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09/12/2021 | FRANCE | N°20PA01625

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 décembre 2021, 20PA01625


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

27 février 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004840/6 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les

3 juillet 2020

et 8 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Loques, demande à la Cour :

1°) de prononcer son admission...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

27 février 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004840/6 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les

3 juillet 2020 et 8 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Loques, demande à la Cour :

1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 27 février 2020 ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui remettre sa carte d'identité serbe ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a rejeté sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sans précisions, alors que son conseil a été contraint de saisir rapidement la juridiction ; au regard des délais applicables, il n'a pas eu le temps, avant le recours, de déposer une demande d'aide juridictionnelle ;

- le jugement a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation ;

- la motivation du jugement est contradictoire : d'une part, il mentionne le règlement

UE 1091/2010 fixant la liste des ressortissants de pays tiers exemptés de visa et autorisés à séjourner en France pour une durée de 90 jours, alors que les premiers juges ont écarté un moyen tiré de l'erreur de droit au motif qu'il n'a pas précisé le texte applicable à sa situation, qu'il n'a pas présenté de passeport ni mentionné qu'il en possédait un ; d'autre part, ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement n° 2018/1806 du 14 novembre 2018 ;

- en application de l'article 2.1 de ce texte, les ressortissants des pays tiers mentionnés en son annexe II sont exemptés de l'obligation de visa : or, il justifie de sa nationalité et d'un passeport délivré par la Serbie, lequel comporte un tampon d'entrée sur le territoire français au 12 janvier 2020 ; en outre, il a indiqué lors de son audition qu'il disposait d'un passeport, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ce qui entache le jugement d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur de droit : la Serbie fait partie des pays dont les ressortissants sont exemptés de visa pour tout séjour de 90 jours sur une période de 180 jours ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet de police, a été enregistré le

15 novembre 2021, soit après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. A... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant serbe né le 17 avril 1988 à Kragujevac, relève appel du jugement du 22 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 27 février 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 18 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Par suite, il n'y a pas lieu de lui accorder le bénéfice d'une admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 susvisé : " 1. Les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe I sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres. (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " 1. Les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe II sont exemptés de l'obligation prévue à l'article 3, paragraphe 1, pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours. (...) ".

4. La Serbie figure dans la liste de l'annexe II du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 relative aux pays tiers dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats-membres, pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute une période de 180 jours. Il n'en va autrement que pour les titulaires de passeports serbes délivrés par la direction serbe de la coordination (en serbe : Koordinaciona uprava).

5. En l'espèce, pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de police a retenu que l'intéressé était dépourvu de document transfrontière (passeport) et ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français.

6. Toutefois, il ressort du procès-verbal dressé le 27 février 2020 par les services de police que M. B..., hébergé à Paris par Mme D..., a indiqué qu'il disposait d'une carte d'identité, d'un permis de conduire et que son passeport serbe se trouvait à son domicile. L'intéressé a produit, devant les premiers juges, une copie de son passeport duquel il ressort qu'il est effectivement entré en France le 12 janvier 2020. En outre, ce passeport n'a pas été délivré par la direction serbe de la coordination et à la date de la décision attaquée, M. B... se trouvait en France depuis moins de deux mois. Dans ces conditions, conformément aux dispositions précitées du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018, le préfet de police ne pouvait considérer que le requérant ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1,

L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

9. Le présent arrêt implique seulement que le préfet de police réexamine la situation administrative de M. B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police d'y procéder, et de le munir, conformément aux dispositions précitées, d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 2004840/6 du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de police a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

Le président-rapporteur,

I. A...L'assesseure la plus ancienne,

M-D. JAYER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20PA01625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01625
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LOQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;20pa01625 ?
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