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17/12/2021 | FRANCE | N°20PA01677

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 17 décembre 2021, 20PA01677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La France du Nord au Sud a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 avril 2019 par laquelle la ministre du travail, d'une part, a retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique présenté par Mme C... contre la décision du 25 juillet 2018 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement, d'autre part, a annulé cette décision de l'inspectrice du travail et, enfin, a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C... et d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La France du Nord au Sud a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 avril 2019 par laquelle la ministre du travail, d'une part, a retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique présenté par Mme C... contre la décision du 25 juillet 2018 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement, d'autre part, a annulé cette décision de l'inspectrice du travail et, enfin, a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C... et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1911879 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société La France du Nord au Sud.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, la société La France du Nord au Sud, représentée par Me Beneteau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du 15 avril 2019 de la ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a loyalement satisfait à son obligation de reclassement de la salariée concernée au sens des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail dès lors qu'elle a proposé à cette dernière, de manière détaillée, les dix postes disponibles au sein du groupe Pierre et Vacances Center Parcs en respectant les préconisations du médecin du travail, lequel n'a pas précisé que les postes proposés devaient être à temps partiel.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2020, Mme C..., représentée par

Me Le Coguiec à laquelle s'est substituée Me Pailler, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société La France du Nord au Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2021, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement conformément à l'article L. 1226-10 du code du travail et à la jurisprudence, que les démarches que celui-ci a entreprises en vue du reclassement de la salariée n'ont pas pris en compte les préconisations du médecin du travail mentionnant la possibilité pour la salariée d'exercer une activité similaire à son précédent poste dans un autre établissement, c'est-à-dire, à temps partiel, et qu'en cas de contestation par la salariée de la compatibilité du poste de reclassement proposé avec les recommandations du médecin du travail, ce dernier doit être à nouveau consulté.

Par ordonnance du 30 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Beneteau, avocat de la société La France du Nord au Sud.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée le 3 octobre 2010 par la société La France du Nord au Sud, spécialisée dans le secteur d'activité des agences de voyage. A compter du 1er mai 2016, elle y a exercé les fonctions de directrice administrative et financière, à temps partiel. Elle y bénéficiait de la protection spéciale au titre de son mandat d'adjoint au maire de la ville de Deuil-la-Barre (Val d'Oise) depuis les élections municipales des 23 et 30 mars 2014. Le 23 février 2017, Mme C... a été victime d'un accident du travail et a été consécutivement en arrêt de travail jusqu'au 26 février 2018. Le 27 février 2018, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu à son inaptitude à son emploi de directrice administrative et financière. L'employeur ayant demandé au médecin du travail par courrier du 28 février 2018 de préciser son avis d'inaptitude, par lettre du

5 mars 2018, celui-ci a indiqué que la salariée était inapte au poste de directrice administrative et financière au sein de l'établissement " La France du Nord au Sud ", mais qu'elle pouvait occuper un poste similaire dans un autre établissement du groupe. Une recherche de reclassement a alors été menée par l'employeur. Le 9 avril 2018, dix postes à temps plein ont été proposés à Mme C.... Celle-ci les a refusés par courrier du 26 avril 2018, en estimant que les préconisations médicales du médecin du travail n'étaient pas respectées. Le 3 mai suivant, elle a été convoquée à un entretien préalable à licenciement qui s'est déroulé le 23 mai 2018. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juin 2018 reçue le 6 juin 2018, la société " La France du Nord au Sud " a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour inaptitude. L'autorisation sollicitée a été accordée par décision du 25 juillet 2018 de l'inspecteur du travail et Mme C... a été licenciée le 31 juillet 2018. Par courrier du 6 septembre 2018 reçu le 10, celle-ci a formé un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail. Une décision implicite de rejet de ce recours est née le 11 janvier 2019. Par une décision du 15 avril 2019, la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 juillet 2018 et, enfin, a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C.... La société " La France du Nord au Sud " relève appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions de la ministre du travail du 15 avril 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ".

3. En vertu du livre IV de la deuxième partie du code du travail et des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur, qui disposent que " lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du présent article [les maires, d'une part, ainsi que les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, d'autre part] sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail ", le licenciement de salariés qui détiennent un mandat de maire, d'une part, ou d'adjoint au maire de communes de

10 000 habitants au moins, d'autre part, bénéficient d'une protection exceptionnelle en vue de la protection des mandats politiques qu'ils exercent. Leur licenciement ne peut ainsi intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions électives exercées par l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Par ailleurs, l'appréciation du caractère sérieux des recherches menées par l'employeur tient compte des motifs avancés par le salarié pour refuser les postes proposés. Lorsque le salarié conteste la compatibilité du poste proposé avec les recommandations du médecin du travail, il appartient à l'employeur de solliciter à nouveau l'avis de ce dernier.

4. Il ressort des pièces du dossier que, dans le courrier du 26 avril 2018 par lequel elle a refusé les propositions de reclassement présentées par la société " La France du Nord au Sud ", Mme C... a indiqué, d'une part, que les postes proposés étaient sous-qualifiés, avec une rémunération moindre, et que son employeur disposait de postes équivalents à sa situation initiale dans le groupe, et d'autre part, qu'elle estimait que ce dernier n'avait pas respecté les préconisations du médecin du travail en lui proposant des postes à temps plein dans d'autres filiales du groupe auquel appartient la société, dès lors qu'elle occupait jusqu'à son accident du travail un poste à temps partiel à raison de 24 heures hebdomadaires et alors que, tant l'avis du 27 février 2018 que le courrier du 5 mars 2018 du médecin du travail, indiquaient qu'elle pourrait occuper un poste similaire dans un autre établissement du groupe. Il en résulte que Mme C... a contesté la compatibilité des postes de reclassement qui lui ont été proposés avec les préconisations du médecin du travail. Dès lors que la compatibilité des postes avec les recommandations de ce médecin était contestée par la salarié, et sans que soit opposable, à la supposer même établie, la circonstance que la salariée bénéficiait d'une activité à temps partiel pour commodités personnelles, en l'occurrence pour l'exercice de son mandat électif, c'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont estimé que la ministre du travail avait légalement considéré qu'il appartenait à l'employeur de solliciter à nouveau le médecin du travail afin d'obtenir un avis complémentaire sur le caractère approprié des postes proposés à temps plein, en relevant, au surplus, que l'employeur ne démontrait pas l'impossibilité de proposer un poste aussi comparable que possible au précédent poste, qui était occupé à temps partiel, au besoin par la mise en œuvre de mesures de mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou d'aménagement du temps de travail, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 1226-10 du code du travail.

5. Il résulte de ce qui précède que la société La France du Nord au Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 15 avril 2019 par lesquelles la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique présenté par Mme C... contre la décision du 25 juillet 2018 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement, a annulé cette décision de l'inspectrice du travail et, enfin, a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C....

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société La France du Nord au Sud et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société La France du Nord au Sud est rejetée.

Article 2 : La société La France du Nord au Sud versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La France du Nord au Sud, à la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

M-D. B...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne à la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01677
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET FROMONT BRIENS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;20pa01677 ?
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