Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Aboca a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 14 juin 2017 du ministre de l'économie et des finances refusant la déclaration de mise sur le marché du produit Finocarbo Plus / Gélule, ensemble la décision implicite de rejet du
14 octobre 2017 de son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au ministre de prendre une nouvelle décision autorisant la commercialisation du produit, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de deux mois à compter du jugement, sous astreinte, enfin, de condamner l'État à lui verser la somme de 275 000 euros, sous réserve d'augmentation ou de diminution en cours de procédure, au titre de l'indemnisation du préjudice subi lié au refus de déclaration de mise sur le marché du produit Finocarbo Plus / Gélule, dans un délai de deux mois à compter du jugement, sous astreinte.
Par un jugement n° 1719087 du 9 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le
4 juin 2021, la société Aboca représentée par le cabinet d'avocats Daldewolf, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 14 juin 2017 refusant la déclaration de mise sur le marché du produit Finocarbo Plus / Gélule, ensemble la décision implicite de rejet du 14 octobre 2017 de son recours gracieux ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 1 887 573 euros, sous réserve d'augmentation ou de diminution en cours de procédure, au titre de l'indemnisation du préjudice subi lié au refus de déclaration de mise sur le marché du produit Finocarbo Plus / Gélule, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- contrairement aux motifs de sa décision initiale, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne semble plus soutenir que les huiles essentielles de fenouil et de menthe poivrée contenues dans le produit Finocarbo Plus ne sont pas autorisées en France puisqu'elle soutient en appel désormais uniquement que ces huiles essentielles présentent un risque pour la santé de certains consommateurs, les femmes enceintes et les enfants en bas âge ;
- la décision litigieuse n'est pas conforme à l'arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi dès lors qu'aucune restriction n'est imposée s'agissant de l'intégration d'huiles essentielles de menthe poivrée et de fenouil dans les compléments alimentaires pas plus que les recommandations sanitaires de la DGCCRF pour l'emploi d'huiles essentielles dans les compléments alimentaires du 1er janvier 2019 ; elle est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la DGCCRF ne pouvait se fonder sur les recommandations de l'Agence européenne du médicament relatives aux médicaments pour refuser la mise sur le marché d'un complément alimentaire qui ne constitue pas un médicament ; en tout état de cause, même en appliquant ces recommandations concernant l'estragole (methylchavicol), les dosages maximum employés dans Finocarbo Plus sont très inférieurs à ces recommandations ; en ce qui concerne l'huile essentielle de menthe poivrée, depuis la recommandation de l'Agence européenne du médicament de 2007 citée par la DGCCRF, un rapport d'évaluation de la substance est intervenu en 2008 qui reconnaît que cette substance est particulièrement répandue et sûre ;
- lors de la première notification du produit le 20 novembre 2007, conformément à l'article 16 du décret n° 2006-352, la composition en huiles essentielles de fenouil et de menthe poivrée n'avait fait l'objet d'aucune objection ;
- si dans sa décision du 18 avril 2017, la DGCCRF renvoie à un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES) du 21 décembre 2007 qui soulignait le caractère toxique des huiles essentielles de manière générale, dans cet avis ainsi que dans celui du 11 avril 2012, l'agence indique que cette toxicité concerne certaines huiles essentielles mentionnées dans l'arrêté sur l'emploi de plantes autres que les champignons dans les compléments alimentaires ; en tout état de cause, à l'époque où la DGCCRF était saisie de l'examen de la première notification du produit Finocarbo Plus, cet avis n'avait pas eu pour conséquence une décision de refus de la déclaration ;
- les compléments alimentaires sont des denrées alimentaires couvertes par le règlement 178/2002/CE ; en indiquant que le complément alimentaire Finocarbo Plus devait être considéré comme dangereux, la DGCCRF a enfreint les dispositions de l'article 14 du règlement 178/2002/CE ;
- en ce qui concerne la teneur en menthe poivrée du Finocarbo Plus, la décision de la DGCCRF n'est pas conforme à la législation et à la littérature scientifique ;
- en ce qui concerne l'estragol, le tribunal n'a pas répondu au constat selon lequel les recommandations de l'Agence européenne du médicament sur lesquelles se fonde la décision litigieuse se réfèrent à un usage pharmaceutique et non sont pas applicables au domaine alimentaire ; la recommandation d'une exposition à la molécule d'estragol la plus faible possible est générale et non chiffrée qui ne peut légitimement être utilisée par l'administration pour prendre une décision objective et non arbitraire ; le second critère selon lequel la dose maximale recommandée de 0,5 mg/j devrait également tenir compte de l'ingestion d'estragol dans le cadre d'un régime alimentaire normal ne peut être retenu sans une analyse in concreto de la situation d'une personne qui ingérerait le Finocarbo Plus en plus de son régime alimentaire normal ; or la dose d'estragol ingérée pour une personne dans le cadre de son régime alimentaire est d'au maximum de125 mg/jour ajoutée à une cure de 4 gélules de Finocarbo Plus, dose maximale recommandée, équivalant à 0,16 mg/jour représente 0. 285 mg/jour au maximum, soit une dose très inférieure à la dose de 0,5 mg/jour recommandée par l'Agence européenne du médicament ; en outre, le tribunal ne pouvait se référer aux recommandations de l'Agence européenne du médicament de 2020 alors que l'acte en litige date de 2017 ;
