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08/12/2021 | FRANCE | N°21PA03851

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 08 décembre 2021, 21PA03851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 mai 2021 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 2110964 du 14 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 mai 2021, a enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement et de lui

délivrer dans l'attente une attestation de demande d'asile en procédure normale, a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 mai 2021 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 2110964 du 14 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 mai 2021, a enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente une attestation de demande d'asile en procédure normale, a rejeté le surplus des conclusions et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2110964 du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté au motif qu'il aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés ;

- de plus, le motif d'annulation retenu par le tribunal n'impliquait pas nécessairement la délivrance à l'intéressé d'une attestation de demande d'asile en procédure normale car sa situation entrait dans le champ d'application du 2° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, M. A..., représenté par la SELARL LFMA, demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du préfet de police ;

2°) d'annuler l'arrêté de transfert aux autorités bulgares du 19 mai 2021 du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1800 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 2 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vinot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant afghan né le 21 janvier 1989, a présenté le 23 mars 2021 une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris. Par un arrêté du 19 mai 2021, le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités bulgares en vue de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 14 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. A..., cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 2013, établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Si la commission estime qu'un Etat membre a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations ".

3. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le tribunal administratif de Paris a estimé que l'engagement le 8 novembre 2018 de la procédure d'infraction à l'encontre de la Bulgarie par la commission européenne, sur le fondement de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dont les motifs ont été corroborés notamment par le récit de M. A..., doit être regardé comme constituant des raisons sérieuses de croire qu'il existe, dans cet Etat, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant et que le préfet de police avait, dès lors, méconnu les dispositions citées au point 2 en décidant du transfert de l'intéressé dans cet Etat.

4. Cependant, le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption peut, il est vrai, être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de cette convention.

5. M. A... soutient que, lors de son passage en Bulgarie, il aurait été maltraité par les forces de police, et aurait eu un accès limité à la nourriture et aux sanitaires. Cependant il n'établit pas, par la production de documents à caractère général qui ne le concernent pas, tels qu'une pétition présentée au nom de quatorze ressortissants afghans dénonçant les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, ou des rapports rédigés en termes généraux, qu'il existait à la date de l'arrêté litigieux des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Bulgarie, alors que, ainsi que le fait valoir le préfet de police, la commission européenne n'a pas recommandé de suspendre les transferts des demandeurs d'asile vers la Bulgarie. Et le requérant ne produit aucun élément de nature à établir qu'il aurait été victime de violences en Bulgarie. Enfin, et alors que, contrairement à ce que soutient M. A..., sa demande d'asile a été enregistrée en Bulgarie ainsi que l'atteste l'accord de ce pays à la reprendre en charge, la circonstance que les autorités bulgares auraient rejeté cette demande moins de quatre mois à compter de son enregistrement n'est pas de nature à établir que cette demande n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux par la Bulgarie. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 mai au motif qu'il aurait méconnu les dispositions rappelées au point 2.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-0377 du 30 avril 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, le préfet de police a donné à M. Pierre Villa, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 12ème bureau, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchements d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu'elle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre contre signature, le 22 mars 2021, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), conformes à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 qui a modifié sur ce point l'article 16 bis du règlement (CE) n° 1560/2003, le guide du demandeur d'asile et la brochure Eurodac. Ces documents lui ont été remis en pachto, langue officielle de l'Afghanistan, dont l'intéressé, n'a ni allégué, ni établi ne pas la comprendre. De même, l'intéressé a accusé réception de la remise de l'ensemble de ces documents, dans leur intégralité. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

11. En troisième lieu, la méconnaissance de l'obligation d'information sur l'utilisation, la conservation et le droit d'accès aux données collectées lors du relevé d'empreintes digitales, prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une décision de transfert.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

13. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un tel entretien le 23 mars 2021 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en pachto, langue dont l'intéressé n'a ni allégué, ni établi ne pas la comprendre et qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. L'intéressé ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Si le résumé de l'entretien individuel, dont le requérant a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. L'entretien de M. A... ayant ainsi été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé M. A... B... la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". De même, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. ". Enfin, aux termes de l'article 19 du même règlement : " 1. Chaque État membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante ".

15. Il résulte des dispositions précitées du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux mois au terme duquel la demande de reprise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

16. Il ressort des pièces versées au dossier de première instance par le préfet de police qu'il a saisi le 29 avril 2021 la Bulgarie d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. A... sur la base des résultats positifs du système " Eurodac " communiqués le 22 mars 2021, et que le 7 mai 2021 les autorités bulgares ont explicitement accepté de reprendre en charge M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises dans les délais impartis par les dispositions précitées, doit être écarté.

17. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 2013, établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) / 3. Tout État membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

18. M. A... soutient que les autorités bulgares n'auraient pas examiné sérieusement sa demande d'asile dès lors que le rejet de cette demande serait intervenu moins de quatre mois après son enregistrement et dans des conditions qui ne seraient pas conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et que son transfert en Bulgarie risque d'entraîner son renvoi dans son pays d'origine, l'Afghanistan, où il craint pour sa vie. Toutefois, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Bulgarie et non dans son pays d'origine. Or la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, ainsi que cela a été dit au point 5, M. A... n'établit pas qu'il existait, à la date de l'arrêté litigieux, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Bulgarie. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités bulgares n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de M. A..., les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en prononçant son transfert aux autorités bulgares, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De même, M. A..., qui ne justifie pas de circonstances humanitaires, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 mai 2021 décidant la remise aux autorités bulgares de M. A..., lui a enjoint d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence, l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2110964 du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2021.

La présidente assesseure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente rapporteure,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21PA03851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03851
Date de la décision : 08/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-08;21pa03851 ?
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