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17/12/2021 | FRANCE | N°20PA02671

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 17 décembre 2021, 20PA02671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société calédonienne de connectivité internationale (SCCI) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, avant dire-droit, de saisir l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie d'une demande d'avis et d'autre part, une fois cet avis rendu, d'annuler l'arrêté n° 2020-127/GNC du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 4 février 2020 modifiant l'arrêté n° 2019-433/GNC du 26 février 2019 portant approbation des tarifs et redevance en matière de télécommunicatio

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Par un jugement n° 2000052 du 6 août 2020, le Tribunal administratif de Nouv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société calédonienne de connectivité internationale (SCCI) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, avant dire-droit, de saisir l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie d'une demande d'avis et d'autre part, une fois cet avis rendu, d'annuler l'arrêté n° 2020-127/GNC du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 4 février 2020 modifiant l'arrêté n° 2019-433/GNC du 26 février 2019 portant approbation des tarifs et redevance en matière de télécommunications.

Par un jugement n° 2000052 du 6 août 2020, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, après avoir recueilli l'avis de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie saisie sur le fondement de l'article Lp. 462-3 du code de commerce, a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la SCCI.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le

3 novembre 2021, la SCCI, représentée par le cabinet Bredin Prat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 6 août 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2020-127/GNC du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du

4 février 2020 portant approbation de la réforme tarifaire de l'OPT-NC ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir contre l'arrêté litigieux ;

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut d'analyse du moyen tiré de l'absence de saisine de l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie en amont de l'adoption de l'arrêté litigieux, en violation de l'article Lp 462-2 du code de commerce ;

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur ce moyen ;

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- l'arrêté n° 2020-127/GNC du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 4 février 2020 est entaché d'un vice de procédure dès lors que son adoption aurait dû être précédée d'une transmission à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie conformément à l'article Lp. 411-1 du code de commerce ; cette absence de transmission l'a privée d'une garantie et est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision qui a été prise ;

- cet arrêté est entaché d'un autre vice de procédure tiré de l'absence de saisine de l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie en amont de l'adoption de l'arrêté litigieux, en violation de l'article Lp 462-2 du code de commerce ; cette absence de saisine l'a privée d'une garantie et est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision qui a été prise ;

- cet arrêté porte une atteinte disproportionnée aux principes de liberté du commerce et de l'industrie et de libre concurrence ; dans son avis du 6 juillet 2020, l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie confirme le caractère potentiellement anticoncurrentiel de la réforme tarifaire approuvée par cet arrêté ; l'OPT-NC ne dispose d'aucun monopole légal ni réglementaire en matière de services de capacités de connectivité internationale à haut débit ; le marché de ces services étant ouvert à la concurrence, l'intervention de l'OPT-NC sur ce marché doit respecter les principes de liberté du commerce et de l'industrie, de liberté d'entreprendre et de libre concurrence ; la réforme tarifaire engagée par l'OPT-NC en décembre 2019 ne respecte pas ces principes puisqu'elle méconnaît notamment l'interdiction des abus de position dominante prévue à l'article Lp 421-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie ; dans ces conditions l'arrêté du 4 février 2020 qui approuve cette réforme tarifaire méconnaît lui-même les principes de liberté du commerce et de l'industrie, de liberté d'entreprendre et de libre concurrence ; le juge administratif est tenu d'annuler les actes administratifs ayant pour effet de placer des entreprises dans une situation telle qu'elles seront automatiquement et nécessairement amenées à abuser de leur position dominante ;

- si le tribunal a repris à son compte l'analyse de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie sur la délimitation du marché pertinent des services de capacités de connectivité internationale, ainsi que sur l'existence d'une position dominante de l'OPT-NC sur ce marché, il a interprété les dispositions des articles 211-3 et 221-3 du code des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie comme prévoyant implicitement un monopole de l'OPT-NC sur ce marché ; ces articles sont cependant d'interprétation stricte dès lors qu'en attribuant des droits exclusifs à l'OPT-NC, ils dérogent au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre ; en outre, ils sont de nature réglementaire alors que le Conseil d'Etat considère que l'instauration d'un régime restrictif de concurrence est normalement réservé au législateur ; l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 qui constitue la base légale de ces dispositions n'institue aucun monopole ; ces articles ne confèrent littéralement aucun monopole à l'OPT-NC en matière de télécommunications et n'interdisent pas à d'autres opérateurs d'intervenir sur ces marchés ; le marché des capacités de connectivité internationale, en particulier d'origine satellitaire est déjà dans les faits ouvert à la concurrence sans que l'OPT-NC s'y soit opposé ; à supposer que l'OPT-NC dispose d'un monopole sur les missions de service public listées à l'article 211-2 du code des postes et télécommunications, ce monopole ne saurait en tout état de cause couvrir le marché des services de capacités de connectivité internationale ; l'interprétation de la rédaction de l'article 211-1 retenue par le tribunal est erronée et contraire à la lecture de ce texte par l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie dans son avis du 6 juillet 2020 ; dans la mesure où les câbles sous-marins ne constituent ni des supports radioélectriques, ni des supports terrestres, ni des supports satellitaires, ils ne constituent pas de " supports matériels " au sens de de l'article 221-2 du code ; l'interprétation de cet article par le tribunal est en outre contredite par l'analyse des travaux préparatoires du code ; l'absence de monopole de l'OPT-NC sur le marché des services de capacités de connectivité internationale a été relevée dans une étude indépendante commandée par le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie dès 2018 comme l'a rappelé l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie dans son avis du 6 juillet 2020 ;