- la décision litigieuse méconnaît le règlement 1334/2008/CE relatif aux arômes et à certains ingrédients alimentaires et son annexe III (partie B) qui liste les doses maximales bien plus élevées que les quantités contenues dans les gélules de Finocarbo Plus ; la DGCCRF a fait une application erronée de l'article 14 du règlement 178/2002/CE ;
- cette décision méconnaît les articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dès lors que la DGCCRF ne démontre pas comme il lui incombe de le faire par une évaluation approfondie du risque allégué, que les substances contenues dans le produit en cause présentent un risque réel pour la santé publique et dès lors sa décision constitue une entrave à la libre circulation des marchandises ; dès lors que le législateur européen n'a pas prévu de règles spécifiques concernant les plantes ou extraits de plantes utilisés comme ingrédients dans les compléments alimentaires, les Etats membres conservent leurs compétences pour adopter leur propre législation concernant les compléments alimentaires à base de plantes ; en prenant la décision litigieuse, la DGCCRF a créé une entrave au commerce intracommunautaire dans la mesure où la commercialisation des compléments alimentaires à base de plantes est soumise à une évaluation arbitraire de sa part alors même que le produit est légalement fabriqué et commercialisé dans un autre État membre et se conforme aux prescriptions nationales en la matière ; une telle pratique administrative constitue dès lors une mesure d'effet équivalent à une restrictions quantitatives au sens de l'article 34 TFUE ; dès lors que dans sa réponse du 21 novembre 2017 à la plainte déposée auprès de la Commission européenne, cette dernière n'exclut pas la potentielle violation du droit de l'Union européenne, la Cour pourrait poser une question préjudicielle en interprétation à la CJUE sur l'illégalité de la pratique de la DGCCRF au regard de l'article 14 § 9 du règlement 178/2002/CE et des articles 34 et 36 du TFUE ;
- la décision litigieuse méconnaît la directive 2015/1535/UE dès lors que si l'Etat français entend ajouter de nouvelles conditions concernant les caractéristiques requises pour les huiles essentielles, l'arrêté du 24 juin 2014 aurait dû être notifié selon la procédure TRIS ;
- l'illégalité fautive qui entache cette décision engage la responsabilité de l'État et est à l'origine d'un préjudice total de 1 887 573 euros incluant outre la perte de chiffres d'affaires pour les années 2017 à 2020, une somme de 25 000 euros pour les frais de tous les matériaux, produits finis se trouvant en entrepôts et stocks de produits, une somme de 50 000 euros pour le dommage commercial et une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral.
Par des mémoires en défense enregistrés le 4 mai 2021 et le 14 septembre 2021 et, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La société Aboca a présenté un mémoire enregistré le 2 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 34 et 36,
- la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires,
- la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information,
- le règlement n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires,
- le règlement n° 1334/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif aux arômes et à certains ingrédients alimentaires possédant des propriétés aromatisantes qui sont destinés à être utilisés dans et sur les denrées alimentaires,
- le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires,
- l'arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bogaert, représentant la société Aboca.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier en date du 22 février 2017, la société Aboca, spécialisée dans la production et la vente de compléments alimentaires à partir de substances complexes dérivées de plantes, a notifié à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), sur le fondement de l'article 16 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006, une déclaration de mise sur le marché du produit Finocarbo Plus / Gélule. Par une réponse en date du 18 avril 2017, l'administration lui a transmis plusieurs objections à la mise sur le marché du produit, relatives à la présence d'huiles essentielles de fenouil et de menthe poivrée dans la composition du produit. Par un courrier en date du 17 mai 2017, la société Aboca a transmis ses observations en faisant valoir que les résultats d'une analyse conduite sur les substances mises en cause concluaient à leur absence de danger. Par une décision en date du 14 juin 2017, la DGCCRF a refusé la déclaration, considérant que les éléments apportés par la société Aboca n'étaient pas de nature à remettre en cause les objections opposées, qu'aucune modification n'étant apportée à la demande initiale et que compte tenu des caractéristiques du produit et de l'absence d'avertissements adéquats pour alerter les populations à risque, le produit Finocarbo Plus / Gélule était considéré comme dangereux au sens de l'article 14 du règlement 178/2002. Le recours gracieux formé par la société Aboca contre cette décision a été implicitement rejeté par décision du 14 octobre 2017. Elle relève appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 14 juin 2017 refusant la déclaration de mise sur le marché du produit Finocarbo Plus / Gélule ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'économie et des finances de prendre une nouvelle décision, enfin, à la condamnation de l'État à lui verser la somme de
