Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 249 800 euros en réparation des préjudices matériels qu'elle estime avoir subis, ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, du fait de la faute qui aurait été commise par les services fiscaux dans l'établissement et le recouvrement de l'impôt.
Par un jugement n° 1902973 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2020, Mme B..., représentée par Me Perrault, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902973 du 4 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 249 800 euros en réparation des préjudices matériels, qu'elle estime avoir subis, ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral, qu'elle estime avoir subi, du fait de la faute qui aurait été commise par les services fiscaux dans le recouvrement de l'impôt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale a commis une faute dans l'établissement de l'assiette de l'imposition supplémentaire qui a été mise en recouvrement alors qu'un dégrèvement lui a été ensuite accordé, et une faute dans la mise en recouvrement de l'imposition supplémentaire ;
- ces fautes lui ont causé des préjudices matériels constitués par la perte de son appartement suite à sa saisie, sa condamnation à une indemnité d'occupation au profit de l'adjudicataire, la perte du bénéfice de son épargne salariale causée par des avis à tiers détenteur émis par le Trésor Public, des frais bancaires par l'effet des avis à tiers détenteur du Trésor Public, et un préjudice moral au titre de la détérioration de son état psychologique et physique.
Par un mémoire en défense enregistré, le 21 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinot,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Perrault, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est séparée de son époux depuis octobre 1999 et a divorcé de ce dernier le 18 novembre 2003. Son ex-époux, et elle, ont fait l'objet d'impositions distinctes à l'impôt sur le revenu au titre des années 2002, 2003 et 2004. A la suite d'un contrôle sur pièces portant sur l'impôt sur le revenu dû par Mme B..., l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification datée du 13 décembre 2005 portant sur ces trois années. En l'absence d'observations de sa part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises en recouvrement les 31 mai et 31 décembre 2006, au titre des mêmes années, pour un montant total de 27 011 euros. Par une réclamation datée du 18 septembre 2007, Mme B... a contesté ces impositions supplémentaires en critiquant en particulier la prise en compte des revenus fonciers provenant de la location du bien immobilier situé à Croissy-sur-Seine qu'elle détenait en indivision avec son ex-conjoint. Par une décision du 16 octobre 2007, le service a prononcé le dégrèvement de la somme de 7 432 euros après avoir ramené l'assiette de l'impôt dû au titre des loyers du logement de Croissy-sur-Seine à 50 % de ces loyers, pour tenir compte de la détention en indivision de ce bien immobilier. Les impositions demeurant alors à la charge de Mme B..., mises en recouvrement, se sont ainsi trouvées ramenées au montant de 19 579 euros.
2. Une nouvelle réclamation présentée par Mme B... ayant été rejetée, par une décision du 15 septembre 2009, la requérante a saisi le conciliateur fiscal de Paris qui, par décision du 23 octobre 2009, a confirmé le bien-fondé des impositions demeurées à sa charge mais lui a accordé, par mesure de bienveillance, la remise gracieuse des droits et pénalités correspondants aux revenus fonciers imposables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales. Le dégrèvement correspondant a été prononcé le même jour pour un montant de 6 815 euros, les impositions demeurant alors à la charge de Mme B..., mises en recouvrement, se trouvant ainsi ramenées au montant de 12 764 euros.
3. Entre-temps, en l'absence de présentation, par Mme B..., d'une demande tendant à l'octroi du sursis de paiement, un avis à tiers détenteur émis le 20 février 2007 a été notifié à l'employeur de la requérante, et des retenues sur ses salaires avaient ainsi été pratiqués de mars 2007 à mars 2009, à hauteur de 22 442,25 euros.
4. Par une lettre du 16 octobre 2018, Mme B... a adressé une demande indemnitaire au ministre de l'action et des comptes publics en vue de la réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle estimait avoir subis du fait des fautes qui aurait été commises par le service dans l'assiette et le recouvrement des impositions supplémentaires litigieuses. En l'absence de réponse du ministre, une décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire est intervenue. Par un jugement du 4 novembre 2020, dont Mme B... fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 249 800 euros en réparation des préjudices matériels qu'elle estime avoir subis, ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, du fait de la faute qui aurait été commise par les services fiscaux dans l'établissement et le recouvrement de l'impôt.
