Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1813879 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Kornman, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1813879 du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté d'expulsion du 2 juillet 2018 du préfet du Val-d'Oise ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de renouveler son certificat de résidence algérien dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délais et d'astreinte et de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la décision d'expulsion est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle ne pouvait être prise au regard des dispositions du 2° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
- elle méconnaît l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le préfet s'est fondé exclusivement sur les infractions qu'il a commises, et non sur l'ensemble de son comportement, pour estimer qu'il constituait une menace à l'ordre public et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la persistance de la menace à l'ordre public représentée par sa présence sur le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, le préfet du Val-d'Oise, a conclu au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 26 mai 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinot,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brevan, substituant Me Kornman, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 juillet 2018, le préfet du Val-d'Oise a prononcé l'expulsion de M. B... du territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il est légalement admissible. M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la décision d'expulsion en litige a été prise non sur le fondement des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, mais sur celui des dispositions alors codifiées à l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Dès lors, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que cet accord n'est pas visé par l'arrêté contesté pour soutenir qu'il serait insuffisamment motivé en droit. D'autre part, il ressort de l'examen de l'arrêté que le préfet du Val-d'Oise, qui n'était pas tenu d'exposer en détail l'ensemble des motifs l'ayant conduit à considérer qu'en raison de l'ensemble du comportement de M. B..., sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public, a suffisamment motivé sa décision en fait. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision prononçant l'expulsion de M. B... du territoire français doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté, que celui-ci n'est pas entaché d'un défaut d'examen de la situation de M. B....
4. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : [...] ; 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; [...] "
5. M. B... soutient qu'à la date de l'arrêté il résidait régulièrement en France de plus de vingt ans, et que son comportement n'a jamais été de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou liés à des activités à caractère terroriste ou constitutifs d'actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu délivrer deux certificats de résidence algériens d'une durée de 10 ans pour la période de 1987 à 1997 puis pour celle et 2004 à 2014, qu'aucun certificat de résidence ne lui a été délivré entre le 17 mars 1997, date d'expiration de son premier certificat de résidence de dix ans, et le 29 juin 2001, date de la délivrance d'un certificat de résidence de trois mois. S'il a bénéficié jusqu'au mois d'octobre 2004, de certificats de résidence algériens d'une durée de trois mois ou d'un an jusqu'au 26 octobre 2004, il ne justifie d'aucun titre entre le mois d'août 2014, date d'expiration de son deuxième certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans, et le 25 avril 2018 date de délivrance de son dernier certificat de résidence algérien.
7. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... a été condamné le 13 janvier 1994 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Angers à trois ans d'emprisonnement, pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, puis que, le 10 avril 1997, la cour d'assises de la Mayenne l'a condamné à une peine de douze ans de réclusion criminelle et une interdiction de séjour pendant cinq ans dans deux départements, pour vols avec arme, et que le 20 octobre 1998, il a été condamné à six ans d'emprisonnement pour vol avec port d'arme. M. B... a exécuté ces peines, puis a de nouveau été condamné par le tribunal correctionnel de Beauvais à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 300 euros pour recel de bien provenant d'un vol, refus de se soumettre aux vérifications relatives au véhicule ou au conducteur et usage de fausse plaque ou de fausse inscription apposée sur un véhicule à moteur ou remorque, faits commis le 21 décembre 2003. Enfin, il a été condamné par la Cour d'Assises d'Appel d'Ille-et-Vilaine le 19 novembre 2009 pour vols avec arme commis en état de récidive légale à 15 ans de réclusion criminelle et une interdiction de séjour pendant 10 ans en Loire-Atlantique.
8. Dans ces conditions, et dès lors que les années passées en détention au titre d'une peine de privation de liberté ne peuvent s'imputer dans le calcul des vingt ans mentionnés par les dispositions alors codifiées à l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en application des dispositions alors codifiées au du 2° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile il ne pouvait pas être expulsé en raison de la durée de son séjour en France.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ".
10. Comme il a été dit au point 7, M. B... a été condamné de nombreuses fois à de lourdes peines d'emprisonnement, pour avoir commis des faits d'une particulière gravité qui attestent de la dangerosité de son comportement, ses condamnations ayant d'ailleurs été de plus en plus lourdes jusqu'à sa condamnation, le 19 novembre 2009, à 15 ans de réclusion criminelle prononcée par la Cour d'Assises d'Appel d'Ille-et-Vilaine, pour vols avec arme commis en état de récidive légale. Dès lors, et nonobstant l'avis défavorable de la commission d'expulsion, le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché l'arrêté litigieux d'une erreur d'appréciation, au regard du risque que M. B... renoue avec son comportement criminel à sa sortie de prison, en considérant que sa présence en France représente une menace grave pour l'ordre public.
11. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...) ".
12. M. B... se prévaut de la présence sur le territoire de ses deux filles, de nationalité française, nées en 1983 et 1987. S'il produit une attestation de chacune d'entre elles exprimant le souhait que leur père puisse demeurer en France, ces attestations ne permettent pas à elles seules de justifier de l'intensité du lien existant entre le requérant et ses deux filles majeures, respectivement âgées de 33 et 37 ans à la date de la décision attaquée, alors que leur père a passé depuis leur naissance une vingtaine d'années en prison. Et si M. B... se prévaut de nombreuses formations suivies pendant sa détention, du fait qu'il entraîne au football des enfants depuis sa sortie de prison et qu'il a suivi de nouvelles formations à l'entraînement des séniors ainsi qu'au brevet de moniteur et d'entraîneur de football, il ressort des pièces du dossier qu'il était déjà éducateur aux dates auxquelles il a commis les délits et crime qui l'ont conduit en prison. Et si l'activité d'entraîneur au centre de formation de football de Paris lui procure un revenu mensuel de 600 euros, elle ne lui permet pas de disposer de ressources suffisantes et ni de justifier d'une insertion stable dans la société française. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est remarié avec une ressortissante française en octobre 2018, cette circonstance est postérieure à la date de l'arrêté contesté et, en outre, son épouse a porté plainte à son encontre pour violences sans incapacité en janvier 2019, a demandé le divorce en juillet 2019, moins d'un an après leur union, et s'est désistée de sa demande de divorce le 10 février 2020, peu après la notification du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, et eu égard à la gravité des faits mentionnés au point 7 du présent arrêt et à la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé son expulsion du territoire français et sa reconduite vers son pays d'origine, l'Algérie, ou tout pays dans lequel il établirait être légalement admissible, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
13. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2018 du préfet du Val-d'Oise. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetés de même que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2021.
La présidente assesseure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente rapporteure,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01779