275 000 euros, portée à 1 887 573 euros en appel, au titre de l'indemnisation de son préjudice.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 14 du règlement n° 178/2002 susvisé : " Prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires / 1. Aucune denrée alimentaire n'est mise sur le marché si elle est dangereuse. / 2. Une denrée alimentaire est dite dangereuse si elle est considérée comme : / a) préjudiciable à la santé ; / b) impropre à la consommation humaine. / (...) 4. Pour déterminer si une denrée alimentaire est préjudiciable à la santé, il est tenu compte : / a) de l'effet probable immédiat et/ou à court terme et/ou à long terme de cette denrée alimentaire sur la santé non seulement d'une personne qui la consomme, mais aussi sur sa descendance ; / b) des effets toxiques cumulatifs probables ; / c) des sensibilités sanitaires particulières d'une catégorie spécifique de consommateurs lorsque la denrée alimentaire lui est destinée. / (...) 7. Sont considérées comme sûres les denrées alimentaires conformes à des dispositions communautaires spécifiques régissant la sécurité des denrées alimentaires, en ce qui concerne les aspects couverts par ces dispositions. / 8. La conformité d'une denrée alimentaire à des dispositions spécifiques applicables à cette denrée n'interdit pas aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées pour imposer des restrictions à sa mise sur le marché ou pour exiger son retrait du marché s'il existe des raisons de soupçonner que, malgré cette conformité, cette denrée alimentaire est dangereuse. / 9. En l'absence de dispositions communautaires spécifiques, les denrées alimentaires sont considérées comme sûres si elles sont conformes aux dispositions spécifiques de la législation alimentaire nationale de l'État membre sur le territoire duquel elles sont commercialisées, ces dispositions étant établies et appliquées sans préjudice du traité, et notamment de ses articles 28 et 30. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires : " Les ingrédients mentionnés à l'article 2 ne peuvent être employés dans la fabrication des compléments alimentaires que s'ils conduisent à la fabrication de produits sûrs, non préjudiciables à la santé des consommateurs, comme cela est établi par des données scientifiques généralement acceptées. (...) " et aux termes de l'article 16 du même décret : " La première mise sur le marché français d'un complément alimentaire contenant une substance à but nutritionnel ou physiologique, une plante ou une préparation de plante, ne figurant pas dans les arrêtés prévus aux articles 6 et 7, mais légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen donne lieu à la procédure suivante : 1° L'importateur ou le fabricant établi sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit faire une déclaration à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. ".
4. Enfin, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi : " 1. Le présent arrêté établit les règles applicables aux plantes autres que les champignons dont les préparations peuvent être employées à des fins nutritionnelles ou physiologiques dans les compléments alimentaires. / 2. A ces fins, l'arrêté prévoit : (...) / b) Les conditions applicables aux compléments alimentaires contenant ces préparations de plantes ; / c) Les exigences auxquelles satisfont les responsables de la mise sur le marché de ces préparations de plantes et des compléments alimentaires en contenant. ".
5. En premier lieu, la société Aboca ne peut utilement se prévaloir de ce que lors de la première notification du produit le 20 novembre 2007, la composition en huiles essentielles de fenouil et de menthe poivrée n'avait fait l'objet d'aucune objection de la part de l'administration, dès lors, d'une part, que l'existence de cette première décision implicite est sans incidence sur la légalité des décisions en litige et que, d'autre part, il est constant que le produit a fait l'objet d'une modification de sa composition et que les décisions litigieuses ont été prises sous l'empire d'une réglementation nouvelle.
6. La société Aboca soutient, en deuxième lieu, que les décisions litigieuses ne sont pas conformes à l'arrêté susvisé du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi, dès lors qu'aucune restriction n'est imposée s'agissant de l'intégration d'huiles essentielles de menthe poivrée et de fenouil dans les compléments alimentaires. Toutefois, aux termes de l'annexe 11 de cet arrêté : " 1. Les préparations issues des parties de plantes figurant sur la liste de l'annexe I ne peuvent être employées, seules ou en mélange, que si elles conduisent à la fabrication de compléments alimentaires sûrs, non préjudiciables à la santé des consommateurs, comme cela est établi par des données scientifiques généralement acceptées. (...) ". Par suite, c'est sans méconnaître l'arrêté du 24 juin 2014 que la DGCCRF a pu se référer aux données scientifiques généralement acceptées pour apprécier les effets sur la santé des consommateurs du complément alimentaire soumis à déclaration.