Sur l'existence d'une faute commise par l'administration fiscale :
En ce qui concerne l'établissement de l'imposition :
5. En premier lieu, Mme B... soutient que le service aurait commis une erreur dans l'assiette de l'imposition en ce qu'elle n'aurait pas été imposable au titre des revenus fonciers provenant de la location du bien immobilier de Croissy-sur-Seine dès lors que son ex-conjoint aurait perçu l'intégralité des loyers provenant de la location de ce bien au cours des années 2002 à 2004. Toutefois, la requérante ne conteste pas qu'elle détient la moitié des droits de propriété de ce bien dont son ex-époux est, avec elle, copropriétaire indivis, à parts égales. Or chaque propriétaire indivis est tenu fiscalement de déclarer à l'impôt sur le revenu la quote-part correspondant à ses droits dans le revenu net total de l'indivision, et toute renonciation à cette quote-part doit être réputée constituer une libéralité, dépourvue d'influence sur le montant sur le revenu imposable du contribuable.
6. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le service a commis une faute en envisageant dans la proposition de rectification du 13 décembre 2005, la reprise de l'intégralité des revenus fonciers perçus de la location du bien immobilier de Croissy-sur-Seine. Il résulte, toutefois, de l'instruction qu'une mise en demeure de déposer une déclaration de revenus fonciers avait été adressée à la requérante le 20 octobre 2005, qui faisait état de ce que le défaut de réponse du contribuable serait sanctionné par l'engagement d'une procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Ce courrier a été retourné à l'administration fiscale avec la mention " non réclamé retour à l'envoyeur ". De plus, la proposition de rectification du 13 décembre 2005 adressée à la requérante l'invitait à présenter ses observations dans un délai de 30 jours sur les différentes rectifications envisagées par le service, dont celle relative aux revenus fonciers. Or Mme B... n'a présenté aucune observation à cette proposition de rectification. Enfin, en l'absence de pièces justificatives jointes à sa réclamation contentieuse du 18 septembre 2017, les services fiscaux ont demandé à Mme B... par lettre du 27 septembre 2007 de produire une copie de l'intégralité du jugement de divorce du 18 novembre 2003 et de l'ordonnance de non-conciliation ainsi que des décisions provisoires prises par le juge pendant la procédure de divorce. Ce n'est qu'à la faveur de la réponse enfin apportée par la contribuable que le service a été mise en mesure de calculer précisément l'assiette de l'imposition supplémentaire devant être mise à sa charge.
7. En dernier lieu, si le conciliateur fiscal a accordé, par mesure de bienveillance, une remise des droits et pénalités correspondant à l'imposition de la quote-part des revenus fonciers de Mme B... tirés de la location du bien indivis, cette remise gracieuse ne remet pas en cause le bien-fondé des impositions supplémentaires maintenues à la charge de la contribuable au titre des revenus fonciers après l'examen de sa réclamation contentieuse.
8. Dans ces conditions, aucune faute ne peut être reprochée à l'administration fiscale dans l'établissement de l'imposition litigieuse.
En ce qui concerne le recouvrement de l'imposition :
9. La requérante soutient que le service a commis une faute en lui réclamant le versement d'impositions dont elle a par la suite obtenu le dégrèvement.
10. Toutefois, d'une part, il ressort des éléments énoncés au point 1 que le dégrèvement prononcé le 16 octobre 2007, à hauteur la somme de 7 432 euros, est intervenu peu de temps après que Mme B... ait présenté les documents justifiant de ce qu'elle ne devait être imposée que sur 50 % des loyers perçus sur le logement de Croissy-sur-Seine.
11. D'autre part, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que, le 23 octobre 2009, elle a obtenu un dégrèvement prononcé à titre gracieux et par mesure de bienveillance à hauteur de 6 815 euros, pour soutenir que le comptable public aurait commis une faute en procédant au recouvrement de cette somme préalablement à l'intervention de ce dégrèvement.
12. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme B... a présenté sa réclamation contentieuse seulement le 18 septembre 2007, soit plus d'un an après la mise en recouvrement des premières impositions et plus de six mois après la notification à son employeur, le 20 février 2007, d'un avis à tiers détenteur. De plus, la requérante s'est abstenue d'assortir cette réclamation d'assiette d'une demande de sursis de paiement présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales selon lesquelles " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes ".
13. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le comptable public aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en engageant des mesures de poursuite à son encontre en vue du paiement de l'impôt.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B..., qui n'établit pas qu'une faute aurait été commise par l'administration fiscale, n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de réparation des préjudices qu'elle aurait subis en conséquence d'une telle faute. Par voie de conséquence, l'ensemble des conclusions de sa requête doit être rejeté y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2021.
La présidente rapporteure,
H. VINOT La présidente assesseure,
C. VRIGNON-VILLALBA La greffière,
F. DUBUY-THIAMLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°20PA04240