. C..., dont les éléments sur lesquels la préfète du Val-de-Marne s'est fondée pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, pour l'obliger à quitter le territoire français et pour fixer le pays de renvoi. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de chacune des décisions attaquées et permet ainsi au requérant d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation ne peuvent qu'être écartés.

Sur les moyens propres à la décision portant refus de titre de séjour :

10. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C..., la préfète du Val-de-Marne a retenu que ce dernier n'avait produit des justificatifs de salaire versé par l'entreprise Dergah que pour la période allant d'avril 2017 à février 2018 sans préciser la nature exacte de son contrat à durée déterminée ou indéterminée. A supposer que cette décision soit entachée d'une erreur de fait, dès lors que l'intéressé a déposé sa demande de titre le 28 mars 2018 et ne démontre pas avoir fait parvenir aux services préfectoraux des bulletins de salaire postérieurs, il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision si elle avait pris en compte une ancienneté de travail plus importante. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

11. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ils ne peuvent qu'être écartés.

12. En dernier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 de l'arrêt.

Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Les moyens dirigés contre la décision refusant un titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français doit l'être également.

14. Les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ils ne peuvent qu'être écartés.

Sur le moyen propre à la décision fixant le pays de destination :

15. Il y a lieu d'écarter, pour le même motif que celui énoncé au point précédent, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 17 mai 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Les conclusions de première instance et en appel de M. C... doivent par conséquent être rejetées, en ce comprises celles tendant à qu'une indemnité soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la demande de sursis à exécution :

17. Le présent arrêt statuant sur les conclusions de la requête n° 21PA03221 de la préfète du Val-de-Marne tendant à l'annulation du jugement n° 1905770 du 7 mai 2021 du tribunal administratif de Melun, les conclusions de sa requête n°21PA05465 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1905770 du 7 mai 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA05465 de la préfète du Val-de-Marne.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Karusu et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

M-D. JayerLe président,

I. Luben

La greffière,

N. DahmaniLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 21PA03221 et 21PA05465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03221
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : KARASU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;21pa03221 ?
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