- la Cour pourrait, au besoin, en prononçant un sursis à statuer, adresser au Conseil d'État une demande d'avis contentieux sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, sur l'existence d'un monopole de l'OPT-NC en matière de fourniture de capacité de connectivités internationales.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2021, l'Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (OPT-NC), représenté par la SELARL d'avocats Royanez, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SCCI à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faut d'intérêt pour agir de la SCCI ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2021, le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie en la personne de son président et représentée par la société d'avocats Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SCCI à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faut d'intérêt pour agir de la SCCI ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, toutes deux relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de commerce dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;

- le code des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- les observations de Me Billard, représentant la société calédonienne de connectivité internationale (SCCI) et les observations de Me Royanez, représentant l'Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (OPT-NC).

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 11 septembre 2019, le conseil d'administration de l'office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (OPT-NC) a proposé une modification de ses tarifs en fusionnant les offres de trafic local et de trafic international et permettant une baisse des tarifs proposés aux fournisseurs d'accès internet (FAI) de 40%. Cette modification tarifaire a été soumise pour approbation au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie conformément aux dispositions de l'article 127-3° de la loi organique de 1999. Le gouvernement a approuvé ces nouveaux tarifs par arrêté n° 2020-127/GNC du 4 février 2020.

2. La société calédonienne de connectivité internationale (SCCI), qui a pour projet de construire un câble sous-marin de télécommunication (TOMOO) permettant de raccorder la Nouvelle-Calédonie au câble sous-marin HAWAIKI, reliant les Etats-Unis à l'Australie et à la Nouvelle Zélande en passant par Hawaï, a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 6 août 2020 par lequel le tribunal, après avoir recueilli l'avis rendu le 6 juillet 2020 par l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie sur trois questions, a rejeté sa requête.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête de la SCCI :

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de ses conclusions, la SCCI se prévaut de son projet de construction d'un câble sous-marin de télécommunication, de la baisse d'au moins 50% des tarifs de gros sur les capacités de connectivité internationale qui résulterait de cette alternative à l'unique liaison filaire internationale dont dispose la Nouvelle-Calédonie par le câble GONDWANA exploité par l'OPT-NC et du dépôt d'un dossier de présentation de son projet au président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le 30 août 2019. Toutefois, à la date de l'introduction de sa requête, la SCCI, qui ne pouvait se prévaloir ni de la qualité de cliente de l'OPT-NC, ni en tant que fournisseur d'accès internet (FAI) ni en tant que fournisseur de services internet (FSI), ni de concurrente commerciale de ce dernier dès lors qu'elle n'était détentrice d'aucune autorisation de construction du câble sous-marin, ne justifiait pas être lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par les nouveaux tarifs qu'elle conteste, ni disposer d'un intérêt direct et certain à demander l'annulation de l'arrêté du gouvernement de Nouvelle-Calédonie les approuvant, alors, au demeurant, qu'elle a saisi l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie d'une demande visant à suspendre l'application de l'offre tarifaire litigieuse. Par suite, l'OPT-NC et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie sont fondés à soutenir que la SCCI ne dispose pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 4 février 2020 portant approbation de la réforme tarifaire de l'OPT-NC.

4. Il résulte de ce qui précède que la SCCI n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'OPT-NC et du gouvernement de Nouvelle-Calédonie présentées sur ce même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCCI est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des autres parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société calédonienne de connectivité internationale, à la Nouvelle-Calédonie, à l'office des postes et télécommunication de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Ivan Luben, président de chambre,

Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

Mme Maire-Dominique Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

M. JULLIARD

Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20PA02671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02671
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS ROYANEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;20pa02671 ?
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