7. La société Aboca soutient, en troisième lieu, que la DGCCRF ne pouvait se fonder sur les recommandations de l'Agence européenne du médicament relatives aux médicaments pour refuser la mise sur le marché d'un complément alimentaire qui ne constitue pas un médicament. Il ressort toutefois de la décision du 14 juin 2017 de la DGCCRF qu'elle n'assimile pas le Finocarbo Plus à un médicament et que, si elle se réfère aux études de l'Agence européenne du médicament relative à la dose acceptable de 0,5 mg/jour pour les produits à base de plantes contenant de l'estragol pour un apport de courte durée (maximum de 14 jours) et déconseillant l'huile essentielle de menthe poivrée aux femmes enceintes et allaitantes en raison de données pertinentes, elle ne se fonde pas exclusivement sur ces études qu'elle pouvait toutefois retenir à titre informatif en présence de risques de toxicité identifiés par la littérature mais mal connus, mais qu'elle se fonde également sur l'absence de démonstration par la société Aboca de la parfaite innocuité des huiles essentielles de fenouil et de menthe poivrée, notamment sur les enfants et les femmes enceintes et allaitantes, en réponse aux objections du 18 avril 2017, qui se référaient elles-mêmes à l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES) du 21 décembre 2007.
8. La société Aboca soutient, en quatrième lieu, que le Finocarbo Plus / Gélule contient des doses très inférieures aux recommandations de l'Agence européenne du médicament citées au point précédent, ainsi qu'aux seuils définis dans le règlement 1334/2008/CE s'agissant des denrées alimentaires, puisque la consommation maximale d'estragol s'élève à 0,16 mg par jour pendant 5 à 12,5 jours pour une consommation de 4 capsules par jour ou 0,08 mg par jour pendant 10 à 25 jours pour une consommation de 2 capsules par jour. Il résulte toutefois des recommandations de l'Agence européenne du médicament du 14 novembre 2014 et du 31 octobre 2007, qu'en raison des effets génotoxiques et carcinogènes de l'estragol établis par la littérature médicale, l'exposition à cette substance doit être aussi faible que possible. Ces mêmes données précisent également que l'usage d'estragol par voie orale devrait se limiter à 14 jours à une dose maximale de 0,5 mg/jour pour un adulte, en tenant également compte de l'ingestion d'estragol via l'alimentation quotidienne. Par suite, en estimant qu'en l'absence d'avertissements adéquats pour déconseiller la consommation du produit en cause aux populations les plus vulnérables, à savoir les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes et pour déconseiller aux consommateurs un usage prolongé de ce complément alimentaire, le produit Finocarbo Plus / Gélule devait être regardé comme dangereux au sens de l'article 14 du règlement 178/2002, la DGCCRF n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
9. La société Aboca soutient, en cinquième lieu, que la décision litigieuse constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 34 TFUE et que, dès lors que dans sa réponse du 21 novembre 2017 à la plainte déposée auprès de la Commission européenne, cette dernière n'exclut pas la potentielle violation du droit de l'Union européenne, la Cour pourrait poser une question préjudicielle en interprétation à la CJUE sur l'illégalité de la pratique de la DGCCRF au regard de l'article 14 § 9 du règlement 178/2002/CE et des articles 34 et 36 du TFUE. Toutefois, il ressort de la réponse à la plainte du 9 août 2017 déposée par la société Aboca contre la France relative à la commercialisation de compléments alimentaires que la Commission européenne estime que n'ayant pu identifier " aucune preuve d'une pratique générale, d'un problème de compatibilité de la législation nationale avec le droit de l'UE ou d'un manquement systématique au droit de l'UE ", elle informe la société qu'elle a l'intention " de clore cette affaire " et qu'elle incite en outre la société Aboca à s'adresser aux juridictions nationales compétentes. Par suite et sans qu'il soit besoin de saisir la CJUE d'une question préjudicielle, il y a lieu d'écarter ce moyen.
10. La société Aboca soutient, enfin, que les décisions litigieuses méconnaissent la directive susvisée du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, dès lors que si l'Etat français entend ajouter de nouvelles conditions concernant les caractéristiques requises pour les huiles essentielles, l'arrêté du 24 juin 2014 aurait dû être notifié selon la procédure TRIS (Technical Regulation Information System). Toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que l'arrêté du 24 juin 2014 n'est pas le fondement légal des décisions litigieuses.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. Les décisions litigieuses n'étant entachées d'aucune illégalité, les conclusions de la société Aboca tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive qu'aurait commise l'État à raison desdites décisions, ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aboca n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence du rejet de ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Aboca est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aboca et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Ivan Luben, président de chambre,
Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
Mme Maire-Dominique Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
La rapporteure,
M. JULLIARD
Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02627